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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/505

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DIEU

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nier le principe d’identité, c’est nier que le rouge soit rouge i)ar soi, c’est nier que le carré ait en soi ce par quoi il est carré avec telles propriétés plutôt que cercle avec telles autres. — Mais la raison d’être peut être extrinsèfjite, ainsi disons-nous que les propriétés ont leur raison dètre dans la nature de laquelle elles dérivent, dans la dilierence spécilique d’où elles se peuvent déduire et qui les rend intelligibles (les propriétés du triangle dans la nature du triangle, la liberté dans la raison capable de délibérer). Nous disons encore qu’un être qui n’est pas par soi a la raison d’être de son existence dans un autre être qui est par soi (cette raison d’être extrinsèque de l’existence d’un être contingent est appelée sa cause efliciente, c’est la raison d’être réalisatrice ou actualisatrice, ce qui le réalise ou l’actualise). Nous disons entin qu’un moyen qui n’est pas voulu pour lui-même, mais en vue d’une liii, a sa raison d’être extrinsèque dans cette lin.

Si donc on veut préciser la formule du principe de raison d’être en mentionnant la raison d’être intrinsèque et la raison d’être extrinsèque, on dira : « Tout être a la raison d’être de ce qui lui convient, en soi ou dans un autre ; en soi, si cela lui convient par ce qui le constitue en propre ; dans un autre, si cela ne lui convient pas par ce qui le constitue en propre. '> Comme nous venons de le voir, la première partie de la formule, ([ui vise la raison d’être intrinsèque, n’est qu’une détermination du principe d’identité. C’est de la seconde partie qu’il est vz-ai de dire qu’elle se rattache au principe suprême par réduction à l’impossible. En d’autres termes, il n’est pas seulement inintelligible, comme le prétendent les Kantiens, mais contradictoire de dire qu’un être qui n’a pas en soi sa raison d’être n’a pas sa raison d’être dans un autre. — Il est facile de l’établir ; pour la mise en forme de cette réduction à l’impossible, nous utilisons ce qu’a écrit à ce sujet A. Spir dans son ouvrage :

« Pensée et Réalité > traduit de l’allemand

par M. Penjon. Paris. Alcan, 181j6 (p. 146, 203).

Soit le principe d’identité : « tout être est par lui-même d’une nature déterminée qui le constitue en propre s A est A, le rouge par lui-même est rouge, le carré par lui-même est carré. — D’où la formule négative qui est le principe de non-contradiction : » un même être ne peut être ce qu’il est et ne pas l’être », être rond et non rond. — D’où une troisième formule, qui peut s’appeler principe des contraires ou des disparates : « un même être ne peut à la fois et sous le même rapport être déterminé de deux manières différentes ». par ex. : être rond et carré, car le carré en tant que carré s’oppose au rond et est essentiellement non rond. — De là nous sommes conduits à une quatrième formule : s’il y a contradiction à dire « le carré est rond », il n’y en a plus à dire

« le carré est rouge », puis<[ue le rapport d’attribution

n’est plus le même : parler du carré c’est se placer au point de vue de la forme, parler du rouge c’est se placer au point de vue de la couleur ; le carré "peut ^tre rouge sans cesser d’être carré. Mais il y a encore contradiction à dire : < le carré par soi et comme tel, c’est-à-dire par ce qui le constitue en propre, est rouge », car ce qui fait que le carré est carré est autre que ce qui fait que le rouge est rouge. Le carré ne peut être rouge par soi. Nous arrivons ainsi à cette quatrième fornuile : « Tout ce qui convient à un être, mais non pas selon ce qui le constitue en propre, ne lui convient pas par lui-même et immédiatement », c’est l’équivalent de cette fornuile tirée de S. Thomas : Onine quod alicui comenit non secunduni quod ipsuni est, non convenit ci per se et immédiate. C. Gentes, 1. II, c. 15. § a (per se et immédiate est la traduction de za9’v.ùri xv.i  ?, yiizd des Post. Anal., 1. I,

c. 4)- — Cette formule immédiatement dérivée du principe d’identité peut encore s’écrire : « des éléments de soi divers ne sont pas de soi quelque chose d’un », i( quæ secundum se di’ersa sunt, non per se conveniunt in aliquod ununi » (ex D. Thoma. Summ. T/ieol., I », q. 3, a. 7). — Enlin le principe de raison d’être (extrinsèque) affirme davantage « ce qui est mais pas par soi est par iin autre », quod est non per se est ah alio quod est per se, ou « l’union inconditionnelle du divers est impossible », quæ secundum se dii-ersa sunt non con^’eniunt in aliquod unum nisi per aliquani causant adunanteni ipsa (I=>. q. 3, a. 7.) ; omne quod alicui convenit non secundum quod ipsum est, per aliquani causant ei conveiiit, nom quod causant non liabet primum et immediatum est. C. Gentes, 1. II, c. 15, § 2. Ce principe ajoute quelque chose de nouveau à la formule précédente, en tant qu’il affirme une relation de dépendance, ab alio ; on ne peut prétendre le déduire du principe d’identité par démonstration directe, mais il s’y rattache par réduction à l’impossible : nier cette relation de dépendance ab alio, c’est nier que l’être qui n’est pas par soi soit conditionné ou relatif, conséquemment c’est affirmer qu’il est non- -’^nditionné, non relatif, c’est-à-dire absolu, et c’est Ou-e amené à nier notre quatrième formule dérivée du principe d’identité, c’est soutenir que

« des éléments de soi divers, de soi sont unis », que
« ce qui convient à un être, mais non pas selon ce

qui le constitue en propre, lui convient par lui-même et immédiatement », c’est en fin de compte affirmer que a ce qui n’est pas par soi est par soi ».

Nous résumerons d un mot cette réduction à l’impossible : nier que V être qui est, sans être par soi. ait une raison d’être (ce qu’il faut pour être), c’est l’identifier avec ce qui n’est pas : nier qu’il ait une raison d’être extrinsèque, c’est l’identifier avec ce qui est par soi. Cette démonstration par l’absurde ne peut donner l’évidence intrinsèque du principe de raison d’être, et c’est pourquoi non totaliter quietat intellectum, mais elle montre que la négation du principe de raison d’être n’est pas seulement inintelligible et ruineuse, comme le soutient Kant, mais qu’elle est aussi contradictoire. Nier ce principe, c’est être amené à nier celui de non-contradiction ; en douter, c’est être amené à douter de celui de non-contradiction. En ce sens, nous disons que le principe de raison d’être est analytique. Pour qu’un jugement soit analytique, il n’est pas nécessaire qu’il y ait identité logique entre le sujet et le prédicat, un pareil jugement serait une pure tautologie et ne nous apprendrait rien ; dans tout jugement atlirmatif, - même dans le principe d’identité, il y a diversité logique du prédicat et du sujet et identité réelle ; un jugement est alors analytique et a priori, ou synthétique et a posteriori, suivant que cette identité réelle apparaît par la seule analyse des notions ou par l’examen des choses existantes (cf. Skntroll, op. cit.). — Ici l’analyse des ternu ^s nous montre que nous ne pouvons refuser d’admettre l’identité réelle sous la diversité logique, sans tomber dans l’absurde. Le principe de raison d’être n’est pourtant i)as analytique au même titre que le principe d’identité : dans ce dernier, c’est le prédicat qui est impliqué dans la raison du sujet ; pour le principe de raison d’être, c’est l’inverse. En effet, on peut bien affirmer le sujet (ce qui est sans être par soi) sans affirmer le prédicat (est dépendant d’un autre), mais on ne peut nier du sujet ce prédicat sans détruire le sujet lui-même et l’identifier soit à l’être par soi, soit au néant (cf. art. cit. I{e-. Tkoni., igo8).

S Le principe de causalité, fondement immédiat des preuves de l’existence de Dieu. L’idte de cause ; sa valeur ontologique : la causalité

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