Aller au contenu

Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/506

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

995

DIEU

99 G

se définissant en fonction de l’être par la réalisation, dépasse l’ordre des phénomènes, c’est un sensible per accidens et per se un intelligible.

— Du principe général de raison d’être (extrinsèque) dérivent le principe de causalité proprement dit, le principe de Onalité, et le principe d’induction. — La raison d’être est plus générale que la cause ; la cause est la raison dètre de l’existence de son effet, elle est raison d être en ce sens qu’elle réalise ou mieux actualise, mais toute raison d’être n’est pas cause, ainsi la différence spéciilque est raison des propriétés sans en être la cause. — Nous ne chercherons pas, pour répondre aux empiristes, si cette idée de cause nous vient de l’expérience externe (résistance que nous opposent les corps) ou de l’expérience interne (sentiment de l’effort que nous exerçons sur ces corps extérieurs ; certains ont prétendu que ce n’est là qu’une sensation afférente et non pas efférente). Il est inutile aussi de rechercher si, pour la connaissance sensible seule (telle qu’elle est chez l’animal), l’effort est seulement suivi du déplacement du mobile extérieur, ou s’il produit, réalise ce déplacement. Hume et tous ses disciples affirment que les sens ne nous montrent pas des faits de causalité, mais seulement des faits de succession. Il est certain que la causalité ne peut être perçue par les sens comme la couleurou le son, ce n’est pas un sensible per se, c’est, comme la substance, une réalité d’ordre intelligible per se (noumène), mais qui mérite le nom de sensible per accidens « quia statiin percipitur ab intellectu ad occursum rei sensatæ » (De anima, 1. II, Comm. de S. Th., leç. 13). De même que seule l’intelligence perçoit l’être, de même que seule elle perçoit la substance sous les qualités sensibles, couleur, son, odeur qu’atteignent les sens ; de même elle seule peut percevoir la réalisation ou production.^ ou actualisation de ce qui arrive à l’existence. La réalisation n’a de sens qu’en fonction de l’être, et ne peut donc être saisie <{ue par la faculté qui a pour objet formel l’être et non pas la couleur ou le son ou le fait interne. Dès que les sens montrent un changement, la raison en cherche la raison d’être réalisatrice. Peu importe donc quelle expérience, quelle image sensible nous fournit l’idée de cause ; cette idée ne tire’pas sa valeur absolue, universelle et objective de son origine sensible, (elle pourrait être innée et avoir cette même valem*), mais de son rapport avec l’être, objet formel de l’intelligence. Nous sommes absolument certains que tout être qui peut ne pas être a besoin d’une cause, c’est-à-dire a besoin d’être réalisé (dans le temps ou ab aeterno, peu importe) parce que l’intelligence a cette intuition : l’existence ne convenant pas à cet être selon ce qui le constitue en propre per se primo, ne peut lui convenir que par un autre, ab alio ou per aluid. — Cette conception de la causalité n’est donc nullement anthropomorphique, la causalité universelle n’est pas la projection au dehors d’une expérience interne, d’un fait de la vie humaine. La causalité n’est pas, comme l’attraction universelle, une expérience généralisée, c’est une idée, bien plus c’est une idée qui appartient à l’intelligence humaine, non point en tant qu’humaine, mais en tant qu’intelligence. En tant qu’humaine, notre intelligence a pour objet l’essence des choses sensibles, en tant qu’intelligence, comme toutes les intelligences, elle a pomobjet formel et adéquat l’être (S. Thomas, Summ. Theol., la, q. 12, a. 4 c. et ad 3"°). Or nous venons de définir la causalité immédiatement en fonction de l’être. Par là nous a ons établi sa valeur ontologique, et nous avons posé le fondement de sa valeur transcendante et analogique, en d’autres termes de la possibilité de l’attribuer à Dieu. Nous verrons plus loin, col. 1007 et ion, que l’être pourra être attribué à

Dieu, pai’ce qu’il n’est pas une notion univoque comme un genre, mais parce qu’il transcende les genres, il faudra en dire autant de la causalité et des autres notions (intelligence et volonté) qui se définissent par un rapport iiuiuédiat à l’être, et non pas à telle ou telle modalité de l’être.

9’Tout devenir et tout composé demandent nécessairement une cause. — Le principe métaphysique de causalité, ainsi rattaché à l’être, va s’appliquer à tout ce qui n’existe pas par soi, c’est le cas de tout devenu-, et, à un point de vue plus universel et plus profond, de tout composé. — Le devenir demande d’abord une raison d’être extrinsèque, parce qu’il est union successive du divers (ex. : ce qui est violet devient rouge). Or l’union inconditionnelle du divers est impossible, car des éléments de soi divers ne peuvent de soi être unis (pr. d’identité). — Cette raison d’être extrinsèque est une cause efficiente : le devenir qui est réalisé peu à peu doit être réalisé par autre chose que par lui. En effet, comme le montre Aristote en réponse aux arguments de Parménide et d’HÉRACLiTE (Pltys., 1. I, c. 8, et jVet., l. IX en entier), le devenir suppose à son origine un milieu entre l’être déterminé et le pur néant, ce milieu c’est l’être indéterminé ou la puissance (ex ente jam determinato non fit ens, quia jam est ens : ex niliilo nihil fit ; et tamen fit ens). (Cf. col. 986.) Le devenir est ainsi le passage de la puissance à l’acte ; ce qui pouvait être chaud mais ne l’était pas, le devient ; ce qui pouvait être éclairé mais ne l’était pas, le devient ; le disciple qui avait la puissance réelle de devenir philosophe (puissance réelle que n’a pas le chien) mais ne l’était pas, le devient, La puissance qui de soi n’est pas l’acte ou n’est pas actualisée, ne peut être actualisée par soi (le nier serait nier le principe d’identité). Elle ne peut donc être actualisée que par quelque chose d’autre, et ce quelque chose qui actualise ou réalise, c’est précisément la cause elficiente. Ens in potentia non reducitur in actum nisi per aliquod ens in actu.

Le devenir est ainsi rendu intelligible, non pas en fonction du repos (comme le faisait Descartes qui se plaçait au point de vue mécanique et non pas métaphysique), mais en fonction de l’être, par la division de l’être en puissance et acte. Cette division s’impose, si l’on veut maintenir contre Parménide l’existence du devenir et contre Heraclite la valeur objective du principe d’identité. Ce sera le fondement des preuves par le mouvement, par les causes eflicientes et I^ar la contingence.

Ce n’est pas seulement le devenir qui est ainsi rendu intelligible, c’est encore, dans l’ordre statique et dans les dernières profondeiu-s de l’être que le devenir n’atteint pas, la nuiltiplicité ou diversité. D’abord toute multiplicité (1° pluralité d’êtres possédant un élément commun et ayant à ce titre une imité de similitude spécifique, générique ou seulement transcendantale, 2° pluralité de parties dans un seul et même être, ayant à ce titre une unité d’union) demande une raison d’être extrinsèque. En elfet une pareille multiplicité est union du divers. Or l’union inconditionnelle di divers est impossible. Des éléments de soi divers ne peuvent pas de soi et comme tels être unis, ni même être semblables (pr. d’identité ) ; multitudo non reddit rationem unitatis (cf. plus loin, preuve de Dieu par les degrés des êtres, col. io50). — Cette raison d’être extrinsècjue doit être une cause efficiente, c’est-à-dire un principe d’actualisation. En effet la multiplicité, comme le devenir, est toujours composition de puissance et acte, et non pas piu- acte, acte par elle-même. Aristote l’a montré encore contre Parménide. Ce dernier déclarait toute-