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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/51

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droit des nations sauvages à leur indépendance, et le droit des princes chrétiens à de libres rapports avec l’Amérique. Il convient de répondre séparément à ces deux reproches.

i) Le Pape, dans ces documents, ne s’occupe que des princes chrétiens, et paraît ne se proposer que de prévenir les dissensions et les luttes que devaient nécessairement engendrer leurs prétentions rivales sur les pays nouvellement découverts, ou à découvrir. Il ne confère à Ferdinand et Isa])elle aucun droit temporel à l’égard des intidèles du Nouveau Monde. S’il les loue de chercher « à se soumettre >> ces infidèles, il suppose évidemment que cette soumission sera volontaire, ou due à une conqiiète légitime, et conforme au droit chrétien, connu par ailleurs. Quelques années plus tard, en 1/497, dans un document relatif à des concessions analogues en faveur du Portugal, le Pape emploie cette même formule de

« donation » des terres intidèles, tout en stipulant

sous forme de réserve la soumission volontaire des Iiabitants. (RxYyx’i.n, Annales, an. 14971 n- 33 ; cf. Pastor, Histoire, t. YI, p. 152.) A l’époque où furent promulgués ces actes, les théologiens enseignaient, avec S. Thomas, que la conversion même des sujets à la foi catholique n’enlevait rien aux droits des princes restés infidèles. (Siim. Theol. 1^ 2^ « , q. 10, art. 10.)

Il est clair cependant, par les documents cités plus haut, que le Pape exige pour les missionnaires catholiques la liberté d’annoncer l’Evangile, et pour les nouveaux chrétiens la liberté de pratiquer leur religion. L’envoi des missionnaires, la protection de ces missionnaires et de leurs néophytes, qui, en cas de persécution de la part des infidèles, peut amener des interventions armées, sont réservés aux souverains espagnols. C’est ainsi que Bellarmin explique les actes d’Alexandre YI. (De Rom. Pont., 5, 2.)

2) A l’égard des autres Etats chrétiens, l’acte d’Alexandre YI confère aux souverains espagnols, sur les territoires que leurs marins ont été les premiers à découvrir, un droit analogue à nos brevets d’invention, à nos privilèges pour la propriété littéraire ou artistique. En conférant ce droit, le Pape use de ce pouvoir en matière temporelle qui dérive indirectement mais logiquement « de son autorité apostolique et de sa charge de Yicaire de Jésus(Mirist)-. S’il est, en etfet, une question où le bien des âmes et l’intérêt de l’Eglise soient en jeu, c’est celle de l’évangélisation des peuples inlidèles, et le Pape, dans sa décision, s’occupe avant tout de la procurer par les moyens les plus efficaces. Remarquons d’ailleurs qu’à l’époque d’Alexandre YI, les peui>les chrétiens reconnaissaient encore au Pape, au moins théoriquement, ce droit d’arbitrage si souvent exercé au Moyen Age ; les somerains espagnols avaient sollicité cet arbitrage, et le roi de Portugal s’y soumit. Cet arbitrage, dans la pensée du Pape, et dans celle des souverains en contestation, devait empêcher, et empêcha, de fait, une guerre sanglante. Que dans l’exercice de ces droits Alexandre YI se soit montré équitable et prudent, on ne saurait raisonnai>lement le nier. « La sentence jjontificale a essentiellement contril)ué à la solution i)acifique d’une série de queslions de frontières hérissées tle ditficullés, entre l’Es-I )agne et le Portugal….. cette épocjue. une bulle du Pape, et la iiroteetiou de l’Eglise romaine, étaient l)()ur un peuple d’excellents moyens de s’assurer la tianquille possession du fruit d’un travail ardu, de découvertes et de conijuêtes obtenues au i)rix d’énormes efforts, et de tenir à l’écart, par la nunace des censiu-es de l’Eglise, d’autres prétendants disposés à les dérober… La sentence fait honneur à Alexandre YI ; un aveugle esprit de parti et une ignorance

crasse pouvaient seuls y découvrir un grief contre Rome. » (Pastor, ///s <o//e, t. YI, p. 151 sq.)

Bibliographie. — Les actes d’Alexandre YI se trouvent dans Navarrete, Coleccion de los viajes y descuhrimientos… Madrid, 1858 s([. ; t. II, p. 29 sq. la constitution Inter cetera au Bullaire romain, t. Y, p. 36 1 sq. et de larges extraits dans Raynald, Annales ecclesiastici, Lucae, 1^54 sq., ann. 1493, n. 18 sq.

Pour le récit et l’appréciation des faits, voir Pastor, Histoire des Papes, t. YI, p. 1^9 sq. et les ouvrages auxquels il renvoie ; Hergenrôtlier, Katholische Kirche iind christlicher Staat, Frihouvg, 1872, 1. 1, jî. 337 sq. ; J. de Maistre, Du Pape, chap. xiv.

J. DE LA SeRVIÈRE.


AME. — La question de l’àme est une de celles qui soulèvent aujourd’hui le plus de difficultés contre la foi catholique ; ces difficultés sont résolues sous les deux titres suivants : VAnie humaine etVAme des bêtes.

I. Ame humaine (L’)- — L’àme humaine est, par nécessité, ou l)ien une réalité, un fait, ou une idée, un concept, un mot. Supposé cprelle soit une réalité, elle est ou une substance ou un accident ; une substance comme la pierre, un accident comme est dans la pierre la forme ou figure rectangulaire, cubique ou ronde. Supposé qu’elle soit une substance, elle est ou corporelle, c’est-à-dire étendue, ou non corporelle, c’est-à-dire simple. Supposé enfin qu’elle soit simple, elle est ou spirituelle ou non spirituelle ; spirituelle, si elle subsiste par elle-même, c’est-à-dire si elle ne tient que d’elle-même sa subsistance et ne l’emprunte pas, soit au corps, soit au composé qu’elle forme avec le corps ; non spirituelle, si la subsistance ne suit pas de sa nature, ne lui appartient pas originairement en propre, mais lui vient soit du corps, soit du composé. Cela entendu, nous rechercherons d’abord si l’àme humaine est une réalité, si elle est une substance, si elle est simple, si elle est spirituelle.

1" Parmi les problèmes que je viens d’énumérer, il en est qui sont difficiles et réclament, au jugement de Saint Thomas, beaucoup d’étude et de pénétration :

« Requiritur diligens et subtilis inquisitio. « 

(Sum. Th., I p., q. 87, a. i.)

Mais il n’en va pas ainsi, s’il faut en croire le grand docteur, de la question de savoir si l’àme humaine est une réalité et non pas seulement un mot ou un concept. Et, de fait, un simple raisonnenu^nt suffit à établir la vérité sur ce point : Par àme humaine, j’entends ici le principe, quel qu’il soit, de la connaissance et principalement de la pensée dans l’honnue ; et par pensée j’entends l’acte de concevoir, de saisir un objet immatériel, ou, en général, un objet <pii n’est pas s<}umis aux lois et conditions de l’étendue ; ojiposant la pensée à la sensation, ou perception sensible, qui n’atteint que les objets concrets et revêtus des conditions communes aux corps existant dans resi)ace. Le sens que j’attache à ces deux mots « àme humaine et pensée » étant ainsi nette ment défini, je dis d’abord que la pensée est un plie nomène, un fait réel.

Yous pensez à l’àme humaine, àla cellule nerveuse, vous pensez à l’éloquence, vous pensez à la poésie. L’action dépenser ces diverses choses est aussi réelle, n’est-il pas vrai, que l’action d’avancer le pied ou de lever le bras ; ces idées naissent dans votre esprit aussi réellement que des brins d’herl)e germent sur une molle de terre ; elles s’allument et brillent dans