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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/639

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EGLISE (CHRETIENTE PRIMITIVE)

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ne pourrait pas plus concevoir une succession apostolique, par délégation humaine, qu’on ne peut concevoir une (( succession » véritable pour le don de prophétie ou des miracles.

Ce ne serait que durant le demi-siècle qui suivit la mort des apôtres que l’enthousiasme primitif aurait diminué, cpie les charismes auraient disparu ou seraient tombés dans le discrédit. Alors, les administratem’s temporels des Eglises chrétiennes, les titulaires de fonctions humainement déléguées, se seraient emparés progressivement de l’enseignement religieux et du gouvernement spirituel. Ainsi aurait pris naissance V Episcopat ; et, plus tard, pour se <lonner une noblesse, l’Episcopat aurait favorisé la légende, toute fictive, de son origine apostolique.

Il nous faut donc rechercher, d’après les textes, si le gouvernement spirituel des Eglises, à l'âge apostolique, était réservé aux hommes inspirés, au personnel charismatique ; et si les fonctionnaires humainement délégués ne devenaient pas les dépositaires de l’autorité religieuse des apôtres. En cas de réponse afhrmative, nous aurons ressaisi le principe même de la succession apostolique. Cela seul importe à notre but. Le reste concerne les origines de VEpiscopat.

( ; 3) Transmission de l’autorité spirituelle.

Les Actes et la Prima Pétri. — Saint Paul, dans les Actes (xx, 17-88), s’adresse aux fonctionnaires humainement délégués (les T : ^^ztQ-J, 7-poi, irtîxsrîi) de l’Eglise d’Ephèse. De même saint Pierre, dans sa première Epître (v, 1-4) s’adresse aux fonctionnaires humainement délégués (les r : pi- : Cù- : efioi, èTTiT^TTiOvrc ;) des Eglises d’Asie Mineure.

Or, du langage adopté ici par saint Paul comme par saint Pierre, il résulte manifestement que ces honunes, désignés ou approuvés par les apôtres, ne sont pas des administrateurs purement temporels. Ces personnages A'(/ « a/ne/Hen/ délégués apparaissent comme dépositaires (au moins partiels) de l’autorité apostolique dans leurs propres Eglises locales. Ils apparaissent investis d’un pouvoir religieux, d’une responsabilité spirituelle. « Veillez sur vous-mêmes

« et sur le troupeau entier auquel vous a préposés
« l’Esprit-Saint pour régir l’Eglise de Dieu ^> (Acf., 

XX, 28). Et saint Pierre assimile l’autorité pastorale de ces r.p'.^Q-J-zp'^i à sa propre autorité (p’j-jr.ps^Z-Jnpoz), ^oire même à 1 autorité du Christ (à « > ; t7 : o<//r>î ;), pour luieux leur inculquer le devoir d'être les modèles de leur troupeau (rJTrot tîO txoiij.-jioj), dont ils répondront devant le Souverain Juge (1 Petr., v, i-4).

Donc il y avait communication de l’autorité relig’ieuse des apôtres.

Les Epitres pastorales. — Les deux Epîtres à Timotliée, ainsi que l’Epitre à Tite, ont pour objet essentiel la délégation du pouvoir apostolique, en vue du gouverneuient spirituel des Eglises chrétiennes. D’oii le nom d’Epitres pastorales.

Quoitpie Tite et Timotliée possèdent plusieurs charismes (ils sont « prophètes », « docteurs », <( évangélistes »), leur droit à gouverner les Eglises chrétiennes dérive totakMucnt, néanmoins, d’une mission ou délégation, confiée par Paul à Timotliée cliez les Ephcsiens, à Tite chez les Cretois : mission ou délégation constamment et formellement signiûée dans les trois Epitres.

D’autre part, il est clair que le pouvoir confié à Tite et à Tiniolhée par Paul ne se rapporte pas à la soûle administration temporelle des Eglises ; mais bien à l’enseignement authentique de la vraie doctrine, à l’organisation du culte religieux, au rappel de tous les devoirs moraux, à la coercition des hérétiques et des rebelles. Indubitablement, il s’agit d’autorité religieuse, de juridiction spirituelle.

Enfin, ' Tite et Timotliée possèdent le principe

d’une délégation et succession perpétuelle. Ils devront instituer, dans chaque Eglise locale, des è-ri^yonoi, rps’y^'JT-p’ii, chargés du ministère spirituel et religieux (cf. Jac, V, 14), en même temps que de l’administration temporelle de la communauté. — Tite et Timotliée peuvent transmettre par l’imposition des mains (I Tim., V, 22) le caractère sacré en vue du culte divin ; et eux-mêmes ont reçu le pouvoir d’agir ainsi par la vertu de l’imposition des mains de l’Apôtre (II Tim., i, 6), en même temps qu’ils recevaient, pareillement, l’imposition des mains de tout le nps7Π: jTépi.yj (I Tim., IV, 14).

Donc, rien de plus net que les Epitres pastorales pour marquer la transmission du pouvoir spirituel des apôtres, la succession apostolique.

(Cf. I Tim., r, 3-20 ; iii, 1-16 ; iv, ii-14 ; v, 17-22 ; II Tim., I. 6-15 ; Tit., 1, 1-16 ; 11, 15).

Aussi, lorsque, vers la fin du i<"" siècle, un disciple personnel des apôtres Pierre et Paul, Clément de Jiome, énoncera, comme un fait notoire, la succession apostolique des pasteurs de l’Eglise (I Cor., xlii, 4 ; XLiv, 1, 2), il ne fera que répéter et pi’olonger les affirmations, déjà bien claires, du Nouveau Testament.

Les textes viennent de nous faire connaître l'^g’hse chrétienne pendant le ministère unii’ersel des apôtres. Dans chaque Eglise locale, on trouve la juridiction apostolique. Dans l’ensemble de la chrétienté, on trouve l’unité sociale, garantie par la communauté du régime extérieur. Et l’autorité des apôtres, quant au magistère enseignant et au gouvernement spirituel, se présente comme perpétuellement transmissible à des représentants ou à des successeurs légitimes.

En d’autres termes, pendant le ministère universel des apôtres, l’histoire atteste l’existence de l’Eglise hiérarchique, perpétuant les institutions mêmes du Sauveur, et portant les caractères du catholicisme.

D. L’Eglise pendant la période

« subapostolique » 

Comme nous l’avons dit plus haut, le caractère hiérarchique et catholique de l’Eglise chrétienne à la fin du 11° siècle n’est pas contestable et n’est plus sérieusement contesté. Hiérarchique, l’Eglise n’admet pas la souveraineté de l’inspiration individuelle, mais elle possède une autorité enseignante et gouvernante, chargée d’imposer à tout chrétien la doctrine qu’il faut croire et la conduite religieuse et morale qu’ilfaut tenir. Crt/Z/o/Zc/He, lEglisechrétienne, répandue à travers le monde entier, forme une grande unité sociale dont le centre nécessaire, dont la présidence permanente est dans l’Eglise privilégiée des apôtres Pierre et Paul, dans l’Eglise de Rome. Telle est la situation au temps de saint Irénée, au temps du Pape Victor et de la controverse pascale.

Reste à savoir si l’organisation hiérarchique et catholique de l’Eglise chrétienne était alors d’origine toute récente ; si elle ne venait pas de naître, par suite des nécessités accidentelles de la crise gnostique et de la crise montanisle ; ou bien, au contraire, si cette organisation n’avait pas constamment existé pendant la période « suhapostolique », c’est-à-dire pendant le siècle qui s'écoule depuis la chute de Jérusalem jusqu'à l'époque où écrivait saint Irénée.

L’enquête est dilHcile, à cause de la rareté des documonts (la période « subaposloliquc » est peut-être la moins connue de toute l’antiquité chrétienne) ; et à cause de la nature même de ces documents (ils n’ont pas pour objet de nous renseigner sur les institutions ecclésiastiques et n’y font souvent que de rapides allusions). Néanmoins, les textes fragmentaires qui