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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/527

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DIEU

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transcendant, distinct du monde, qu’il ne s’identifie pas avec le Dieu personnel.

Un moteur immobile serait contradictoire, car qui dit motour dit commencement, et le commencement s’oppose à l’immobilité (Kaxt, 4* antinomie). Cette objection se trouve présentée dans toute sa force par M. Pi ; xjoN dans son Précis de philosophie ; p. 112 et p. liji. après avoir établi a^ec Spir que l’union inconditionnelle du divers est impossible et qu’à ce titre tout changement (union successive du divers) demande une cause, il conclut : « Il ne peut y avoir aucun rapport entre un être identique à soi-même et un changement qui n’exige une cause que parce qu’il est précisément étranger à la natiu-e absolue et invariable des choses. De cela seul qu’un changement se produit, un autre changement a dîi se produire, qui le rend jjossible, et ainsi de suite dans une régression indéfinie. » (P. 1 1 2.) « Loin d’autoriser l’atïîrmation d’un premier moteur et d’une cause première ou absolue, le principe de causalité l’exclut nécessairement. » (P. 471.)

Cette objection n’a pas échappé à Aristote. Et même comme il ne s’est pas élevé à l’idée de créalion (à la production de tout l’être ou de l’être en tant qu’être des choses), il a admis lui aussi que la série des changements est infinie a parte an te, que le monde et ses transformations existent ah aeterno {Physique, 1. VIII, >'. Thoin., leç. i et 2). Mais il n’a pas nié pour cela le premier moteur. Il répondrait à l’objection : Tous ces changements passés ne sont pas cause du changement actuel, ils n’influent pas, bien plus, aucun d’eux n’ayant en soi sa raison d’être ne peut être la raison de ceux qui le suivent ; prolonger une série n’est pas en changer la nature, dix mille idiots ne font pas un homme intelligent. L’union du divers, n’ayant pas en soi sa raison d’être, demande une raison autre qu’elle-même, le divers ne pouvant expliquer l’union qui est en lui suppose, une unité supérieure, le multiple se ramène à l’un qui seul est intelligible par soi. De ce que nous allons Irouvcr un mystère dans la manière selon laquelle l’un produit le multiple et l’immuable le mouvement, il ne faut pas nier ce principe supérieur. Il est nécessairement exigé par les principes de notre raison et par les êtres inférieurs mobiles et multiples que nous connaissons directement et certainement ; il est nécessaire par ailleurs que le principe supérieur, que nous ne connaissons qu’indirectement et inadéquatement par ses effets, reste obscur pour nous, que son mode propre nous échappe. L’obscurité à laquelle nous al)outissons ne doit pas nous faire douter des certitiules qui nous conduisent à elle, surtout si ces certitudes nous avertissent d’avance qu’elles ne peuvent nous mener qu’à l’obscur, et qu’il faut nécessairement ({ue pour nous le mystère soit.

Aristote ne se croyait pas d’ailleurs dispensé de montrer qu’un moteiw immobile ne réjjugnc pas. Il le fait dans /.es Physiques, 1. III, Comin. de S. Tli., leç. l, <l 1. VIII, Coinm. de S. Th., leç. 9. Il va menu : jusqu’à prouver que tout moteur en tant que moteur (per se) est immoiiile et n’est mobile que / ; er « cc/c/cni, comme c’est^fVrtttvWe/Js que l’architecte est musicien. Pour entendre son raisonnement, il sullit de s’élever au-dessus de l’imagination, et définir en fonction doVèlre ci nondu repos l’action du moteur. Mouvoir, c’est déterminer, actualiser, réaliser ; il est accidentel à ce qui détermine d’avoir clé lui-même déterminé (à ce qui chaulfe d’avoir eu besoin d’être chauffé) ; comment même ce qui est en train de devenir, et n’est pas encore en acte, pourrait-il mouvoir ?Lcschangements antérieurs dont parle l’objection ne sont donc cause que per accidens du diangenu’iil actuel. Ce qui est nécessuiremeiil rcipiis pour un moteur c’est d’être

en acte, pour chauffer il faut déjà être chaud, pour enseigner il faut avoir la science en acte. Si donc un être par essence est déterminé, en acte, si non seulement il peut agir, mais s’il est son action même, il agira sans avoir besoin d’être mû. En ce sens très supérieur, il sera immobile, non pas de l’immobilité de l’inertie, mais de Vinimobilité de Vactivité suprême, qui n’a rien à acquérir parce qu’elle a de soi et d’euiblée tout ce qu’elle peut avoir, et peut surabonder au dehors. De même que le divers suppose l’identique, que le multiple suppose l’un, de même l’indéterminé suppose le déterminé, le passage de la puissance à l’acte suppose le pur acte. Si le changement est de l’être qui devient, il doit nécessairement avoir sa raison dans l’être qui est et qui n’a pas eu besoin de devenir. Comment un être en train de devenir pourrait-il être cause du devenir d’un autre ? M. Penjon a confondu l’immobilité de la puissance et celle de l’acte ; la première ne peut rendre compte du mouvement, puisqu’elle lui est inférieure, la seconde au contraire lui est supérieure et pour cette raison peut l’expliquer.

On fera une instance : un moteur immobile peut bien mouvoir ab aeterno, comme le disait Aristote, mais non pas commencer à mouvoir. Nous allons répondre à cette difficulté en montrant que le premier moteur par définition est éternel, et que son action ne j)eut avoir pour mesure le temps (col. io3g).

On voit enfin comment ce premier moteur, qui ne peut être sujet d’aucun devenir, est transcendant, essentiellement distinct du monde, qui, lui, est essentiellement changeant. Si l’on remarque en outre que cepi-emier moteur n’est pas seulement celui des corps mais encore celui des intelligences et des volontés, on a déjà le Dieu personnel, « in quo i’is’imus, mos-emur ci sumus ». Le Dieu auquel conduit la preuve par le mouvement n’est donc pas si loin du vrai Dieu dont parle S. Paul, et que chante la liturgie :

Rerum De us ienax vii(ar,

Iniriiotus in te permanens…

C. Conséquences de cette prends par le mouvement.

— Le premier moteur doit être 1" acte pur, 2" infini, 3° incorporel et immatériel, 4" intelligent, 5° présent partout, 6° éternel, "j" unique.

1° // est acte pur, c’est-à-dire qu’il n’y a en lui aucune potentialité. Nous avons déjà exclu la potentialité dans l’ordre de l’action : non seulement le premier moteur peut agir, mais il est son action. De même il ne peut y avoir potentialité dans son être, car le mode d’agir suit le mode d’être, operari sequitur esse et modus operandi modum essendi : ce qui agit par soi doit êti »e par soi. S’il y avait pour le premier moteur passage du non-être à l’être, ce ne pourrait être qu’en vertu d’une cause supérieure, il ne serait donc plus le premier moteur (1 », q. 3, a. i, 2, 4)- Nous verrons enfin par la qualriènu- preuve que l’être par soi doit être l’Etre même (col. 1002).

2° Ilesf infiniment parfait, parce que pur acte sans mélange de polcntialitc, aussi bien au point de vue de son essence qu’au point de vue de son action (1". ([. 4 » a- I el 2, et (j. 7, a 1). L’acte, c’est la détermination qui achève, ({ui perfectionne, le pur acte est donc pure perfection. Il est à la fois pur être, pure inlelleclion toujours actuelle du pur être toujours actuellement connu, piu’amour toujours actuel de la plénitude de l’être toujours actuellement aimée.

30 H est immatériel et incorporel. Immatériel, parce que la matière est toujours en puissance, toujours susceptible de transformation, elle est par excellence le sujet du devenir ; le premier moteur au contraire est acte pur, il ne peut y avoir en lui aucun devenir. — Il n’est pas corporel, puis(iu’il n’est pas