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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/67

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ligents, le chien par exemple, n’ont pas accompli le moindre progrès dans la science, dans le langage conventionnel, dans l’industrie. Le moyen de ne pas dire après cela :

Les animaux ne pensent donc point et ne raisonnent donc point ?

Cet argument est péremptoire ; mais je comprends qu’il ne lève pas toutes les difTicultés sur la matière. Bien sûr. Ton se demande comment, si l’on refuse le raisonnement aux bêtes, il est possible d’expliquer toutes les merveilles que nous leur voyons faire, et quel genre de connaissance il faut leur accorder ; car enfin il n’est pas admissible que les bêtes ne connaissent ni ne sentent davantage que la pierre ou le bois.

Je vais essayer de répondre à ces préoccupations des esprits.

5° Parlons d’abord des facultés que nous sommes obligés d’accorder aux animaux. Nous soumettrons ensuite la thèse que je soutiens à l'épreuve des faits particuliers.

D’abord, il faut reconnaître aux animaux, j’entends les animaux supérieurs, en fait de facultés de perception, les cinq sens extérieurs : la vue, l’ouïe, l’odoi-at, le goût et le toucher. Cela n’a plus besoin d'être démontré.

Il faut leur reconnaître des sens internes : ViviaginatioTt, tout le monde sait que les chiens rêvent ; la mémoire, rappelez-vous le chien d’Ulysse ; la faculté que les anciens nommaient Vestimati^e ou pouvoir de distinguer les objets utiles et les objets nuisibles, qui fait que l’agneau fuit le loup et que l’oiseau choisit la paille qu’il faut i)our construire son nid ; enfin une sorte de sens général, central, sensoriiim commune, où, d’une part, aboutissent pour se grouper, les impressions isolées des sens particuliers, et où, d’autre part, viennent retentir les divers événements de l’organisme, sain ou malade, au repos ou en mouvement. C’est le sensorium commune qui, en groul)ant les sensations spéciales, iiermet à l’animal de se former la représentation intégrale des objets, la représentation intégrale d’un fruit, par exemple, dont l'œil a perçu la couleur, l’odorat le parfum, le goût la saveur, etc., et qui, en l’avertissanl des états des diverses parties de l’organisme, lui sert à en gouverner comme il faut l’ensendjle et les détails.

Des facultés de perception appellent des facultés de tendance, ou appétits correspondants. Aussi voyonsnous succéder dans lanimal, aux perceptions sensibles des divers objets, des émotions passionnelles variées : transports d’amour ou de haine, accès de colère, frémissements de crainte, etc. L’animal a donc une volonté sensible, comme il a une faculté de perception sensible.

Ce n’est pas tout ; nous devons admettre qu’il existe en chacune de ses facultés cette pente vers l’action, ou tendance ù accomplir les actes proi)res à son espèce, que l’on retrouve en tous les êtres du monde, et qui fait que tous, par une sorte d'élan oi d’entraînement de nature, iiisti/irtu naturae, exercent sj)ontanément leur aclivilé, étant donnés le moment et les conditions propices.

Nous devons admettre que l’activité de l’animal, venant, pour une cause ou i)our une autre, à s’exercer d’une façon constante en un sens donné, peut se troucr modifiée si iirofondémcnt qu’il contracte certaines habitudes ou propensions à agir toujours d’une manière déterminée, avantageuses ou nuisil)les, défectueuses ou non.

Il faut admettre enfin que l’animal, en certains cas cl en une certaine nu-sure, transmet ses habitudes, par génération, à ses descendants, au point quc certains instincts se fixent en certaines races, sous

formes de qualités ou de défauts, et y deviennent héréditaires.

Il serait banal d’insister sur ces assei’tions pleinement justifiées et éclairées, aussi bien par l’expérience vulgaire que par les données courantes de la zoologie et de l’anatomie comparées. Mais quelcjnes mots de plus ne seront pas inutiles pour caractériser nettement les opéi’ations de ces facultés de l’animal.

Toutes ces opérations sont d’ordre sensible : elles procèdent donc toutes d’un organe et ont toutes pour objet quelque chose non seulement de matériel, mais de concret, d’individuel.

De même donc que l'œil ne perçoit jamais la couleur abstraite, mais telle couleur siu- tel objet, ainsi l’imagination de l’animal ne percevi-a jamais le carré abstrait, le losange abstrait, mais toujours tel carré de telles dimensions ; et la mémoire lui rappellera toujours, non les concepts d’homme, de cheval ou de maison, mais cet homme, ce cheval, cette maison ; et l’estimative, à son tour, ne percevra pas la convenance, mais la chose qui convient. En un mot, les facultés sensibles, les sens internes comme les sens externes, ne saisissent jamais les choses matérielles qu’enveloppées dans la gangue du fait et de l’individualité, « cum appendiciis inateriae. » (Albert le Gr.)

Au reste, les perceptions sensibles, de même que les mouvements passionnels, se produisent dans la bête tout à fait suivant le même processus physiologique que dans l’animal humain. De là cette conséquence : — d’une inq)ortanee extrême, car elle jette la plus vive lumière sur la vie animale — que la grande loi de l’association des perceptions et des émotions a son application et obtient ses efi’ets dans la bête tout aussi bien que dans l’animal humain.

Vous pouvez maintenant vous faire une idée très nette de ce que j’accorde et de ce que je refuse à l’animal.

Je lui refuse toute perception de l’immatériel :

Par conséquent, toute idée morale et religieuse, tout concept abstrait et universel ; par conséquent tout jugement et tout raisonnement, tout jugement et tout raisonnement i)roprement dits impliquant au moins un terme abstrait et universel ; par conséquent la conscience, ou retour complet d’une faculté de connaissance sur elle-même, et le vouloir libre, puisque d’une part nul organe ne peut se replier sur lui-même et se percevoir, ni percevoir son action, et tiue, d’autre part, la racine clu libre vouloir ce sont les concepts et les jugements universels.

J’accorde à l’animal qu’il voit, entend, odore, goûte, palpe les objets. J’accorde qu’il en garde les images et se les représente quand ils sont absents.

J’accorde qu’il se souvient.

J’accorde qu’il discerne les objets avantageux ou nuisibles, à rechercher ou à éviter, par un acte estimatif qui simule le jugement.

J’accorde qu’en vertu de la loi de consécution, qui est une suite nécessaire de l’association des perceptions et des émotions, l’animal passe, en certains cas, d’une représentation à une autre, et conséquemment d’une émotion, d’une opération à une autre, par un mouvement de connaissance qui sinuile le raisonnement.

Je lui reconnais une ébauche de conscience, dans le pou^oir qu’il a par le sensorium commune, de voir, en une certaine nu-sure, ce qui se passe aux divers points de son organisnu", un semblant de lil)erlé et d'élection, dans l’hésitation (jii’il manifeste à |)rendre j)arti, quand il est sollicité en sens divers par plusieurs td>j(-ts attrapants.

J’admets <pie l’animal contracte parfois des habitudes, ou mieux des instincts iuni>eaux, parfois