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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/597

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DOGME

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Dire, comme on l’a fait, que si l’on n’est pas jusquici d’accord pour remplacer le dog^me clirétien (solution positive), on l’est du moins pour le rejeter (solution négative), et que c’est là un résultat déjà très appréciable, est une assertion assez gratuite.

a) On ne peut supprimer si lestement les écoles conservatrices anglicanes, ou protestantes, ou catholiques. Elles comptent des savants de valeur et les plus radicaux de leurs adversaires ne s’imposent pas par une compétence professionnelle plus marquée.

b) De plus, il n’y a pas deux séries de principes, les uns pour détruire, les autres pour reconstruire. Exclusion aprioriste du surnaturel, évolutionisme, pambabylonisme, allégorisme… sont invoqués tour à tour, selon les écoles, pour l’une et l’autre lin. Les critiques qu’elles se renvoient mutuellement trahissent donc bien un désaccord profond sur la valeur scientifique de leurs thèses soit positives, soit négatives.

On impressionne pourtant des aiulitoires même cultivés, en s’attachant à montrer les « reculades » constantes de la science catholique, en anatomie, en géologie, en archéologie, en phjsique, en physiologie, en histoire. Voir surtout A. D. White, A history of the a’arfare of science with theology in Christendom, Londres, 1896, trad. franc, de Varigny et Adam, Histoire de la lutte entre la science et la théologie, in-S", Paris, 1899. L’objection et son succès proviennent d’une conl’usion trop fréquente entre la dogmatique et la théologie. La dogmatique n’a pas Avarié, puisque le Credo primitif, loin de s’être effrité au cours des siècles, s’est consolidé et précisé ; mais on ne peut nier qu’un bon nombre d’assertions théologiques ne se soient modiûées. Cela tient à la nature de la théologie : elle traite des rapports entre la science et la foi ; c’est une soudure qui est toujours à refaire, parce que l’un des deux métaux à unir varie sans cesse, et c’est la science. Quand les savants progressent, les théologiens fournissent des explications ou des applications du dogme plus savantes, mais, quand la science d’une époque est fautive, les théologiens se trompent avec la masse des savants de eiv tenqis, sinon avec l’élite. Cette conséquence est inévitable, du moment que Dieu avait résolu de nous enseigner, non les sciences naturelles, mais le chemin du ciel.

Une confusion au moins aussi grossière est celle qui identifie les traditions locales et la Tradition de l’Eglise, la fausseté d’une légende et la fausseté de la Religion. C’est l’erreur des simples, incroyants ou croyants, qui mêlent tout. Cf. Boudinhcx, Et si ce n’était pas >rai ? dans la Revue du Clergé, 1900, t. XXII, p. 24 I sq.

Aux théologiens d’être moins contiants, de ne pas prendre pour « le dernier mol > » de la science celui qu’elle vient de i)rononcer le dernier, d’éviter à la fois et les concordismes prématurés et les assertions tranchantes, sur des questions délicates qui n’ont pas encore été sulllsainment élucidées. Voir les sages principes de S. ArousTiN, De Cen. ad litt., 1. I, c. xviii, n. 37, P. L., t. XXXIV, c. 260 ; c. XIX sq., n. 89 sq., col. a61 sq. ; l. II, c. i, n. 2, col. 263, et de S. Thomas, Sum, tlieol. I, q. 68, a. i ; q. 67, a. 4, ad 2">, 3"i ; q- 70, a. I, ad 3"’ ; in IV, Sent., l. II, dist. 12, a. 2, etc.

Les dogmes à expliquer restant les mêmes, leur explication scientilique a [)rogressé et progressera, parcequeles sciencesont progressé et progresseront. Jamais la science ne [)rouvcra les mystères, et de ce chef ceux qui ne veulent pas croire auront toujours des objections ; elle ne prouve même pas avec certitude tous les faits historiques qui intéressent le dogme ; c’est vrai encore, mais une preuve insuiri sante de la vérité d’une chose n’est pas une preuve sullisante de sa fausseté, et l’Eglise est instituée précisément pour garantir, par la foi, ce dont la science pourrait douter trop longtemps. Le point qui importe, c’est qu’aucun de nos dogmes n’est atteint par les conclusions certaines d’aucune science. S’il en est ainsi — et ce dictionnaire en fournii-a la preuve détaillée — l’opposition existe bien entre les savants — certains savants — et la foi, non entre la science et la foi.

La raison de ce fait n’est peut-être pas si mystérieuse, qu’on ne puisse l’indiquer avec quelque vraisemblance. Si chaque crise morale a sou explication dans les circonstances où elle nait, la crise présente s’explique par la culture intellectuelle de notre temps. L’hyperesthésie critique, l’intellectualisme, le savantisme et son orgueil n’ont jamais plus de chance de se produire, qu’aux époques où les triomphes de la science sont plus remarquables et l’instruction, surtout la demi-science des masses, plus répandue par l’école et par la presse. C’est la maladie qui nous menaçait et qui sévit. Ce qui la rend plus contagieuse sans iloute, c’est l’inégal développement de l’instruction religieuse ; beaucoup n’ont, pour parer au mal, que le petit bagage de catéchisme, emporté du collège : science d’enfant contre des diflicultés d’homme !

C. Progrès à venir. — C’est pourtant uniquement de « vie des dogmes » qu’il faut parler : « ils ne sont jamais plus près de renaître, qu’au moment où l’on croit qu’ils Unissent », Caro, op. cit., p. 620, car on sent mieux alors que le monde ne peut vivre sans eux.

Ce sont de nouveaux progrès qu’il faut prédire, si longtemps que doive durer la crise. Déjà les gains de ces dernières années sont significatifs, cf. A. Bau-DRiLLART, Le renouvellement intellectuel du clergé de France au xix’siècle, in- 16, Paris, 1908, bibliographie, p. 58. Les mêmes causes produiront les mêmes effets, sous l’influence de l’Esprit-Saint.

Le dogme poursuivra son explicitation ; les questions encore pendantes recevront une solution plus nette : déterminations secondaires concernant l’infaillibilité du Pape et de l Eglise, Assomption, médiation de la T. S. Vierge, questions d’exégèse et d’inspiration biblique, sur lesquelles la doctrine de l’Eglise se fait plus précise, problèmes concernant S. Joseph, etc.

L’essor des études historiques et le progrès des méthodes critiques permettent d’augurer de grands progrès de la théologie biblique, de la théologie positive, de l’histoire des dogmes, de l’exégèse et de toutes les sciences auxiliaires de la théologie dogmati ([ue. Bon nombre d’auteurs insistent volontiers sur ce sujet. C’est justice, pourvu qu’on n’oublie pas que théologie et dogme sont deux choses distinctes.

Le progrès dogmatitiue est prévu par le Concile du Vatican, cf. col. 1124, le |)rogrès théologique encouragé par l’Encyclique Pascendi, IP p., § i. Primo igilur… dans les Ouest, actuelles, t. XCIII, p. 264, sq., cl par divers brefs du S. Père, cf. Hevue biblique, 1906, t. XV, p. 196 s([., 1907, t. XVI, p. 477 ï> Il n’est possible de donner ici que des indications sommaires ; le lecteur suppléera à leur insuffisance.

A consulter sur les deux enquêtes : Mon Latty, Question téméraire et mal posée, in-16, Paris, 1907 ; P. MArxKiJRANCQ, Y a-t-H une crise du Catholicisme i’dans les Etudes, 1907, t. CXII. p. 698 sq., 761 stf., t. CXIII, p. 47 sq.


Conclusions

Nous résumerons cette étude et ménagerons la