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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/607

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DUEL

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« tudiées avec soin ces dernières années à l’aide de

nombreux docvunents), ni enfin dans les peuplades sauvages d’Afrique. d’Asie et d’Océanie (voir DE Smedt, Le duel judiciaire et l’Eglise, dans les Etudes religieuses, t. LXIII, p. SS^ sq).

Le duel judiciaire n’apparaît d’une manière certaine que chez les nations de race germanique, après leur conversion au christianisme. Il est employé <-omme un moyen de faire la preuve ou de se justilier d’une accusation, à la place ou plutôt à défaut des autres moyens. Au vi’siècle, la loi Gambette (promulguée par Gondebaud. roi des Burgondes), statue, au Ha-tc VIII, que, si l’accusateur refuse solennellement d’admettre la justification par serment de son adversaire, « les deux parties sont tenues de se jiréscnler dans le plus bref délai devant nous, pour vider leur querelle par le jugement de Dieu ». Des ilispositions analogues se retrouvent dans les autres codes compilés et approuvés par l’autorité royale dans les pays soumis aux Francs du vi® au ix<^ siècle (Mon. (rerm. Hist., in-4°, Leg., sect. i, t. II, part, i, p. 49 ; il)id., in-fol., Leg., t. V, p. 225. 2^1, 2^8, etc.).

Le duel, sans avoir été complètement étranger aux Goths, est absolument exclu de leurs lois ; ces lois, il est bon de le noter, ont un caractère beaucoup ]tlus romain que celles des Francs, et furent compilées par des gens d’Eglise ou des conseillers de race romaine, pour des peuples depuis assez longtemps soumis à la domination de Rome.

Les Slaves du x^ siècle paraissent avoir connu le duel judiciaire. En revanche, les lois anglo-saxonnes n’en font nulle mention, et, même après son introduction en Angleterre à la suite delà conquête des Normands, il resta loisible aux Anglais de se justifier par les autres épreuves (ou ordalies) dans leurs querelles avec les conquérants. Fréquent au contraire est l’usage du duel judiciaire chez les Loml)ards. Sanctionné par les lois de Rotharis et de Grimoald, il est toléré par Luitpraxd. « Nous n’avons nulle confiance dans ce prétendu jugement de Dieu et nous aA’ons appris que dans bien des cas le bon droit a succombé dans ces combats singuliers. Mais l’ancienne coutume de notre nation ne nous permet pas ♦l’abroger cette loi. » (Mon. Gerin. llist., in-foL, Leg., t. IV, pp. /, 8, 94, 129 et 156.)

Sous les empereurs et rois carolingiens, ces lois restèrent en vigueur, avec quelques modifications de détail (cf. Capitulaires de Charlemagne, de Louis le Débonnaire, de Lothaire. Mon. Gerni. Hist., in-/j°, Leg. s. II, t. I. p. ii’j ss., p. 268 ; p. 33 1.) Peu nomi )reux toutefois sont les faits rqui nous permettraient de voir mise en pratique l, i législation sui- le duel, environ quatre à l’époque mérovingienne, sept à l’époque carolingienne, les deux derniers entre gens

« l’Eglise et jiour des biens ecclésiastiques. Dans la

période coutuniière au contraire, du x’" au xii^ siècle, les exemples abondent. Grâce surtout à l’ignorance

« les lois, les juges, se trouvant souvent incapables de

discerner où était le bon droit, pernieltaient ou même commandaient le duel pour toute espèce de causes, tant au civil qu’au criminel. La procédure canonique réprouvait le duel, mais les évctiiu’s, connue seigneurs temporels, étaient souvent obligés de le permettre.

Le droit coutumier prescrivait toute une procédure à suivre pour le duel (cf. les Coutumes de Beauvaisis, celles de Lorris, les Constitutions du Châtelet). Tous n’étaient pas admis à se justifier d’une accusation par le duel ou à provoquer leur adversaire : il était, sauf privilège, interdit aux serfs. Le vaincu, <lans les affaires criminelles, sui)issait la peine due au crime dont il était accusé ou accusateur ; au civil, il perdait sa cause et de pins payait une amende à la

justice. Les cautions du vaincu étaient souvent Ijunies comme lui.

Plusieurs rois et empereurs. Canut de Danemark, Frédéric II de Germanie, saint Louis de France essayèrent en vain de s’opposer au duel jvuliciaire ; malgré leurs efforts, malgré les proscriptions de l’Eglise, il persista longtemps, et la coutume des défis privés et des tournois qui, en Angleterre et en Allemagne surtout, servaient souvent à trancher les contestations juridiques, ne contribua pas peu à le maintenir en vigueur.

III. Le duel judiciaire et l’Eglise. — On a souvent fait du duel judiciaire une objection contre l’Eglise. Comment expliquer en effet la coïncidence de son apparition chez les peuples germaniques avec le fait de leur couvcrsion au christianisme ? L’Eglise l’aurait-elle introduit chez eux ? pourquoi du moins n’a-t-elle pas usé de son influence toute-puissante sur les peuples néo-chrétiens pour s’opposer efUcacement à un tel abus ? N’y a-t-il pas eu de sa part, peut-être même de la part des souverains Pontifes, approbation absolue et formelle ou du moins implicite et tacite ? Pour résoudre cette objection, il est bon d’étudier le développement historique de la coutume du duel judiciaire chez les peuples germaniques où nous la voyons naître et grandir. Les historiens. Tacite en particulier, nous signalent chez eux un amour jaloux de l’indépendance. (Tacite, Germanie, c. xvi.) Ils avaient, il est vrai, des rois, des chefs suprêmes ou subordonnés, mais leur pouvoir était limité, et toutes les affaires importantes étaient débattues et conclues dans les assemblées des hommes libres. La justice s’exerçait-elle dans ces assemblées ? Oui, mais elle ne s’occupait guère que des délits graves contre la nation ou la sécurité public^ue : trahison, désertion ou lâcheté devant l’ennemi, conduite publiquement scandaleuse (ib., ce. VII et xi). Les autres délits, vol, homicide, se réglaient en dehors des assemblées, au moyen de transactions, par le payement d’une amende, dont l’acceptation dépendait de la famille de la victime (ib., ce. XII et xxi). Les juges nommés dans les assemblées de la nation pour se transporter dans les bourgs, semblent avoir eu pour rôle de préparer ces transactions, non de trancher avec autorité le débat (ib., c. xii). D’ailleurs le droit de guerre privé était reconnu à tous les hommes libres, et c’est sans doute dans ce sens qu’il faut entendre ce que dit Velleius PATERCULUs(/ris^/ ?ow., II.i 18).qu’ils avaient coutume de terminer leurs différends par les armes. Une fois les Barbares établis, parqués dans des territoires beaucoup plus restreints, une administration plus stable, plus régulière, s’imposa ; la législation romaine leur offrait pour l’ordre et la sécurité publi<iue des avantages incontestables. Mais il était impossible de la transporter du premier coup dans leurs lois. Les codes primitifs des peuples germaniques, loi Salique. lois des Ripuaires, des Bavarois, s’efforceront de définir les crimes et délits contre les personnes et la propriété, de déterminer la composition jiour satisfaire l’offense ou sa famille, puis de fixer les formalités de la procédure à suivre et des preuves à faire dans les actions judiciaires. Ces preuves se réduisent ordinairement à la production d’un nombre plus ou moins grand de témoins, suivant la giavité du délit imputé, qui se portent garants, sous la foi du serment, de l’innocence de l’accusé, s’il s’agit d’une cause criminelle, de la vérité de ses assertions dans les causes civiles. Que les témoins viennent à faire défaut ou soient en nombn’insullisant, que leurs allirmations sebalancentou que leur témoignage soit récusé connue suspect de fausseté, le juge réduit aux abois n’a, pour sortir d’em-