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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/573

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DOGME

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les excès de la spéculation ihéoloe’iqno et insisté sur la nécessité de vivifier et de corriger l’étude abstraite par la piété, Théologie et Betiifion^ dans les Annales de philos, chrét., 1900, ^t. CXXXIX, p. 625 sq., il a léduit de plus en plus la valeur intellectuelle des formules dogmatiques et exagéré progressivement la part du sentiment et de l’instinct religieux dans lafoi. En 1907, il se révolte ouvertement contre l’Encyclique Puscendi. Adhérant fermement h 1 Eglise catholique, comme à l’héritière authentique du Christ, lui reconnaissant un « instinct prophétique », pour défendre la piété inaugurée par lui sur la terre, il voit dans ses définitions doctrinales « non un corps de vérités théologiques dialecliquement développées, mais une masse de j)rotections défensives », variables par conséquent et révisables. Voir surtout Lex ora71d/ in-1’2, Londres, 1903 ; Lex credendi, in-12, Londres, 1906 ; Through Scylla a. Cliarybdis^ in-12, Londres, 1907.

Entre les thèses de G. Tyrrell et celles de iMM. Wil-Bois et E. Le Roy les points de contact sont nombreux : agnosticisme, pragmatisme, insistance sur la vie mystique : mais les présupposés philosophiques, qui donnent à ces tendances leur sens précis, sont bien différents. Ce sont, j)Our MM. WiLBOis et Le Roy, les théories idéalistes de .M. Bergson.

L’évolutionisme de cet auteur a ceci de particulier, qu’il ne sépare plus, comme les philosophies anciennes, l’agir et le connaître, sinon pour opposer la connaissance

« liscursive et les concepts abstraits aux intuitions immédiates

de la connaissance concrète. Il fait de l’idée abstraite une déformation plutôt qu’une expression des choses et de l’intuition concrète la forme la plus haute du devenir conscient : idéalisme et pragmatisme se compénètrent. En conséquence, il définit la vérité de l’idée, non par sa coïncidence plus ou moins fidèle avec l’objet, mais par son aptitude plus ou moins grande à diriger dans la vie vraie, celle qui, par deî expériences plus heureuses, amènera la pensée à se libérer et à se développer. Ainsi, comme les hypothèses et formules scientifiques sont plus ou moins VT-aies, selon qu’elles apparaissent plus ou moins utiles à diriger l’action et plus ou moins fécondes d’applications, les propositions dogmatiques sont vraies, non par les idées abstraites qu’elles suggèrent, mais par les expériences plus parfaites du divin qu elles nous ménagent dans l’action..

On voit par là à quel point le système que MM. E. Le Roy et Wilbois veulent accréditer s’en prend aux fondements de la doctrine catholiqtie. Les dogmes eu rigueur ne sont vrais que comme recettes pratiques ; leur immutabMité n’est plus celle d’une image exacte, bien qu’inadéquate, mais celle d’une formule d’expérience indéfiniment perfectible Cf. E. Le Roy, Dogme et r7t7/(7 « e, in-12, Paris, 2’éd., 1907, bibliographie decette controverse, p. 359 sc].

Plus radical encore est le pragmatisme américain et anglais, dont M. W. J..mes est le représentant le plus en vue.

Il se rapproche du préct’dent par sa critique de l’intellectualisme et de la connaissance abstraite, et par sa notion de la vérité. « Est vrai uniquement ce qui sert en matière de pensée, comme est bien ce qui sert en matière de conduite. » Pragmatism, in-8°, Londres, 1907, p. 222, cf. p. 76 sq., p. 121. Encore faut-il bien comprendre ce i< critère de la valeur ». Ce n’est pas que l’utilité soit signe de la vérité — il y a là un intellectualisme latent — c’est que l’utilité est la mesure de la vérité.

« Il ne faut pas dire, écrit Leub.v, que l’on connaît

Dieu…, il faut dire que l’on s’en sert… Existe-t-il réellement ? Comment existo-t-il ? Il n’imporle guère. Le but de la religion… n’est pas Dieu, mais la vie, une vie plus large, plus riche, plus satisfaisante. » Cité par W. J., Expérience religieuse, 2’éd., in-S", Paris, 1908 (l"éd., angl., p..506).

La religion est doue vraie, poui- le réconfort qu’ellc app<utc à rhumanité. L’essentiel en est dans les attitudes pratiques. L’interprétali<iu intellectuelle de ces « expériences religieuses » constitue les « surcroyances », matière accessoire et libre, /expérience relig., p. 420 sq. (angl., 5ui sq.) Voilà le dogme.

Ces thèses sont du plus haut intérêt, comme dernier aboutissement des théories protestantes sur le libre examen et sur la nécessité pour chacun de sentir sa justification personnelle et sa foi, cf. Exi’krie.nt.e ri ligielsk.

Il sufljra, en terminant, de mentionner l’école sociologique de M. Dlrkiiei.m. Positiviste aussi dans sa méthode.

elle essaye de montrer dans les besoins sociaux l’origine commune du droit, de la morale et des dogmes ; Cf. G. MiCHELET. Dieu et l’agnosticisme contemporain, in-12 Paris, 1909, c. i, p. 1-71 et Rei’. prat. d’apol., 1906.’Le lecteur voit, par cet exposé, à quels articles de ce dictionnaire il devra se reporter, pour trouver la solution détaillée de multiples problèmes en relation a^ec la théorie catholique du dogme.

Les dillicultés intellectuelles étant choses très relatives aux états d’esprit, la réponse théoriquement la plus inqjortante, que nous nous efforcerons toujours d’indiquer, peut demeurer pratiquement insuflisante, pour qui envisage la question sous un aspect plus particulier.

Voir : Agnosticisme, Révélation, Lmmaxence, Expérience RELIGIEUSE, PRAGMATISME.

L’étude dogmatique qui suit s’attachera à établir l’existence du dogme, son objet précis, la nature de son développement.


IIe Partie. — Existence et objet du dogme

IV. Existence du dogme. —

Que l’Eglise ait un dogme défini, c’est chose d’autant plus manifeste à l’heure actuelle, qu’en dehors d’elle presque toutes les sociétés religieuses sèment sur la route, d’année en année, quelques pages de leur Credo. Elle sera bientôt presque seule à garder le sien.

L’esprit moderne, que ce dogmatisme importune, prétend lui ôter tout droit à le faire : il l’accuse d’avoir transformé en un système intellectualiste imposé d’autorité la religion toute spirituelle inaugurée par Jésus-Christ.

« Bavards prédicateurs, extravagants controversistes, 

écrivait Voltaire, tâchez de vous souvenir que votre Maître n’a jamais annoncé que le sacrement était le signe visible d’une chose invisible… Il a dit… « Aimez Dieu et votre prochain. » Tenez-vousen là, misérables ergoteurs ; prêchez la morale et rien de plus. » Dictionn. philosophique, au mot Morale, Œm-res complètes, in-8°, Paris, 1826, t. LVII, p. 154. La thèse est poussée de nos jours par tout le mouvement libéral. HATCHl’aexprinu’e dans un contraste frappant, en opposant au Sermon sur la montagne, dans lequel il voit le Christianisme pur, le Symbole, déjà nettement intellectualiste de Nicée ; The influence ofgreek ideas… upon ihe Christian Church. in8°, Londres (éd. 1907), lect. i, p, i. Pour A. Sabatier, l’Evangile n’était qu’une « expérience », Esquisse, 1. III, c. i, § 4, 7<’éd., p. 280, 290, et M. Goblet d’ALViELLA. écrit dans son Syllahus d’un cours sur les origines du Christianisme : « Sa théodicée était une page blanche, où la philosophie hellénique pouvait inscrire ses conceptions favorites de Dieu et de l’àme, sans devoir les coucher dans le lit de Procuste des vieilles mythologies. , Be^-. de l hisf. des relig., Paris, 1908, p. 821. Historiquement ces assertions sont insoutenables. De toute évidence, il n’y a, dans l’Evangile, ni les formules abstraites, ni l’ordonnance d’un manuel scolastique ; nuiis il s’y trouve des alTirmalions catégoriques, assertions concernant Dieu, ses attributs et ses (vuvres, ou narrations de faits. Cela sutlit pour constituer une dogmatique révélée et le travail logique pourra et devra en déduire toute une théologie. Voir plus loin, VIII, col. 1 144.

Pour vérifier ce qu’il en est, remontons du 11= siècle aux origines.

1° Comment expli((uer, sans l’existence d’ime doctrine précise, l uniformité du langage chrétien, dès le premier siècle de l’Eglise, 50-150, son accord remarquable dans un ensemble de vérités exprimées dans les mêmes lernies, cf. Kattknbusch, Das Apostolische Symbol, ii-8", Leipzig, t.II, iQOO.p. 619 ; A. IIaun.