Aller au contenu

Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/562

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

1107

DIME ECCLESIASTIQUE

1108

Màcon (585) constate que le paiement de la dîme est très peu observé, et édicté la peine d’excommunication contre quiconque refusera opiniâtrement de l’acquitter (Mansi, ut supra, p. 947) Cette menace ne suHit pas à stimuler le zèle des fidèles ; il fallut la sanction des lois civiles, qui fut notifiée par plusieurs capitulaires des Carolingiens.

« Pourvoyez et ordonnez en notre nom que tout

homme, qu’il le veuille ou ne le veuille pas, donne sa dime » [capitulaire de Pépin le Bref (755-768) dans A. Boretius et V. Krause, Capitularia regum francorum, t. I, p. [. Hanovre, 1883, éd. des Monumenta Germaniæ histotica. Legum sectio 11^]. « Selon le commandement de Dieu nous ordonnons que tous, nobles, hommes libres et lètes (colons affranchis) donnent à leurs églises et à leurs prêtres la dixième partie du produit de leurs terres et de leur travail » [capitulaire de Charlemagne (775-790) dans Boretius, p. 69, c. 17]. « Que tout homme donne la dime, et que celle-ci soit répartie suivant la volonté de l’évêque » [Capitulaire dHéristal (779) dans Boretius, p. 45, cap. 7]. Celui qui refusait la dime était condamné à une amende de six sols qu’il payait à l’Eglise en plus de cette dîme [cf. Boretius, p. 186, cap. 3]. Le capitulaire de Mantoue est encore plus sévère, quand il étal>lit léchelle des peines à encourir en cas de refus de paiement : après trois monitions, le coupable se voit interdire l’entrée de l’église, et est puni d’une amende de six sols ; s"il résiste, on prononce la clôture de sa maison avec défense d’y pénétrer ; s’il outrepasse cette défense ou s’il persiste dans son refus, il est saisi et emprisonné jusqu’à la réunion du prochain plaid, qui lui inflige vine double amende, une de six sols pour TEglise et une autre pour le comte (Boretius, ut supra, p. 197, cap. 8).

Pour quelle raison les Carolingiens se montrèrent-ils si bienveillants envers l’Eglise ? On a supposé, avec vraisemblance, que ce fut un moyen de compenser l’extrême dommage occasionné par la sécularisation des biens ecclésiastiques qu’opéra Charles Martel en faveur de ses guerriers (P.Viollet, Histoire des Institutions politiques et administratives de la France, t. I, Paris, 1890, p. 876).

A partir de la seconde moitié du viii" siècle, la perception de la dîme s’organise à la manière d’un impôt, dont le paiement est rendu obligatoire par la sanction de l’Etat. Cette situation faite à l’Eglise par les rois de France persistera depuis cette époque jusqu’à la nuit du 4 août 178g, où l’Assemblée Constituante vota l’abolition des dîmes et le rachat de certaines d’entre elles. Le 17 juillet 1798, la suppression totale, sans rachat, fut proclamée.

De tout ce qui précède, il résulte que.contx’airement à l’opinion reçue dans l’Eglise gallicane, la dîme n’est pas d’origine divine. Le principe sur lequel en repose la levée, c’est-à-dire l’obligation des peuples à donner la subsistance à leurs pasteurs, est seul de droit naturel et de droit divin ; quant à la réglementation du mode de contribution des fidèles, à la iixation du taux de cette contribution, tout cela est de droit positif, de droit ecclésiastique. C’est, d’ailleiu-s, la doctrine professée par S. Thomas : « Determinatio decimæ partis solvendæ est auctoritate Ecclesiae tempore Novæ Legis instituta » (II » Ilae, q. 87, art. 1). Loin d’être une taxe illégale, par suite du principe dont elle découle et qui a été ju-oclamé par le Christ, la dîme est absolument légitinu>, aussi légitime que l’est en ce moment l’institution du denier du culte, rendu nécessaire en France par la suppression de l’indemnité qui était servie au clergé sous le régime concordataire.

IL Matière de la dîme. — A l’origine, la dîme fut

perçue sur le produit des terres (dîme prédiale ou réelle). Dès 850, le dix-septième canon du synode de Pavie comprit les revenus de toute nature (Mansi, op. cit., t. XIV, p. 980) ; cette doctrine fut admise par les Décrétâtes de Grégoire IX (lib. III, tit. xxx, de decimis) et par saint Thomas II » Il^e, q. 87, a. 2. Les fruits du travail, les gains retirés de l’industrie et du commerce, les héritages, les ventes, etc. étaient sou)nis à la dîme (dime personnelle). Toutefois, la dîme personnelle tomba en désuétude en France. Les juristes du xvii^ siècle, sans autrement préciser, affirment qu’elle n’est plus exigible, depuis très longtemps. En fait, on constate qu’au xvi « siècle la dîme n’était perçue que sur les biens de la terre et sur ce qui y croissait. Les produits principaux du sol, Ain, blé, seigle… composaient les grosses dîmes ; les produits de nioindre importance, comme les œufs, huile, foin, pois, fèves s’appelaient menues dîmes ; les légumes, les fruits… dîmes vertes ; le croît des bestiaux et des volailles, dîmes de sang, dîme de charnage ou de charnelage. Ces diverses sortes de dîmes n’étaient pas uniformément perçues dans toute la France ; il n’y avait sur ce point aucune règle fixe ; tout dépendait de la coutume des lieux, suÎAant la formule de Du.mou-Lix : De Gallia non debentur decimae, nisi consuetae tant uni.

III. Taux et quotité de la dîme. — Bien qu’aux Etats de 161 4 il ait été proclamé que « de droit divin le dixième de toute chose croissant sur la terre est entièrement dû à l’Eglise », nulle part, en France, depuis longtemps, le principe n’était appliqué. Le taux de la dîme était extrêmement variable ; il oscillait entre le onzième et le cinquantième ; il changeait suivant les us et coutumes des lieux. Aux xvi* et xvii « siècles, le Vicomte d’Avenel estime qu’il éqxxivalait à 4 "lo du revenu (Richelieu et la Monarchie absolue, t. iii, chap. v, Des cultes, Pai-is, 1887, p. 303). A la fin de l’Ancien Régime, ce taux se serait élevé à 7 °/o, suivant TAiyE(Les Origines de la France Contemporaine : La Révolution, Paris, 1878, p. 225-226), mais cette évaluation a été contestée par M. L. Durand (La dîme ecclésiastique au A’V/II^ siècle.Etude d’histoire du droit, Paris, 1898, p. 282) qui la rabaisse à 5 " o Les économistes ont encore cherché à établir le chiffre global auquel s’élevait en France la perception de la dîme. D’après le Secret des Finances, imprimé en 1581, la part de dîme payée par la nation atteignait de 25 à 30 millions de livres. En 1790, suivant le i-apport de Chasset au nom de la commission des dîmes, par suite de la dépréciation du numéraire, l’accroissement des terres cultivées, l’agrandissement du territoire français, la quotité de la dîme était de 133 millions de livres. Le vicomte d’Avenel avoue toutefois que ces chiffres sont exagérés et sont loin de correspondre à la réalité (op. cit., p. 807) ; encore convient-il de remarquer qu’ils ne représentent pas les sommes encaissées par les ayants droit, mais uniquement les sommes déboursées par les contribuables. Pour les époques antéi’ieures au XVI*’siècle, on peut seulement dire que les capitulaires des Carolingiens et les statuts conciliaires réclamèrent le dixième du revenu, mais l’empressement que mettent conciles et rois à rappeler leurs devoirs aux chrétiens prouve ((ue dès ce temps les exceptions devaient être plus fréquentes que la règle (cf. Boretius, op. cit., t. II, Hanovre, 1897, l’index final au mot decimae).

IV. Par qui la dîme était due. — D’après les capitulaires carolingiens, les décisions conciliaires, les décrétales (lib. III, tit. xx), saint Thomas (H » ll^e, i[. 87, a. 2), tout homme, étant tenu de rendre un culte à Dieu en signe de sujétion, est par le fait même