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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/526

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tion de quelque chose de nouveau, ce fievi suppose une puissance active qui n’était pas son activité, qui même n’agissait pas, mais qui seulement pouvait agir. Et alors, comment l’acte virtuel s’est-il réduit à l’acte second qu’il n’avait pas ? Dire que c’est par lui-même, c’est poser un commencement absolu, ce qui répugne : le plus ne sort pas du moins, l’être ne sort pas du néant. L’acte virtuel a donc été réduit à l’acte par un moteur exti-insèque, qui en fin de compte doit être son activité même, et ne peut être sujet d’aucun de-Acnir. Cf. P. Gardeil, « L’E^-olutionnisine et les principes de S. Thomas », Bev. Thomiste, 18g3, p. 323. Voir aussi, ibid, , 1899, p. 293.

5 — On voit donc combien il est faux de dire avec M. Hkbert (Revue de Métaphysique et de Morale, 1902, p. 398) que « le principe quidquid movetur ab alto movetur tire sa lucidité apparente d’une image spatiale introduite d’une façon illégitime dans un problème métaphysique », ou, avec M. Le Roy (Rev. de Met. et de Morale, mars 190^ ;), qu’il repose sur un postulat de l’imagination pratique, d’après leqviel il y aurait des nioteurs et des mobiles substantiellement distincts. On se rappelle le fameux postulat du morcelage :

« La distinction du moteur et du mobile, du

mouvement et de son sujet, l’aflirmation du primat de l’acte sur la puissance partent du même postulat de la pensée commune… Or la critique montre que la matière ainsi morcelée n’est que le produit d’une élaboration mentale opérée en vue de l’utilité pratique et du discours… Si le monde est une immense continuité de transformations incessantes, on n’a plus à imaginer cette cascade échelonnée et dénombrable qui appellerait nécessairement une source première… Allirmer le primat de l’acte, c’est encore sous-entendre les mêmes postulats. Si la causalité n’est que le déversement d’un plein dans un vide, communication à un terme récepteur de ce que possède un autre terme, en un mot œuvre anthropomorphique d’un agent, alors soit ! Mais que valent ces idoles de l’imagination pratique ? Pourquoi ne pas identifier tout simplement l’être au devenir… Les choses étant mouvement, il n’y a plus à se demander comment elles reçoivent celui-ci. » Le Roy, ibid. Bien loin de demander une explication, le mouvement est ce ({iii explique tout le reste. Le sensualisme noniinalisle ne peut guère s’exprimer autrement.

On peut se refuser à dépasser cet empirisme, et en rester au 7 : « vt « isr avec Heraclite et M. Bergson, mais si l’on A’cut trouver au réel un sens intelligible, si l’on veut, sans nier le devenir (comme Parménide), concevoir ce devenir en fonction de l’être qui seul est intelligible par soi, quelle autre explication que celle d’Aristote : Ex ente non fit ens, quia jani est ens ; ex nihilo nihil fit ; et tamen fit ens. Ex quo fît ? Ex quodam medio inter nihilum et ens, quod vocatur potentia. Ens autem in potentia non potest determinari nisi per aliquod ens inactu. Le principe <( quidquid movetur ab alio movetur », loin de reposer sur une image spatiale, repose sur la nature même du devenir, rendu intelligible en fonction, non pas de l’être corporel, mais de Vétre, objet formel de l’intelligence. Aussi cette notion et ce principe peuvent-ils s’appliquer à un devenir qui n’a rien de spatial, comme celui de la volonté. La division de l’être en puissance et acte, nécessaire pour rendre ainsi intelligible le devenir, peut bien être appelée im morcelage, mais ce n’est pas un morcelage utilitaire du continu sensible^ c’est un morcelage de l’être intelligible, qui s’impose, nous l’avons vu (col. 986), sous peine de tomber dans l’absurde et de faire de l’absiu-dité la loi suprême du réel, avec Heraclite et Hegel. — « Pourquoi ne pas identifier tout simplement l’être au devenir ? » demande M. Le

Roy (ibid.). — Pour cette bonne raison que le devenir n’est pas comme l’être intelligible par soi. Le devenir est union successive du divers, cette union ne peut être inconditionnelle, car le divers, de soi et comme tel, ne peut être un ; le devenir est passage de l’indétermination à la détermination, il suppose donc une cause déterminée, le nier, c’est dire que le néant peut produire l’être, c’est nier le principe d’identité et poser le principe même du panthéisme.

Notre preuve ne suppose donc nullement la distinction numérique de substances, comme le soutiennent M. Hébert et M. Le Roy ; le monde ne fùt-il qu’une seule subslance, s’il y a devenir en lui, exige un moteur qui ne soit sujet d’aucun devenir et qui par conséquent soit distinct de lui. Le divers suppose l’identique, le changeant le permanent, l’indéterminé le déterminé. Il n’y a là aucune imagination spatiale, aucun anthropomorphisme (col. 991). Ne cherchons pas la permanence exigée dans la matière ou la force, il est trop évident qu’elle n’y est pas, puisqvie cette matière et cette force se transforment, cette transformation qui s’ajoute à leur permanence demande une cause qui, elle, ne soit plus sujet de transformations. — Le principe quidquid movetur ab alio movetur consei’ve toute sa valeur.

b. — Passons maintenant à l’objection qu’on asoule-A’ée contre le principe « v « y> ; / ; ’7ty ; >c.i, il est nécessaire de s’arrêter à un premier dans la série des moteurs essentiellement etactuellement subordonnés. — Nous avons assez dit qu’il n’est pas question de la série des motevu’S accidentellement subordonnes dans le passé ; on ne peut démontrer la nécessité de s’arrêter dans cette série, mais seulement la nécessité d’en sortir (I^, q. 46). L’objection qu’on peut faire est celle même que se faisait Aristote : ne peut-il y avoir cercle dans les causes, de telle sorte que le premier moteur serait mobile dans un genre de mouvement difïérent de celui dans lequel il est moteur ? Ainsi l’intelligence meut la volonté dans l’ordre de spécification en lui présentant le bien, et elle est mue dans l’ordre d’exercice par la volonté qui l’applique à considérer.

« Causæ ad inviceni sunt causæ in diverso génère. » 

Pour répondre à cette difficulté, il suffît de montrer qu’il ne peut y avoir cercle dans un même genre de causalité. Ce dont quelque chose dépend à un point de vue ne peixt à ce même point de vue être dépendant de cette chose ; la cause aurait et n’aurait pas ce qu’il faut pour causer, elle supposerait et ne supposerait pas son effet. Si la chaleur delà terre dépend du rayonnement de la chaleur solaire, celle-ci ne peut être dépendante de celle-là. Si l’intelligence est appliquée à son acte par la volonté, celle-ci ne peut à ce même point de Aue dépendre de l’intelligence. Or le premier moteur requis dans l’ordre de causalité efficiente, aussi bien >ov les mouvements spirituels que pour les mouvements physiques, doit en tant que premier moteur exister par soi : cela seul agit par soi qui est par soi, car l’agir suppose l’être, et le mode d’agir le mode d’être. Il ne peut donc dépendre dans son être et dans son action d’aucune des causes subordonnées, puisque toutes ces causes pour agir présupposent et son être et son action. Il suffit qu’il n’y ait pas cercle dans l’ordre de causalité efliciente pour arriver à un premier moteur incréé, qui à ce titre ne peut êti-e dépendant dans aucun autre ordre de causalité (objective ou finale).

c. — Restent enfin les objections qui portent directement contre notre conclusion : « Il y a un premier moteur qui n"est nui d’aucune espèce de mouvement, qvii est son action même, par conséquent son être même, et n’est autre que le Arai Dieu. » Certains prétendent qu’un moteur immobile est une contradiction, et d’auti’es qu’il n’est pas nécessairement