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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/563

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DIME ECCLESIASTIQUE

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soumis à la dîme. C’est encore le principe qui domine à la un du xvi’- siècle, lorsque les protestants y furent astreints par l’article 26 de l’Edit de Nantes (lôgS). En pratique, un grand nombre de privilégiés jouissaient d’exemptions, tels les Cisterciens, l’ordre de Malte, des gentilshommes qui s’étaient rachetés à leurs dépens ou grâce à la faveur. Comme d’autre part la dime personnelle était inconnue en France sous l’Ancien Régime, les gens ne possédant pas de terres ne payaient pas la dîme réelle, qui retombait exclusivement sur la propriété foncière : c’était là une inégalité contre laquelle s’élevèrent tous les cahiers des Etats de 1789, ajuste titre.

V. A qui la dlme était due. — D’après le droit commun, la perception de la dîme revenait aux églises paroissiales. A l’époque carolingienne, les conciles avaient spécifié que trois ou quatre parts devaient être faites et que les attributaires de droit seraient la fabrique de l’église, le clergé, les pauvres, l’évêque (HÉFÉLÉ, Histoire des Conciles, trad. fr., Paris, 1870, t.V, p.155, 163, 828). A partir du x’siècle, les synodes gratifient l’évêque d’une part que le synode d’Auch (1068) fixe à un quart (Héfélé, ut supra, t. VI, p. 442). Peu à peu les curés furent dépossédés de la dîme, qui profita à ceux qu’on appela les gros Décimateurs, aux évêques, aux abbés, aux prieurs, aux couvents. Ceux-ci se considéraient comme des curés primitifs, soit qu’ils détinssent le droit de patronat, soit qu’ils aient été les premiers pasteurs d’un village ou qu’ils aient usurpé leurs privilèges. Des dîmes étaient encore possédées à titre de fief par des seigneurs laïipies, — on les appelait inféodées. Quoi qu’il en soit de leur origine, qu’elles aient été concédées ou non par l’Eglise ou usurpées à la faveur de l’anarchie qui régna à l’époque féodale, le troisième concile de Latran (i 179) les condamna formellement (Héfélé, op. cit., t. VII, p. 506), mais vainement. Il est curieux de constater que saint Thomas se prononce pour leur légitimité (II » II^^, q. 87, a. 3). Sous l’Ancien Régime, rares sont les curés qui jouissent des dîmes. Ils sont à la merci des gros décimateurs, qui leur octroient à peine de quoi s’entretenir ; d’où ces cris de colère <lu’ont enregistrés les cahiers des Etats de 1789. La subsistance fournie aux desservants s’appelait la portion congrue : elle fut fixée par des arrêts du parlement à 120 livres (1571), 200 (1634), 300 (1686), 500 (1768), 700 (1780) par curé, à 200 livres (1768), 250 (1778), 350 (1786) par vicaire.

VI. Charges du dëcimateur. — Le décimateur avait à sa charge les frais du culte, l’entretien de l’église et du presbytère, l’achat des ornements et des vases sacrés, l’assistance aux pauvres. Ses obligations ne varièrent pas depuis le vni"= siècle jusqu’au xix<=. En pralique, à la (in do l’Ancien Régime, tous ces devoirs étaient négligés par les gros décimateurs. Les cahiers des Etats généraux de 178g le constatent avec une unanimité parfaite, si bien que le portrait du curé de campagne tracé par Voltaiuk (Dictionnaire philosojjliifjue, Paris, 1829, voir au mot curé de campagne), ne paraît pas trop poussé au noir. Les gros

« lécimateurs vivent dans le luxe, tandis que les édifices

du culte tombent en ruines, et que les pauvres sont sevrés d’aumônes. Les arrêts du parlenient et les édils du roi seml)îej » t les encouragei’en (luelcpu* sorte, en réduisant leur conlrilmtion aux réparations des églises, à l’entretien du chœur, et en laissant aux paroissiens celui de la nef (édit de 1696).

VII. Mode de perception. — Nos connaissances r(lati^(lll(Il^ au uuxlc de jxiccption de la dinu^ sont des plus maigres. Nous savons seulement qu’à l’époque carolingienne la dîme était levée siu’-le-champ

même, en présence de plusieurs témoins (Boretius, op. cit., t. I, p. 106 et 197). Il faut redescendre, jusqu’aux xviie et xviiie sièclcs pour posséder quelques renseignements, très précis il est vrai. A cette époque l’agent chargé de la perception s’appelle diniier ou dimeur ; la circonscription dans laquelle il exerce ses fonctions est dénommée dimerie. Les dîmeries étaient délimitées par des bornes et portaient chacune un nom jjarticulier. Il n’y avait absolument rien de fixe dans l’organisation interne de la dimerie, qui était réglée par la coutume.

La levée même s’effectuait de trois façons : i ° par l’intermédiaire d’un dîmeur aux gages du décimateur ; 2*^ par abonnement, c’est-à-dire que le contribuable, après avoir passé une convention avec le décimateur, payait annuellement une somme fixe en nature ou en argent ; 3" par fermage ou par adjudication à un fermier de la perception des dîmes, moyennant en général une rémunération de 5 *’/q sur le produit de la collecte. Le mode de levée le plus répandu était le fermage. Que les fermiers aient usé de violence à l’égard des contribuables, qu’ils leur aient extorqué indûment de l’argent, qu’ils ne leur aient pas épargné des vexations de toutes sortes, les faits sont là pour le prouver. Leurs malversations occasionnèrent des rixes, des émeutes.

En principe, la dîme était perçue sans déduction des frais de culture et autres dépenses ; en fait, beaucoup de décimateurs avaient reconnu le droit de léger qui consistait dans l’abandon d’une part de la dîme en compensation desdits frais de culture.

La dîme suivait la variation de la récolte ; celle-ci était-elle fructueuse, le produit de la dîme était abondant ; l’intempérie des saisons avait-elle détruit les promesses de moisson abondante, le décimateur se contentait d’un moindre gain.

Quant au mode d’enlèvement des moissons, il n’y avait aucune prescription fixe ; cela dépendait de la coutume.

On a vu plus haut quels étaient les moyens de coercition employés sous les carolingiens : il faut y joindre les armes de l’Eglise, l’excommunication, l’interdit, la privation de sépulture chrétienne. Au xv" siècle, et même auparavant, ces armes étaient quasi totalement usées. La seule ressource laissée au décimateur consistait à poursuivre les délintjuants devant les coiu-s séculières qui prononçaient des amendes. Pour peu riue le collecteur fût tracassier, il lui était facile d’entraîner les contribuables dans de longs procès.

VII. Les abus reprochés àla dime. Conclusion. — Est-il exact de dire que la dime fut un inqiôt sensément conçu, sensément perçu, le meilleur de l’Ancien Régime, comme l’a prétendu M. d’AvE.MîL (op. cit., p. 3û2 ; comparez dans le même sens Vauban, La Dime royale, éd. Michel, p. 9 et 36) ? La lecture des cahiers des Etats généraux de 1789 laissent une tout autre impression. Bas clergé, propriétaires fonciers, ruraux s’entendent pour élever contre la dîme de graves griefs : 1° son injustice naturelle, i)arce qu’elle frap|)ait égalenu-nt les terres de mauvaise ([ualilé, ([ui réclamaient de gros frais de cullure, et les terres de (puililé supérieure ; 2° l’inégalité de la répartition, j)uis<|iu’seule la propriété foncière était grevée ; 3" l’absence d’une législation claire et précise relativement au mode de perception vexaloire, entièrement réglé ])ar l’usage et la possession, créant des entraves à l’exleusion de l’agriculture, occasionnant des sujets de contestation et des procès ; 4" les abus commis j)ar les gros décimateurs qui n’ont cure de s’acquitter des charges leur incondtant.

Il est toutefois remarquable que les critiques ne