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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/682

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ELECTIONS EPISCOPALES


parti religieux se constitue pour atYrancliir l’Eglise de la tutelle royale et compte dans ses rangs des hommes couimeWala, Agobard de Lyon, Jonas d’Orléans. HiNCMAR, tiré de Saint-Denis, élu et sacré primat de Reims per Dei et nostrani dispositionem, selon la formule caractéristique de Charles le Chauve, écrira à Louis III : « J’ai entendu dire que quand vous octroyez la licence délire, vous désignez en même temps le nom qui doit sortir du scrutin. De tels choix ne sont pas insi>irésdeDieu ; ils ne sont qu’extorqués par la puissance des hommes. » Entin, lorsque la Papauté, par une grave dérogation aux lois canoniciues, enjoindra en 869 sous Hadrien II de n’ordonner que les sujets auxcpiels l’empereur aura préalablement concédé l’épiscopat et dont il aura prescrit le sacre, les évéques, mis en demeure d’obéir à cet ordre, protesteront unanimement et énergiquement.

Les sources à consulter sont les mêmes que précédemment ; cfr. Alb. Werminghoff, Monumenta Germaniae historica, Concilia, t. II. Hanovre, 1904-1908. Imbart de la Tour, Les Elections épiscopales dans l’Eglise de France, du ix au xii’siècle, Paris, 1891 ; Lesne, La Hiérarchie épiscopale (jSli-882), Paris, 1905, p. 13-16, 108-123 ; J. Doizé. Les Elections épiscopales en France ayant les concordats dans les Etudes, t. CVH (1906), p. 737-743 ; t. CVIII (1906), p. 38-45.

IV. Période féodale. — Au ix’siècle s’opère peu à peu dans la société féodale une transformation qui exerce une influence profonde sur les destinées de l’Eglise. Le besoin de protection de ses biens impose à l’Eglise la nécessité de recovirir à la recommandation, c’est-à-dire à la formalité par laquelle l’évêque, lorsqu’il recevait la délivrance de son temporel, plaçait les biens de sa mense sous le patronage et la protection du roi et mettait ses mains entre celles du souverain pour lui prêter serment de ûdélité. Vainement les conciles du ix’siècle protestèrent que le serment ainsi prêté ne créait aucun lien de vasselage, n’entraînait que la sujétion et la fidélité. Sous l’empire des événements et des circonstances, au X’siècle, la tradition du temporel aux évêques équivaut à la tradition d’un fief. Les évêques deviennent, en fait, des vassaux au même titre que les laïques ; les biens ecclésiastiques passent, dans l’estime des laïques, pour la propriété de celui qui les garantit ; conséquence plus grave, par une confusion presque inévitable, la remise ou la collation du temporel tend à être l’équivalent de la donation de l’évêché. Puis, comme à l’époque féodale les ducs et les comtes se substituent au pouvoir roj’al et accaparent les droits régaliens, la charge épiscopale passe, au sud de la Loire, sous la tutelle des petits suzerains. Dans un tel état de choses, l’élection disparait complètement. Le seigneur laïqne nomme son candidat, sans consulter qui que ce soit. Parfois, s’il appelle à l’église le chapitre cathédral, quekpies abbés voisins, des clercs ruraux ou encore des nobles laïques, ce n’est que pour sauver les apparences ; il est bien entendu que la personne agréable sera agréée. Quant au peuple, pendant la cérémonie du sacre, il se contente de prononcer un Volumus qu’il lui serait aussi peu gracieux qu’inutile de refuser.

Le privilège délecteur, qui pis est, assimilé en tout aux droits seigneuriaux, se convertit en un bien patrimonial, en une propriété de famille, qui se transmet par héritage, qui se met dans une corbeille de mariage, s’aliène, se vend, se gage, s’échange, se concède en fief. Enfin, pour réunir à la fois le domaine utile et le domaine éminent, les seigneurs petits ou grands vouent à l’épiscopat leurs cadets ou leurs bâtards ; des dynasties d’évêques se perpétuent en ligne directe, par un abus plus scandaleux encore.

La désignation des évêques, pratiquée aux ix’et —, Xe siècles par les puissances séculières, dégénère bientôt en une usurpation complète des prérogatives du pouvoir spirituel. Par suite de la confusion des idées, l’investiture laïque, qui prédomine partout au xie siècle, équivaut à l’institution canonique exercée directement de nos jours par les Papes. Avant la consécration, le prélat, qui par un plaisant euphémisme est dit élu, se présente au roi ou au seigneur" de cpii relève son évêché ; à genoux, devant lui, il place ses mains jointes dans celles de son suzerain et lui rend hommage pour l’Eglise dont celui-ci est le haut propriétaire ; la main droite sur l’Evangile et la gauche sur la poitrine, il lui jure fidélité ; après quoi, il reçoit le bâton pastoral et l’anneau pendant que le suzerain prononce des paroles significatives : « Accipe Ecclesiam, reçois cette Eglise. » Le duc ou le roi prétend si bien avoir conféré la charge pastorale, le soin des âmes, par la remise de l’anneau et de la crosse, que son candidat se dispense souvent longtemps de la consécration et gère les biens spirituels et temporels de l’éAêché dont il a été investi ; l’investiture seule sert de titre légal pour l’exercice de la juridiction canonique.

On conçoit que sous un tel régime les calculs humains, les ambitions, les cupidités aient recruté l’épiscopat et peui>lé l’Eglise d’une quantité de personnages ajant plus d’aptitudes pour le service de l’ost et de la chevauchée que pour celui de l’autel, et plutôt faits pour goûter uniquement les exercices de la chasse, les douceurs de la vie conjugale ou les plaisirs de la table. Il serait trop long de relater les plaintes qui s’élèvent de toutes x^ai-ts. Le mal est général. Un Hugues de Flavigxy, en 1074, avoue qu’en France presque tous les évêques sont arrivés par l’argent ou grâce à l’investiture, — perrari illic erant qui non essent aut simoniaci… aut per manum laicam investiti ; un Grégoire VII, en 1070, gémit sur le recrutement et les vices de l’épiscopat et écrit à son légat en France : Vix légales episcopos introitu et vita… invenio.

De la déchéance des mœurs ecclésiastiques à l’époque féodale, dans quelle mesure l’Eglise portet-elle la responsabilité ? La recommandation^ source de tous les maux, fut rendue nécessaire par les malheui’S des temps autant que la vassalité pour les laïques. Pour défendre ses biens, ses édifices religieux et ses monastères des déprédations et de l’incendie dont les menaçaient à tout instant les Arabes en Aquitaine, les Hongrois dans l’Est, les Normands partout ailleurs où la mer et les rivières pouvaient conduire une barque, l’Eglise fut obligée de recourir à la protection des puissants de la terre, mais dès le principe elle protesta hautement et énergiquement que ses biens, même ceux qu’elle devait à la générosité des rois, elle les possédait à titre définitif et iri’évocablement. Un écrit rédigé en synode pai’le clergé des provinces de Reims et de Rouen (858) contient ces mots catégoriques : x Nos églises ne sont pas de ces bénéfices dont un monarque peut disposer au gré de son caprice ; elles nous viennent du Seigneur et lui sont consacrées ; ces biens sont l’offrande des fidèles, le tribut des servantes et des serviteurs de Dieu poiu" la rançon de leurs péchés. » Le formulaire même du serment que prête l’évêque entre les mains du roi exclut formellement le vasselage, quoi qu’en prétende la théorie royale ; il inclut clairement et imiquement la fidélité, restreinte dans son extension par le caractère sacré du clerc : fidelis adjutor ero secundum meum ministerium. La lettre synodale, mentionnée plus haut, est très précise sur ce point :

« Nous, évêques, nous ne sommes pas comme les

séculiers qui peuvent se lier par le vasselage ; il est