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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/656

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ÉGLISE (QUESTION DES NOTES)

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possèdent les autres caractères essentiels qui ont été assij ;  : nés par le Clirist à l’organisation extérieure de son Eglise : l’unité visible et la catholicité visible.

Au point de vue de l’unité, les Eglises orientales ont, sur les Eglises protestantes, la supériorité de n’avoir pas perdulanotiond’un magistère enseignant, qui doive imposer, au noiu du Christ, les croyances doctrinales. Le libre examen, le jugement privé ne sont pas théoriquement érigés en règle de foi, en principe fondamental. Mais, dans la réalité concrète, il y a une lacune très grave : le magistère n’existe pas.

Le magistère, en effet, ne comporte pas seulement une autorité enseignante dont la Aaleur soit toute directive, ou encore une police spirituelle permettant de prohiber des livres jugés périlleux et de réprimer des scandales ; mais le magistère comporte avant tout le droit de définir la foi et de trancher les noui’elles controverses théologiques, par des sentences doctrinales dont la vérité s’impose d’une manière absolue à l’adhésion intime de tous les croyants. — Or, dans les différentes Eglises de l’Orient (séparées de Rome), cette autorité enseignante, qui continue le magistère des apôtres, est reconnue exclusivement au concile œcuménique. Sur ce point, nulle hésitation.

Mais le septième Concile œcuménique, le dernier qui soit reconnu pour tel par les Eglises orientales, date de l’an 787, il y a 1 128 ans. Depuis lors, le magistère infaillible de l’Eglise du Christ n’a jamais eu moyen de s’exercer. Aujourd’hui, la réunion d’un concile œcuménique est regardée comme impossible, en Orient, pour bien des motifs, mais surtout à cause des rivalités politiques et nationales qui divisent les différents Etats de la communion grécoslave. Les obstacles seraient encore plus insurmontables si on voulait convoquer au concile œcuménique les autres communions orientales : Eglises arménienne, jacobite, nestorienne, copte, éthiopienne. A plus forte raison, si on voulait obtenir l’adhésion des K Occidentaux » : Eglise catholique romaine et communion anglicane. Cette impossibilité pratique d’un concile œcuménique (même limité aux Eglises gréco-slaves) paraît irrémédiable : en tout cas, elle ne peut que se prolonger durant un avenir long et indéterminé. Tous les docteurs orientaux en conviennent sans dilliculté.

Cependant, les textes historiques nous ont appris que l’unité de l’Eglise du Christ devait consister dans la subordination de tous les fidèles à une autorité commune, à un magistère enseignant qui perpétuerait le collège apostolique et qui, avec l’assistance efficace de l’Esprit Saint, exposerait la doctrine de vérité, constamment, quotidiennement, jusqu’à la consommation des siècles. Or, dans les Eglises orientales, l’unique organe que l’on reconnaisse au magistère enseignant et infaillible est un organe qui demeure atrophié depuis 11 28 ans et qui doit le demeurer encore pour un avenir indéterminé. Bref, au point de vue de la réalité concrète, c’est un magistère qui n’existe pas. (Voircette considération longuement développ’-e dans L’Empire des Tsars et les Russes, par Anatole Leroy Beaulieu. Tome III. La Religion. Paris, 1889, in-8°, pp. 66-72.) Sous ce rapport, la condition pratique des chrétiens orientavxx n’est guère éloignée de celle des anglicans. — Donc les Eglises orientales sont dépourvues, en fait, de l’un des caractères extérieurs qui seraient essentiels à la véritable Eglise du Christ. Toutes sont dépourvues de la

« note » d’unité. Voilà qui suffirait à les exclure.

On les exclurait, d’une manière non moins décisive, par application de la « note » de catholicité. Les Eglises arménienne, jacobite, nestorienne, copte,

éthiopienne sont des Eglises nationales ou ethniques, correspondant à des groupes nettement restreints et limités de la population chrétienne. Il faut en dire autant de chacune des Eglises « autocéphales » de la communion gréco-slave, qui correspondent à l’Empire russe et à chacun des Etats indépendants ou des groupes ethniques du Bas-Danube et des Balkans. Rien de moins catholique ou universel. Dùt-on cependant considérer (fictivement) toutes les Eglises

« autocéphales » de la communion gréco-slave, ou

même toutes les Eglises orientales, comme formant une seule Eglise chrétienne, cette Eglise ne serait pas encore catholique : elle ne posséderait pas l’universalité morale et relative. Par rapport aux connaissances géographiques et aux moyens de communication de l’épofpie actuelle, impossible de dire qu’elle s’étende à travers le monde entier. Au contraire, les Eglises orientales demeiu-ent circonscrites dans une seule région du globe. Elles restent dans les frontières qu’elles occupaient déjà, lors de la séparation des Eglises ; et elles n’ont eu d’autre extension que les progrès politiques de la domination russe, de l’influence russe. Donc elles sont privées du caractère de la catholicité.

Enfln ne pourrait-on pas, selon la théorie des trois branches, revendiquer ce caractère pour tout l’ensemble des Eglises chrétiennes, et non pas pour une seule des Eglises chrétiennes ? Chaque Eglise, en particulier, pourrait être nationale ou ethnique ; mais elle posséderait cependant la catholicité par le fait même qu’elle appartiendrait à la chrétienté universelle, qui est répandue à travers le monde entier. Cette chrétienté universelle comprendrait à la fois la branche orientale, la branche catholique romaine et la branche anglicane. — La conception est ingénieuse, mais toute fictive. Comme nous le disons plus haut, en parlant des Eglises protestantes, la catholicité extérieure et actuelle n’est pas constituée par la réunion (idéale) de plusieurs sociétés distinctes et indépendantes et rivales les unes des autres ; mais uniquement par la diffusion relativement et moralement universelle de la même société visible à travers les nations. Donc la chrétienté universelle, divisée en trois branches, ne confère ni aux Eglises protestantes ni aux Eglises orientales la catholicité qui leur fait incontestablement défaut.

(0) L’Eglise catholique romaine. — Comme les Eglises orientales, l’Eglise catholique romaine possède la succession matériellement continue depuis les apôtres dans le gouvernement ecclésiastique. L’Eglise de Rome est même la seule qui, avec une suffisante certitude, puisse justifier à la fois d’une origine directement apostolique, et d’une continuité successorale moralement ininterrompue depuis lors, selon les conditions ordinaires du régime électif. Reste à voir, par l’application des notes d’ « ///7^’visible et de catholicité visible, si la juridiction apostolique a été légitimement transmise, comme en témoignerait la persistance des autres caractères essentiels assignés par le Christ à l’organisation extérieure de son Eglise.

Uunité consiste dans la subordination de tous les fidèles à une même juridiction spirituelle et à un même magistère enseignant. Peut-on contester que pareille subordination existe dans l’Eglise catholique romaine ? Ses adversaires lui en font même un violent grief. En particulier, le magistère enseignant, dont nous avons remarqué l’absence dans foutes les Eglises séparées, se trouve représenté, dans l’Eglise catholique romaine, non seulement par le concile œcuménique (qui, du reste, est, pour nous, tout autre chose qu’un souvenir ancien et une impossibilité présente), mais encore par le magistère ordinaire et quotidien de l’Episcopat dispersé : c’est-à-dire par l’accord