Aller au contenu

Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/58

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
99
100
AME


médiat, qui serait, ou poserait une simple condition, et ne constituerait point la cause même de la pensée. Pouvez-vous démontrer, soit par voie de simple observation, soit par voie d’expérimentation, que le cerveau est la cause eflicicnte, directe, prochaine, immédiate de la pensée ? Avez-vous vii, et pouvezvous faire voir une pensée sécrétée ou vibrée par un cerveau, ou par une cellule de cerveau ? — Nous n’avons point vu cela, et nous ne pouvons le faire voir, reprennent les matérialistes ; mais nous prouvons quand même que les choses se passent ainsi. Voici notre arg : ument : la pensée humaine a des antécédents, des concomitants, des conséquents cérébraux, matériels, déterminés. Donc, la pensée humaine est matérielle, et simple fonction du cerveau. Que la pensée humaine germe ou brille, au milieu d’antécédents, de concomitants, de conséquents matériels, cela demeure prouvé : par tout ce que Lamettrie et Broussais ont dit de l’influence réciproque « du physique sur le moral » ; par ce fait que nos idées suivent des sensations ; par cet autre fait, physiologiquement démontré, qu’elles ont pour point initial un ébranlement nerveux et pour terme final un ébranlement nerveux ; enfin, par cette expérience que les états du cerveau influent sur les idées et que les idées influent sur les états du cerveau. Sans compter que l’anatomie est en chemin de constater un rapport précis entre la perfection du système nerveux et le développement de l’intelligence.

— Cet argument, que les matérialistes croient très fort, est, en réalité, très faible, et nous l’aurons bientôt montré. Que les matérialistes veuillent bien d’abord répondre à cette toute petite question : Cette proposition : « La pensée humaine a des antécédents, des concomitants, des conséquents matériels » est-elle générale ? est-elle particulière ? Les matérialistes entendent-ils affirmer que tous les antécédents, tous les conséquents, tous les concomitants de la pensée sont matériels, ou seulement que ^ « e/^/uesuns, un plus ou moins grand nombre le sont ? Quelle que soit la réponse des matérialistes, leur argument va crouler.

Supposez, en effet, qu’ils répondent :

« Nous n’entendons pas affirmer que tous les antécédents, tous les conséquents de la pensée sont matériels, mais quelques-uns, mais un grand nombre. » 

Ils n’ont plus le droit de tirer cette conclusion : (( donc la pensée humaine est matérielle, x Leur argument tourne en un grossier paralogisme.

Pourquoi, en effet, ayant à la fois des antécédents et des conséquents immatériels, des antécédents et des conséquents matériels, la pensée devrait-elle être supposée plutôt matérielle qu’immatérielle ? Il faudra donc cpi’ils répondent que leur proposition est générale et qu’ils entendent bien dire que tous les antécédents, tous les concomitants, tous les conséquents de la pensée humaine sont matériels. Ils n’y gagnent rien. Car, ils n'évitent un paralogisme que pour tomber dans un sophisme. Leur argument devra donc se formuler ainsi : « Tous les antécédents, tous les concomitants, tous les conséquents de la pensée humaine sont matériels. Donc… Mais cette assertion tous, etc. est désormais sans preuves. Car tous les faits que nous entendions les matérialistes invoquer à l’appui, tout à l’heure, qu’ils les empruntent soit à la chimie, soit à l’anatomie, soit à la pliysiologie, soit à l’expérience vulgaire, établissent bien cette proposition :

« Un certain nombre des antécédents, certains des

conséquents de la pensée sont matériels >, mais ils n’ont aucun rapport à cette autre proposition :

« Tous les antécédents, tous les concomitants, tous

les conséquents de la pensée lumiaine sont matériels. L’assertion est donc toute en l’air ; par suite, la

preuve est sans fondement, et l’objection tombe d’elle-même.

Les matérialistes, repoussés sur le terrain des sciences et de l’expérience, ont essayé quelques attaques sur celui de la métaphysique. — Il est vrai qu’ils n’y font pas brillante figure. « La force, ont-ils dit. est une propriété de la matière. Une force qui ne serait pas unie à la matière, qui planerait librement au-dessus de la matière, serait une idée absolument 'ide. » — A la bonne heure. ^lais comment prouvezvous qu’il ne peut exister que des forces matérielles, c’est-à-dire existant dans la matière et en dépendant ? Ils ne le prouvent pas, ils n’essaient pas même de le prouver. Et quiconque a lu les œuvres de Moleschott, de Biicliner, de Karl Vogt, a pu se convaincre que cette assertion si grave, qui suscite tant de doutes et qui a contre elle tant de présomptions, qu’on propose comme la base du matérialisme et le fondement de tout le système, est une affirmation absolument gratuite, que ces auteurs ont osé élever à la dignité d’un principe et dont ils se servent eflrontément comme d’une vérité claire, évidente par elle-même et incontestable pour tout le monde.

Mais peut-être apporterait-on, en preuve de cet aphorisme de Moleschott, le raisonnement du vieux d’Holbach : « Nous ne saurions admettre une substance que nous ne pouvons pas même nous représenter. Or, le moyen de nous représenter une substance spirituelle, qui n’est que la négation de tout ce que nous connaissons ? » — Ce serait une bien faible preuve, puisqu’elle s'évanouit devant une simple distinction : Si se représenter est pris dans le sens de se former une représentation Imaginative, avec figures et couleurs, il est vrai qu’on ne peut se représenter un esprit, puisqu’il ne saurait avoir ni figure ni couleur. Mais si se représenter est pris pour concevoir, penser, rien n’empêche qu’on se représente un esprit ou, en général, quelque nature immatérielle.

Ainsi, quand les spiritualistes disent que l'àme humaine est 1° une réalité ; 2° une réalité substantielle ; 3° une réalité non composée de parties matérielles ; 4° une réalité possédant en elle-même la puissance de subsister et de faire subsister son corps, intelligente, libre, etc., les spiritualistes conçoivent fort bien, après eux, ce qu’ils disent.

A dire vrai, cette difficulté est puérile, comme est puérile cette autre objection que font les matérialistes, quand ils nous disent qu’il répugne qu’une àme spirituelle soit localisée dans le corps, et meuve le corps, ainsi que le spiritualisme oblige à l’admettre. L’on distingue, en effet, dirons-nous avec saint Thomas, deux manières d'être dans un lieu : être dans un lieu comme une table est dans une chambre, les parties de la table correspondant aux diverses parties de la chambre ; y être comme par un simple contact de vertu, d'énergie. Ainsi, dit-on que les esprits sont présents dans un lieu et non pas dans un autre, simplement parce qu’on entend qu’ils exercent leur influence, leur action, dans un lieu et non dans un autre. Ainsi l'àme spirituelle est dite présente dans le corps qu’elle anime, parce qu’elle agit sur son corps et non sur un autre.

— Or, c’est justement ce qui répugne, poursuit le matérialisme ; il répugne qu’un esprit meuve un corps. — Il ne faut qu’expliquer ce mot : mouvoir. Il répugne qu’un esprit meuAC un corps : par manière de choc, en se heurtant partie contre partie, nous l’accordons. Un esprit ne peut rien mouvoir en ce sens, puisqu’il n’a pas de imrties ; mais répugne-t-il que. agissant d’une manière propre à sa nature, il exerce une action sur le corps ? Voilà ce que le matérialisme n’a pas même tenté de prouver, et pour cause. Il ne lui resterait plus qu'à dire, povu" achever d'être