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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/507

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DIEU

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multiplicité illusoire, comme tout mouvement, au nom du principe d’identité. « Tout ce qui est en dehors de l’être (autre que l’être) est non-être, disait le philosophe d’Elée, et le non-être n’est pas. Donc l’être est un, et il n’y a qu’un être, car on ne peut rien concevoir qui s’ajoute à l’être pour y introduire une différenciation ; cela même serait de l’être. Autrement dit, s’il y avait deux êtres, ils devraient se disting-uer l’un de l’autre par autre chose que par l’être, et ce qui est autre que l’être est non-être. Or l’être est, le non-être n’est pas, on ne sortira pas de cette pensée «  (cf. Aristote, I Met., c. 5, Connu, de S. Thomas, loç. g).

— C’était en réalité nier le monde, l’absorber en Dieu qui seul est absolument un et immuable, et il faut savoir gré à Pariuénide d’avoir si puissamment aflirmé la loi suprême de la pensée et du réel, le principe d’identité, fondement de toute preuve de Dieu. Mais enûn le monde existe, c’est un fait, et en lui nous voyons de la multiplicité ; la multiplicité est aussi dans les concepts. Il faut l’expliquer, sans cependant abandonner le premier principe de la raison. — Platon, dans le Sophiste (2^1 D, 267 A, 269 E), pour expliquer le multiple k au risque de passer pour parricide » ne craint pas « de porter la main sur la formule de Parménide, et d’afTirmer que le non-être est « , milieu entre l’être et le pur néant, limite de l’être. En vertu du principe même d’identité, les objets que nous connaissons, ayant 1 être comme élément commun, ne peuvent différer les uns des autres par cet élément commun. Force est donc de dire qu’ils diffèrent par autre chose que l’être ; et ce qui est autre que l’être est non-être. Il faut donc aflirmer que le nonêtre est, milieu entre l’être et le pur néant, limite de l’être. — Aristote précise : la distinction de plusieurs individus d’une même espèce ne s’explique que si l’on admet le non-être réel, ou la matière, comme sujet et limite de la forme commune à ces individus. Ainsi la matière (en tant qu’elle exige telle quantité et non pas telle autre) est principe d’individuation, et suflit à distinguer deux individus, qui à ne considérer que leur forme et leurs qualités seraient indiscernables, comme deux gouttes d’eau. — S. Thomas précise encore : la multiplicité ou la distinction des êtres en général ne s’explique que si l’on admet en chacun d’eux le non-être réel, comme sujet et limite de l’acte d’exister qui est commun à tous ces êtres, actus multiplicatur et limitatur per potentiam ( ! =>, q. 7, a. I. (’. Gentes, 1. II, c. 62). Les minéraux, les végétaux, les animaux, les hommes, les anges ont tous un élément comnuin, l’existence, et un principe qui les différencie, une essence susceptible d’exister et qui reçoit l’existence selon sa capacité plus ou moins restreinte, depuis la pierre à l’esprit pur. On voit que ce composé d’essence et existence, qui est union du divers, demande une raison d’être extrinsètiue, l’union inconditionnelle du divers est impossible ; cette raison d’être doit être actualisatrice, puisque ce composé n’est pas de soi actualisé, n’est pas existant de soi et comme tel. Omne compositum causam haŒt, quae enim secundum se di’.'crsa sunt, non comeniunt in aliqiiod unum nisi per aliquam causam adunanlem ipsa. », q. 3, a. 7.

La multiplicité est ainsi rendue intelligible en fonction de l’être, par la division de l’être en puissance et acte. Cette division s’impose, si l’on veut maintenir l’existence du multiple, sans nier la valeur objective du princijie d’identilé. C’est ce principe qui nqus oblige à distinguer en tout ce qui est et peut ne pas être, le non-être et l’être, l’essence et l’existence, et c’est ce même principe, uni au principe de raison d être, qui va nous obliger de rattacher tous les êtres à Y Ipsum esse subsislens, qtii seul est à lui-même sa raison, parce que seul il est identité pure. Le prin cipe suprême de la pensée apparaîtra alors comme principe suprême du réel (1=*, q. 3, a. 4 et 7).

10* Le principe de finalité, dérivé du principe de raison d’être. La connaissance de sa valeur absolue bien loin de supposer celle de l’existence de Dieu doit nous permettre de

I acquérir. — Tout devenir et tout composé demandent donc une cause efficiente. Il3 demandent aussi nécessairement une cause finale, ils exigent deux raisons d’être extrinsèques. Nous aurons à insister sur ce second point à propos de la preuve par l’ordre du monde, mais il convient dès maintenant de rattacher le principe de finalité au principe de raison d’être, pour compléter ces notions de métaphysique générale, préliminaire indispensable aux preuves de l’existence de Dieu. — L’idée de fin ou de but nous vient de notre activité d’êtres raisonnables, nous nous proposons des fins et agissons en xne de les réaliser. Quant aux sens, seuls ils n’atteignent pas plus la finalité que la causalité, que la substance, que l’être. L’animal, dit S. Thomas, veut par instinct les choses qui sont moyens, et celle qui est fin, sans percevoir la raison d’être du moyen dans la fin, ainsi l’oiseau ramasse la paille pour le nid (I II", q. 1, a. 2). L’homme au contraire, parce qu’il est doué d’intelligence, faculté de l’être, non seulement trouve l’idée de fin dans sa propre activité, mais lorsqu’il veut rendre intelligible en fonction de l’être l’action de n’importe quel agent intelligent ou non intelligent, animé ou inanimé, il s’aperçoit que cette action exige aussi nécessairement une fin qu’elle exige cause efliciente. Et il formule le principe de finalité : Omne agens agit propter finem (Aristotk, Phrs., II, c. 3. — S. Thomas, Summ. Theol., l^, q. 44 » a. 4. — la iiae^ q j, a. 2. — C. Gentes, 1. III, c. 2). Ce principe n’est nullement une extension anthropomorphiqvie de notre expérience interne, il est facile de le rattacher au principe de raison d’être. Si tout a sa raison d’être, comme nous l’avons établi plus haut, il faut qu’il y ait une raison, pour que la cause efficiente agisse au lieu de ne pas agir, et pour qu’elle produise ceci plutôt que cela ; il faut aussi que la puissance passive sur laquelle elle agit soit susceptible de recevoir la détermination qu’elle peut produire. Sans ces conditions, la cause efficiente produirait tout ou rien, et non pas tel effet déterminé. Si tout a sa raison d’être, l’effet doit être prédéterminé.

II faut donc que la puissance active de l’agent et la puissance passive du patient précontiennent la détermination de leur effet. Ainsi la puissance nutritive et l’aliment précontiennent la nutrition ; on ne se nourrit pas avec des pierres, on ne digère pas avec les yeux. Mais la puissance ne peut précontenir actuellement la détermination de son effet : elle ne la précontient qu’en tant qu’elle est ordonnée k tel acte et non pas à tel autre, comme à sa perfection et à son achèvement, qu’en tant qu’elle a en lui sa raison d’être {potentia dicitur ad actum). Qu’on ne dise pas que cet acte est pur tei*me, pur résultat, il ne serait pas prédéterminé. Et comment serait-il pur ferme ? Etant plus parfait que la puissance principe d’opération, il est nécessairement te pour quoi (id cujus gratia, to o’j kvi/.c/) la puissance est faite, comme l imparfait est nécessairement pour le parfait, cl le relatif pour l’absolu. Seul en eflet, l’absohi a en lui-même sa raison d’être. Cet acte, raison d’cln ; de la puissance, pour lequel elle est faite, en iv dutiuel l’agent agit, nous l’appelons ////. Ainsi la i)uissance de voir est / ; (H/r la vision, la puissance d’entendre pour l’audition… Omne agens agit propter finem ; atioquin e.r actione agentis non mugis sequeretur hoc quam illud nisi a casu (l", q. 44, a. 4), ou encore : Potentia dicitur au