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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/640

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ÉGLISE (CHRÉTIENTÉ PRIMITIVE)

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nous sont parvenus fournissent à 1 historien assez d'éléments, assez d’indications convergentes, pour appuyer des conclusions très fermes sur le caractère hiérarchique et catholique de l’Eglise naissante.

a) Valeur du témoignage même de saint Irénée. — D’après nos adversaires, l'évolution hiérarchique et l’unillcation catholique de l’Eglise aurait été chose récente à l'époque d’Irénée ; les contemporains auraient vu se consommer progressivement la transformation du régime.

Contre cette hypothèse, le témoignage même de saint Irénée paraîtra significatif et nous renseignera utilement, déjà, sur la période « subapostolique)>. En effet, l'évêque de Lyon nous présente le caractère hiérarchique et catholique de l’Eglise comme un fait universellement notoire et incontesté. C’est de là qu’il lire son argument capital contre les sectes hérétiques. Or, ce qui fonde l’argument, c’est que l’Eglise hiérarchique et catholique est une institution du Christ et des apôtres ; qu’elle possède la Tradition des apôtres, l’autorité des apôtres, la succession légitime et perpétuelle des apôtres (Ads-. hæres., lib. UI, cap. i, ii, m, IV. P. G., VII, col. 843-857).

Transcrivons, au moins, les deux fragments les plus significatifs du livre III, chapitre m :

Tradilioneiu itaquc apostoloruni, in tuto niundo manifestatarii, in omni Ecclesia adesl respicere omnibus qui cera l’elint videre : et habemus annumerare eos qui ab apostolis institua sunt episcopi, et successores eorum usque ad nos…

Sed quoniam valde longum est, in hoc tali votuniine omnium Écclesiarum enumerare successiones, maximæ et antiquissiniæ et omnibus cognitae, a gloriosissimis duobus apostolis Peiro et Paulo Romæ fundatæ et constitutae Ecclesiae, eam quant habet ab apostolis traditionem et annuntiatam nabis fideni, per successiones apostoloruni, pervenientes usque ad nos indicantes, confundimus omnes eos qui… præterquam quod oportet colligunt. Ad hanc enim Ecclesiam, propter po[ten]fiorem principalitatem, necesse est omne/n confenire Ecclesiam, hoc est eos qui sunt undique fidèles, in qua semper ab his qui sunt undique conservata est ea quæ est ab apostolis traditio.

Comment donc saint Irénée aurait-il pu attribuer une ancienneté immémoriale, une origine apostolique, à la hiérarchie et à la catholicité de l’Eglise chrétienne, si, en réalité, cette organisation était alors toute récente et si les contemporains en avaient euxmêmes constaté l’achèvement ? Bien plus, comment saint Ii'énée aurait-il pu affirmer pareille chose à titre d’argument irrécusable conti’e les hérétiques, si le fait n’avait pas été regardé alors comme avéré?

La moindre conséquence à en déduire est que l’organisation hiérarchique et catholique de l’Eglise n'était pas d’origine récente à la fin du ii^ siècle ; qu’elle était, au contraire, chose déjà ancienne et immémoriale ; qu’on la croyait d’institution divine et apostolique. Voilà qui en reporte, historiquement, la naissance bien longtemps avant l'époque de saint Irénée.

D’ailleurs, entre cette époque d’Irénée elle-même et l'âge apostolique, la distance à franchir est-elle si grande ? Irénée avait connu, en Asie, Polycarpe et d’autres « presbytres » qui avaient été les propres disciples de l’apôtre Jean. Irénée, depuis lors, avait pris contact avec l’Eglise romaine, sous le Pape Eleuthère, c’est-à-dire à une époque où îwaient passé deux générations seulement depuis la génération apostolique.

En de telles conditions, le témoignage de saint Irénée paraît être, à lui seul, d’un très grand poids pour établir l’existence de l’Eglise hiérarchique et catholique durant la période antérieure à Irénée, voire même depuis le temps des apôtres.

h) Témoignages plus anciens. — Enumérons main tenant quelques témoignages de la période « suLapostolique » elle-même. Quelques-uns seulement : car nous ne voulons pas entrer dans l’examen de ceux qui, tout en ayant leur valeur pour établir le fait qui nous occupe, exigeraient des explications plus minutieuses, comme le Pasteur d’Hermas. En outre, nous ne prétendons fournir ici que des indications très sommaires.

Ces divers témoignages accusent ou supposent déjà une organisation ecclésiastique toute pareille à celle que, plus tard, décrii-a nettement saint Irénée. Qu’on ne dise pas que le régime hiérarchique et catholique aurait été ignoré d’abord, et se serait déterminé progressivement, à mesure que le temps aurait marché (en attendant une plus complète formation à l'époque d’Irénée). Les témoignages qui sont, pour cette i)ériode. les plus clairs et les plus significatifs, au double point de vue hiérarchique et catholique, comptent précisément parmi les plus primitifs et les plus voisins de l'âge apostolique : Clément de Rome et Ignace d’Antioche.

(a)CLÉMENT de Rome. — Caractère hiérarchique de l’Eglise. La doctrine qu’il faut croire n’est pas manifestée par l’inspiration individuelle de chacun ; mais par la « glorieuse et vénérable règle de notre Tradition », rô ; -î'./saôîJîw ; r.u.w xy.vojy. (I Cor., VII, 2). C’est la hiérarchie ecclésiastique qui est la gardienne de cette Tradition. Il faut donc se soumettre à la hiérarchie ecclésiastique. Analogie avec l’armée romaine (I Cor., XXXVII, 2, 3). Analogie avec le sacerdoce juif (I Cor., XL, 5). Mission et succession apostolique des pasteurs de l’Eglise (I Cor., xlii, 4 ; xliv, i-4).

Caractère catholique de l’Eglise. L’ensemble de la chrétienté forme un grand corps social, dont la tête est l’Eglise romaine, l’Eglise des apôtres Pierre et Paul. Toute la lettre authentique de Clément aux Corinthiens exprime (ou suppose) la primauté religieuse, la présidence universelle de l’Eglise de Rome sur les autres Eglises locales. Rien ne signifierait mieux le caractère catholique de l’Eglise chrétienne (I Cor., VII, I ; xLvii, 6 ; lvii, i ; lviii, 2 ; Lix, - !  ; et passitn).

Donc, dès la fin du 1" siècle, vers l’an 96, chez un disciple immédiat de saint Pierre et de saint Paul, nous trouvons une notion équivalente à celle d’Irénée sur la hiérarchie et la catholicité de l’Eglise. (Mentionnons, à cet égard, deux pages significatives de Jean Réville, Origines de VEpiscopat, pp. 429 et 440.)

(/3) Ignace d’Antioche. — Caractère hiérarchique de l’Eglise. Distinction entre la fausse et pernicieuse doctrine des hérétiques, corrompue par les inventions humaines, et la vraie doctrine de l’Eglise chrétienne ; doctrine enseignée par le Christ et transmise fidèlement par les apôtres (ZTpves, ix, 2 ; xiv, i, a ; Magnes., xii, i, 2 ; Trall., vi, i, 2 ; Philad., viii, 2). Or Vinterprète autorisé de la doctrine du Christ et des apôtres, c’est V Evoque, qui est, dans chaque Eglise locale, le représentant de Dieu (Ephes., 11, 2 ; iii, 2 ; IV, i ; VI, i ; Magnes., 11 ; iii, i ; xiii, i ; Trall., iii, i ; VII, 1, 2 ; Philad., i, I ; III, a ; iv ; vii, i ; ^mirn., viii, 1).

Caractère catholique de l’Eglise. Toutes les Eglises locales forment, par leur ensemble, l’Eglise universelle. Dans chaque Eglise locale, il faut distinguer l'élément spirituel ou invisible et l'élément corporel ou visible (Magnes., iii, 2 ; xiii, 2) ; dans l’Eglise universelle, il faut distinguer, de même, l'élément spirituel, qui est l’union mystique des âmes chrétiennes, et l'élément corporel qui est l’unité sociale et visible des fidèles, chose apparente aux yeux des peuples {Smyrn., i, 2). L’accord de chaque Eglise locale avec l’Eglise universelle s’impose tellement comme règle et comme garantie, que le même mot « catholique » exprime pareillement l’idée d’orthodoxie et d’universalité (Smyrn., viii, 2).