Aller au contenu

Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/606

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

1195

DUEL

1196

snr l’ahominahle et détestable coutume qui existait parmi les peuples septentrionaux et qui a été abolie par le christianisme.

Il est remarquable que les témoignages les plus favorables à l’existence prétendue du « Droit du seigneur » soient tous de date récente et d’une authenticité douteuse. C’est un seigneur de Louvie qui vient déclarer en 1538, dans un aveu conservé aux archives de Pau, « qu’il avait le droit de coucher la ])remière nuit de noces avec la mariée >.. L’aveu est rédigé en patois béarnais, lorsqu’il est constant qu’un acte de cette nature, pour revêtir les formes fe^gales, devait être écrit en latin ou en français. C’est, la même année (1538), un seigneur de Bizanos, gentilhomme gascon comme le précédent, qui crie par-dessus les toits Y Siniiqne droit de ses ancêtres sur les noui’elles mariées, et l’échange de ce droit contre une épaule de mouton ou un chapon ; le tout confirmé par la voix publique et la renommée. C’est peu sérieux ot peu concluant.

Autre fait, cité par un des plus récents prélibateurs, M. Delpit. « La coutume de Drucat au bailliage d’Amiens de l’an lôo^ » établirait que « quand aucun des subgiéts ou subgiettes dudit lieu de Drucat se mar je… le marié ne peut coulchier avec sa dame de neupces sans le congié du dict seigneur, ou que ledit seigneur ait coulchié a^ec ladite dame de neupces, lequel congié il est tenu de demander au dict seigneur et à ses officiers ; pour lequel congié obtenir le dict maryé est tenu bailler un plat de viande… et est le dict droit appelé droit de cullage ». Evidemment l’alternative défavorable au marié, dans le bailliage de Drucat, est une clause comminatoire, absurde, effrontée si l’on veut, mais une clause comminatoire seulement, impuissante à établir l’existence d’un droit comme le « Droit du seigneur », et surtout à le fonder ; le plat de viande, qui pouvait en empêcher l’exercice, étant une denrée trop commune,

Louvie et Drucat sont cependant les faits les plus graves qu’on ait produits dans la question ; Henri Martin (Hist. de France, t. V, p. 568) n’a retenu que ees deux là pour conclure modestement à la possibilité de l’existence de ce droit infâme. Les autres, en effet, trouvent tous leur explication naturelle dans la redevance exigée par le seigneur à l’occasion du mariage de ses tenanciers. Il suffira de citer les principaux, dépouillés de tout commentaire.

« A Auxi-le-Chàteau, quand aucun étranger se

allie par mariage à fille ou femme étant de la nation d’Auxi ou demeurant en icelle ville, ils ne peuvent la nuit de leurs neupches coucher ensemble sans avoir obtenu congé de ce faire du seigneur ou de ses officiers sous peine de LX sols d’amende. » (Bou-THORs. ) <( Simon de Pierrecourt fit à ses vassaux iremise d’un certain droit, quemdam redditum qui C41lagium dicebatur, videlicet très solidos quos miki singuli reddebant quando filias suas m.aritabant. »

« Au xiie siècle, écrit M. Léopold DELisLE, à Carpignet, 

l’abbesse de Cæn demandait trois sous au paysan dont la lille s’établissait au dehors de sa seigneurie. Au siècle suivant, les vilains de Verson acquittaient un droit semblable au profit des moines du Mont-Saint-Michel.

« Le vilain sa fdle marie
« Par dehors la Seignerie, 
« Le seigneur aura le culage, 
« Trois sols en a del mariage.
« Dans un aveu du fief de Trop, en 1^55, nous

voyons encore les vassaux tenus de payer le « cullage » de mariage. Dans l’un et dans l’autre de ces exemples, il ne s’agit évidemment que d’une rede vance en argent, ce qui autorise à donner une semblable interprétation au « droit de cullage quand on se marie », que le comte d’Eu avait sur ses hommes deSaint-Martin-le-Gaillard. » (L. Delisle, £<M(/es, etc.)

Il serait superflu d’allonger cette liste de témoignages. Le « Droit du seigneur » est une question jugée, après les sérieuses études de L. Veuillot et A. DE Foras en France, de Karl Schmidt en Allemagne. Aux preuves résumées ici, il ne reste à ajouter comme dernier degré d’évidence que le passage du Grand Coustumier général cité par de Foras, (p. 372) :

« Item peux et dois sçavoir et entendre par la

raison des sudite que s’il ain-ivait que le seigneur couchast avec la femme de son homme féodal ou avec sa tille qui pucelle serait ou sa parente, sachez que l’homme féodal doit à toujours être exempt de son seigneur. » C’est-à-dire qu’il devenait complètement libre.

« Par cas opposite, si l’homme féodal gisait avec

la femme de son seigneur, ou avec sa fille, pourtant qu’elle fust pucelle, sachez que l’homme féodal en ce faisant perd son fief et doit perdre ce cju’il tient dudict seigneur. Et si c’estait homme tenant en cotterie, si doit tout le sien estre mis en la main du seigneur. »

Louis Veuillot : Droit du seigneur. — A. de Foras : Le Droit du seigneur, 1887. — Karl Schmidt : Jus primæ noctis. Fribourg 1881. — R^vue des questions histor., t. I, p. 95 ; t. VI, p. 304 ; t. XIV, p. 702.

P. GUILLEUX.


DUEL. — Nous traiterons dans une première partie du Duel judiciaire, selon la conception du moyen âge ; dans une seconde partie, du Duel privé, selon les mœurs modernes.

Première Partie.

Le Duel judiciaire

I. Définition. — II. Origine. — III. Le duel judiciaire et l’Eglise. — IV. Bibliographie.

I. Définition. — Le duel judiciaire peut se définir : un combat singulier ordonné ou permis par l’autorité publique, suivant des lois établies, et comme moyen d’arriver à reconnaître le bon droit dans une cause en litige.

II. Origine. — De tout temps, mais surtout aux époques de violence et de barbarie, les hommes ont eu recours à des querelles pour régler leurs différends ou pour se faire justice ; souvent aussi, chez les peuples barbares, la force brutale a tenu lieu de lois et de justice, la force et le droit ont été confondus. Mais retrouve-t-on dans les civilisations anciennes ou chez les peuples qui, à défaut d’une civilisation avancée, offrent dans leurs institutions au moins une ébauche d’organisation judiciaire, quelque chose d’analogue au duel judiciaire tel que nous l’avons défini ? On peut, semble-t-il, répondre hardiment : non. Ni chez le peuple juif, ni chez les Grecs, ni chez les Romains, on n’en voit de trace. Quelques savants l’aflirment pour certaines nations anciennes de Grèce et d’Italie, mais les textes sont bien incertains et leur opinion reste contestée. Des Gaulois et des Germains, ni César ni Tacite ne rapportent rien qui rappelle le duel, au moins judiciaire. Bien non plus dans les lois des Francs Saliens, quoique l’épreuve de l’eau bouillante y soit insinuée. Rien enfin chez les anciens peuples d’Orient (Inde, Egypte, Slaves d’Europe ) ni chez les Celtes (dont les coutumes ont été