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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/598

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DOGME

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solution de quelques objections (rigueur d’un jougintellectuel, imprécision relative du donné révélé, formalisme d’une tradition qui se répète, d’un magistère extérieur entre l’àme et Dieu, rigidité d’une règle unique de pensée, etc.), en invitant le lecteur à examiner quel a pu être, dans’son ensemble, le plan divin.

XIX. Economie de la révélation. — A. Le but. — Sans doute, la Révélation a pour but de nous faire mériter, par un surcroit d’obéissance intellectuelle, un surcroit de récompense intellectuelle : au prix de la foi sans voir, la vision face à face de Dieu. Mais, en ajoutant à nos charges. Dieu ajoute à nos ressources.

Il vise à secourir la raison humaine, en appuyant de son témoignage les mérités capitales, qu’elle pourrait découvrir, mais qu’elle est exposée à révoquer en doute ou à étouffer, cf. II. i°, col. 1122.

Il veut nous honorer, en nous faisant part de ses vues, pour que notre collaboration soit consciente, comme celle des amis, non aveugle, comme celle des esclaves, Joa., xv, 15, cf. col. 1189, b.

Dans les systèmes hétérodoxes, il en va tout autrement.

B. Le moyen choisi. — C’est l’incarnation de la Pai’ole divine et sa promulgation progressive. Par l’une, Dieu nous ménage le témoignage de nos sens ; par l’autre, il assure à jamais la collaboration du travail humain.

a. Incarnation. — Que l’on étudie la révélation, à son premier stade.

Dans le Maître, union intime, personnelle, de l’homme et de Dieu, c’est-à-dire toutes les prérogatives de la divinité. Col., ii, 3, dans toutes les faiblesses de l’himianité, le péché seul excepté, Ilehr., iy, 15, — Les disciples sont instruits par sa prédication, mais la persuasion qui les amène à la foi, c’est le Père qui, par l’Esprit, la produit lentement en eux, Joa., VI, 44 Ces dispositions commandent la suite des temps.

Le Maître, avant de partir, se substitue lïlglise, c’est-à-dire la hiérarchie sensible du collège apostolique, Luc, X, 16, toutes les faiblesses de l’himianité dans chacun de ses membres, mais avec le privilège divin de l’infaillibilité, pour le corps entier.

L’objet de la foi reste indéfiniment le même : de nouveaux mystères ne sont plus révélés, col. 1 169, 2°.

Les conditions de la foi demeurent identiques : Dieu n’exige de tous que l’adhésion aux dogmes qui lui sont connus ; il se contente pour le reste d’un acquiescement de principe à toutes les vérités encloses dans ces chefs de doctrine et dans l’enseignement de l’Eglise (foi implicite). Par cette disposition sont justifiés devant Lui ceux qui ont professé de bonne foi des erreurs insoutenables. Cf. S. Vincent DE Lérixs, Common. I, c. vi, P. /,., t. L., col. 6/|6 ; S. Augustin, De catech. vud., c. viii, P. L.^ t. XL, col. 31g.

Le mode de révélation se poursuit toujours semblable : une voix extérieure qui prêche, écho indéfiniment prolongé de celle du Sauveur, Luc, x, 16 ; une voix intérieure qui convainc, celle-ci amenant à agréer celle-là. / Cor., iii, 6, 9 ; I Joa., 11, 20, 27 ; S. Augustin, In Joa., Ir. xcvi, n. 4, P. L., t. XXXV, col. 1876 ; tr. xcvii, n. i, col. 1877, S. Grégoire, HomiL in Evang., 1. II, hom. xxx, n. 3, P. L., t. LXXVI, col. 1222, Voce sua foiis etiain per apostolos insonat, sed corda audientium per seipsum interius illustrât : Moral.. 1. XXVII, n. 41 sq., col. 422 sq. ; 1. V, c. xxviii, n. 50, t. LXXV, col. 700.

La révélation est donc close, si l’on parle de son objet matériel, le dépôt primitif ; toujours continuée,

si l’on entend l’action révélatrice de la Trinité dans l’àme de chaque fidèle.

Pourquoi cette association d’éléments spirituels et matériels ?

A première vue, cela semble du formalisme, une matérialisation du culte « en esprit et en vérité ». A considérer l’histoire, on voit ceux qui ont méprisé l’humanité du Christ demeurer dans les ténèbres, et ceux qui se sont séparés de l’Eglise sensible tomber bientôt dans le fidéisme, dans l’illuminisme, dans toutes les fantaisies du sens privé. A réfléchir siu* le fait, on en perçoit la cause. L’homme n’est ni pur esprit, pour voir Dieu face à face, ni animal, poui* ne pouvoir lire ses perfections dans celles des créatures et reconnaître son action derrière celle des causes finies. Il n’y a donc pour lui de certitude proportionnée, vraiment humaine, que celle qui s’appuie sur le sensible.

C’est pour ce motif que le Verbe s’est fait voir, entendre, palper, I Joa., i. 1.

Pour la même raison, il reste incarné en quelque sorte dans l’Eglise sensible et dans l’Ecriture. Il y a là deux agents matériels, de tous points inefficaces à nous révéler Dieu, sans la lumière intérieure, mais avec lesquels il faut rester en contact, dont il faut accepter la surveillance rigoureuse, si l’on veut garder la certitude humaine qu’on reste dans « la Voie, la Vérité et la Vie ».

L’Eglise est astreinte à une servitude analogue, puisqu’elle ne peut compter sur des révélations nouvelles, ni sur un « sens prophétique » spécial, qui lui permette de trancher, sans étude, de l’erreur et de la vérité ; son passé la lie, les documents du passé la jugent, et elle ne peut rien faire sans les interroger, col. 1 173. — C’est sa faiblesse ; et c’est une sécurité.

b. Révélation progressive. — Assurant aux facultés humaines ce contrôle précieux du sensible. Dieu leur demande encore lapins grande collaboration possible.

Le Sauveur n’a pas enseigné aux pécheurs de Galilée les notions d’hypostaseet de nature, de substance, d’accident et de mode ; il s’est servi des mots courants, les seuls intelligibles aux « petits », qui devaient en vivre. Matt., xi, 25 ; Luc, x, 21. Cet enseignement tout populaire, en une forme toute concrète, dont Jésus formait le centre et l’histoire évangélique la trame, impliquait une théologie complète ; mais, si elle était vécue tout entière, dès ce moment, elle n’était pas rédigée. Le jour où l’on a voulu l’écrire, préciser les points obscurs, répondre aux objections, montrer les convenances et l’harmonie des dogmes, les plus perspicaces des docteurs ont pu comprendre | qu’il y avait là du travail pour des siècles.

N’ayant rien dit des sciences naturelles, n’ayant canonisé aucune métaphysique, la révélation laissait la raison libre sur son terrain propre et lui abandonnait le soin d’accorder le dogme avec les sciences et la philosophie de chaque époque : c’était l’obliger à les étudier, à chaque époque.

L’obscurité relative des textes et des documents laissait place à la critique, et, l’obstination venant s’y adjoindre, aux hérésies. Ce n’était pas un mal en soi, si l’Eglise était là pour garantir la mérité, Luc, x, 16 ; si quiconque est au Christ ne pèche pas. I Joa., iii, 6 ; si quiconque quitte l’Eglise prouve qu’il n’était pas de l’Eglise, / Joa., 11, 19. Et ce n’était pas sans utilité :

« Dans les temps éloignés où le dogme prit naissance, 

dit Joui-FROY, on’l’adopta parce qu’il parut vrai… Mais les enfants des premiers convertis commencèrent à admettre le dogme sans vériŒr ses titres… la foi se tourna en habitude… le moment vient où tout sentiment de sa vérité est éteint dans les esprits. » Mélanges philos., 4® édit., p. i. C’est pour cela qu’il fallait des hérésies.

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