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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/52

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AME

votre âme aussi réellement que s’allument et In-illcnt des flambeaux dans un salon.

La pensée est donc un phénomène, un fait réel. Mais tout phénomène, tout fait réel suppose une cause réelle.

Le principe de la pensée en Ihomme. ce cp^ie nous appelons âme humaine, est donc une réalité.

1 » Est-ce ime substance ? — Substance est un terme obscur ; mais une délinition et un exemple vont le rendre clair :

Par sul)stance, j’entends : une chose, une réalité, de telle nature ou essence, qu’elle peut tenir debout, demeurer, sans avoir besoin d’exister dans un autre être, comme dans un sujet qui la supporte, et qui est elle-même le sujet et le support d’une série indéfinie de modifications et de changements accidentels.

Exemple : A’oici une pièce d’or. L’or est-il une substance ? Je réponds, d’après la définition donnée tout à l’heure, que l’or est une substance. En eCFet, l’or est de telle nature qu’il tient debout, qu’il demeure, sans avoir besoin d’exister dans un autre être comme dans un sujet qui le supporte. Mais, sur ma pièce d’or, je distingue une couronne, une devise, j’y aperçois une effigie ; elle a, du reste, la forme ordinaire de nos pièces d’or. Je demande si cette forme ronde que présente l’or de ma pièce, si le dessin de la couronne et des lettres de la devise, si les traits de l’efligie. sont pareillement une substance. Une forme géométrique, un dessin, les lignes d’une figiu-e, tout cela demeure-t-il, tout cela tient-il debout, par soi ? Non. Ne faut-il pas qu’une forme géométrique, un dessin, les lignes d’un portrait, pour exister, soient dans une matière comme dans un sujet qui les supporte, dans l’or, comme c’est le cas présent, sur le bois, sur la toile, dans l’air, dans le marbre ? Oui, sans doute, car ces qualités, qu’on les suppose même, comme le veut Locke, groupées ou réunies, ne sauraient subsister sans un sujet, puisqu’il ne peut être que des zéros de substance, même additionnés, fassent une substance réelle, et qu’une longue chaîne de fer tienne en l’air sans point d’attache, quand un seul anneau ne saurait y tenir. L’or est donc une substance ; mais la forme et les dessins de la pièce d’or n’en sont point une. Il y a donc deux grandes catégories d’êtres dans le monde : les êtres nobles, forts, subsistant en eux-mêmes, tenant debout par eux-mêmes, fermes, consistants, stables par nature : ce sont les substances.

En regard, l’on voit des êtres faibles, qui ne peuvent subsister seuls, à qui il faut un support, réalités amoindries, dépendantes, fuyantes, changeantes ; ce sont les accidents.

Encore un mot, et la théorie sera complète.

Les substances, suivant la profonde remarque d’Aristote, ne sont pas seulement les réalités les plus nobles ; c’est à elles que l’être appartient dans le sens absolu et rigoureux. L’accident, en clfet, ne fait pas, à proprement parler, qu’une nature soit ; comme son nom l’indique, il est quelque chose de survenant à la nature déjà constituée et formée, accidit. La forme de pièce de monnaie donnée à l’or ne fera pas que l’or soit, absolument parlant, mais seulement qu’il existe d’une manière déterminée ; cette forme ne donne pas à l’or l’être prender, mais un être secondaire, un simple mode d’être. Autant faut-il en dire du mouvement, de la température, de la position, de la couleur. La substance, c’est ce qui est par soi et pour soi, le vrai être, ri àV ; l’accident, c’est ce qui est dans un autre et pour un autre, svtî ; iv.

Eh bien, dans quelle catégorie placerons-nous l’âme humaine, dont nous ne savons encore qu’une chose, c’est qu’elle est cette réalité intime d’où la pensée procède.

Est-elle substance ? — Est-elle accident ?

A cette cpiestion, la réponse est encore facile. Vous accorderez bien que, par sa nature, l’homme est un être pensant. Sans doute, aous ne tenez pas, comme Descartes, que toute la nature de l’homme est de penser. Vous ne diriez pas, comme le grand homme :

« Je ne suis donc, précisément parlant — ce « précisément

parlant » est admirable — qu’une chose qui pense, c’est-à-dire un esprit, un entendement ou une raison. « (Médit.. 2.) Non, mais encore que aous soyez bien convaincu d’être autre chose qu’un esprit ou une pensée, aous ne doutez pas le moins du monde c{ue la propriété d’être pensant ne suIac de Aotre nature d’homme.

S’il est de la nature de l’homme qu’il puisse penser, c’est, sans doute, que le principe de la pensée, ce que nous avons appelé l’âme, est un des éléments constitutifs de sa nature et forme une partie intégrante de l’essence humaine.

L’âme donc, ou le principe de la pensée dans l’homme, fait partie intégrante de sa nature. Or, la nature homme, tenant debout par elle-même, sans avoir besoin pour exister de s’appuyer à un autre être, demeurant ferme et stable sous le flot des éAénements qui passent, est une substance, aussi bien que l’or et la pierre. Donc, l’àme humaine elle-même est substance.

Est-elle substance complète ou incomplète, isolée ou conjointe ? Je le dirai bientôt, mais je n’ai point à le dire en ce moment ; car la question à résoudre, en ce moment, est uniquement de savoir si l’âme humaine appartient à l’ordre des substances ou à celui des accidents. A quoi je réponds : L’àme humaine, faisant partie essentielle d’un être qui est une substance, il est éA’ident qu’elle est d’ordre substantiel.

3" Deux choses nous sont désormais acqiuses : I" que l’âme humaine est une réalité ; 2° qu’elle est une réalité substantielle. Mais une substance peut être matérielle ou immatérielle. Laquelle de ces deux épithètes convient à notre âme ?

Par matière, j’entends cette réalité qui a pour marque distinctivc ces trois propriétés : l’étendue, l’impénétrabilité, la mobilité. On l’a définie : une réalité étendue, résistante et mobile. Cette définition rend suflisamment, pour le quart d’heure, mon idée de la matière, et explique en quel sens je me demande si l’àme est matérielle ou non.

Je pourrais démontrer que l’âme est simple par les raisons qui servcnt à établir qu’elle est spirituelle ; car, si quelque fait prouAe que l’âme est sjjirituelle, c’est-à-dire si parfaitement distincte et si peu dépendante du corps qu’elle lui communique l’existence, loin de la reccvoir de lui, à plus forte raison prouvct-il qu’elle est simple. Mais je préfère démontrer la simplicité par des preuves ([ui lui soient propres. Ce procédé d’abord est d’une meilleure méthode, et ensuite il donnera de la précision et du relief à notre doctrine, en faisant ressortir la différence des deux thèses de la simplicité et de la spiritualité de l’âme, par la diA.ersité même des arguments qu’on emploie à prouvcr l’une et l’autre.

J’aflirme que l’âme humaine est simple, de ce seul fait que, dans la sensation, elle perçoit des objets matériels d’une perception totale et une.

C’est un fait, que nous percevons par nos sens, d’une perception totale et une, des êtres matériels : livres, tables, fenêtres, etc. Or, une telle perception ne peut avoir pour sujet ou pour cause un être composé de parties. Dans ce cas, en effet, ou bien chacune des parties connaîtrait l’objet tout entier, et nous aurions plusieurs connaissances du même objet, ce qui n’est pas ; ou bien chaque partie aurait une connaissance partielle, et chacune n’ayant que sa