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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/679

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EGYPTE


d’un seul coup. On ne fait pas du jour au lendemain table rase de tout son passé. C’est peu à peu qu’en Egypte, comme ailleurs, se sont formés les usages chrétiens. Est-il étonnant que dans les néci’opoles on trouve les chrétiens ensevelis à côté des païens ? M. Naville a exhumé dans le temple de Deir-el-bahari, à Théhes, des momies qui, à côté d’emblèmes païens, portaient des sjmboles chrétiens, la coupe et l’épi, le liain et le vin. (La religion des anciens Egyptiens, p. 266.) Mais ces momies étaient-elles celles de convertis, ou de païens à religion éclectique, comme il y en avait tant à cettï époque de transition ? D’ailleurs, serait-il certain que leurs possesseurs étaient chrétiens, on peut en conclure tout au plus la persistance d’anciens usages et non la fusion des deux cultes. Les nouveaux convertis ne prennent pas tous des noms grecs et continuent à s’appeler de noms indigènes, Pachome. Horsiisi, Sclienoudi. Mais la religion tient-elle dans le nom ? On a trouvé à Chéras une ligurine représentant un berger qui porte un agneau sur les épaules à la manière du Bon pasteur ; cette ligurine était mêlée à d’autres qui sont nettement païennes. (Ermax, oper. laud., p. 3 18.). Admettons que nous ayons là un vrai Bon pasteur, ce qui est assez probable ; on ne pourra en déduire autre chose sinon que les deux religions ont coexisté en Egypte, fait historique depuis longtemps établi poiu" les six premiers siècles du christianisme.

Le gnosticisme est-il sorti de la religion égyptienne ? On l’a dit. (Naville, oper. laud., p. 267.) Mais on voudrait en avoir la moindre preuve. Les grands gnostiques Alexandrins que nous connaissons, Basi-LiDE et son fils Isidore ; Valextix et toute son école, HÉRACLÉox, Ptolémée, Théodote, Axioxikos ; Carpo-CRATE, n’étaient pas des Egyptiens, c’étaient des Grecs, imbus de la culture hellénique, notu-ris à la fois de la doctrine des Saintes Ecritures et de la philosophie de Platon. Que savaient-ils des systèmes religieux d’Héliopolis, de Memphis ou de Thèbes ? Que pouvaient-ils en savoir, à une époque où ces vieilles croyances, écrites dans des textes désormais inintelligibles, ne survivaient que dans des pratiques fétichistes grossières ou dans les grimoires des magiciens ? Au reste, on cherche en vain quelque élément égyptien dans les portraits de la gnose et dans les hiérarchies des éons.

On sait que le culte d’Isis, de Sérapis et de quelques autres divinités égyptiennes, en grand honneur à Alexandrie, se répandit avec quelque succès en Europe, spécialement en Grèce et en Italie Isis, la déesse mystérieuse, exerçait une grande attraction sur les àmes dégoûtées de la i-eligion ollicielle et éprises de nouveautés. Elle avait un temple à Rome, à Pompéi, à Bénévent, à Malcésime sur le lac de Garde. On a trouvé des statues d’Isis etles inscriptions funéraires de ses dévots en Syrie, en Asie Mineure, à Délos, à Athènes, dans le nord de l’Afrique, en Espagne, en France, en Allemagne et même en Angleterre. Julien lit frapper des monnaies aux elligies d’Apis et d’Anubis. Au temps de Tertullien, il n’y aA ait pas une province du vaste empii-e qui ne payât son tribut d’hommages aux dieux égvptiens.(TERTUi.L., .-/f/i’. Aationes, II, 8, P. L, i, 696.) *

II est bien é ident que ces cultes, mêlés à tant d’autres, n eurent aucune influence sur le christianisme, qu’ils n’apportèrent aucune entrave à sa diffusion, qu’ils contribuèrent plutôt, en favorisant le syncrétisme, à détacher les esprits de la religion d’Etal et à les préjiarer à la réccption de la vérité.

/es liires hermétiques. — Les derniers tenants de l’ancienne religion égyptienne sont les auteurs des livres ajipelés hermétiques. On désigne sous ce titre un ensemble d’écrits, moitié religieux, moitié philo sophiques, composés en grec dans les premiers siècles de l’ère chrétienne et attribués à Hermès ïris-MÉGisTE. Les auteurs sont tous inconnus ; ils se sont abrités derrière la grande autorité d’Hermès Trismégiste, nom grec du dieu égyptien Thot, ainsi appelé à cause de son rôle d’inventeur des lettres et des sciences. Ces écrits comprennent : 1° un traité divisé en quatorze sections sous le litre gênerai Poimandrès, pasteur des hommes ; il peut être daté du 11’siècle de notre ère. C’est tantôt un discours prononcé par Poimandrès, tantôt un dialogue entre Hermès et Asclépios ou entre Hermès et son fils Tat ; 2° un autre traité appelé discours d’initiation ou Asclépios, conservé seulement en latin ; c’est un dialogue entre Hermès et Asclépios, composé sous le règne de Constantin ; 3° un livre, à l’état fragmentaire, intitulé La Vierge du monde, considérations philosophiques sous forme d’instructions données par Isis à son fils Horus ; 4° nn certain nombre de fragments conservés par les écrivains ecclésiastiques, Stobée, S. Cyrille, Lactance, Suidas. Ce ne sont que les débris de la littérature hermétique, qui semble avoir été immense.

On s’accorde à reconnaître dans ces écrits l’œuvre de philosophes égjptiens influencés à la fois par le christianisme, sur le point de triompher en Egypte, et par la philosophie grecque qui dominait alors dans le milieu païen d’Alexandrie.’( On peut dire que les livres hermétiques appartiennent à l’Egypte, mais à l’Egypte fortement hellénisée et à la veille de devenir chrétienne. On ne trouverait pas dans un véritable Grec cette adoration extatique qui remplit les livres d’Hermès ; la piété des Grecs était beaucoup plus calme. Ce qui est encore plus étranger au caractère grec, c’est cette apothéose de la royauté qu’on trouve dans quelques livres hermétiques et qui rappelle les titres divins décernés aux Pharaons et plus tard aux Ptolémées. » (Méxard, Hermès Trismégiste,

p. XXIV.)

Ce n’est pas un simple plaidoyer en faveur de la religion pharaonique, ni un exposé decette religion ; c’est un système nouveau, une combinaison de divcrs éléments, une fusion des croyances communes aux chrétiens et aux païens, en un mot le syncrétisme de toutes les idées iihilosophiques et théologiques qui se disputèrent le monde égyptien a^anl le trionqthe définitif du christianisme. Les livres hermétiques

« représentent bien l’opinion commune de

cette population alexandrine si mêlée, sans cesse tiraillée en sens contraires par des religions de toute sorte, et faisant un mélange confus de dogmes hétérogènes ». (Ménard. loc. cit., p. ex.) Le fond de la doctrine hermétique est le monothéisme juif, avec un mélange d’idées platoniciennes et une tendance panthéistique. Cette doctrine est néanmoins assez pure pour avoir mérité les éloges des Pères. « J’estime aussi, dit S. Cyrille (Contra Julianuni, I, P^ G., LXXVI, 547). digne de mémoire TEgyplien Hermès auquel ses contemporains, comme marque d honneur, décernèrent, ilit-on, le litre de trois fois grand (Trismégiste) et que quelques-uus assimilent au légendaire fils de Jupiter et de Maia. Bien que prêtre et passant sa vie dans les temples des iiloles, cet Egyptien eut, en partie du moins et dans une certaine mesure, les mêmes idées que Moïse. » Lactance en parle à peu près dans les mêmes termes (De falsa relig., 1, 6, /-*. L., VI, 13(j) : « Hic scripsit libros, et quidem niultos, ad cognitionem divinarum rerum pertinentes, in quibus majestalem summi ac smgularis Dei asserit, iisdemque nominihus appcUat quibus nos Deuniet Patreni. » Au reste, comme pour les philosophes grecs, les Pères pensaient qu’Hermès, dont ils faisaient un personnage historique ancien.