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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/681

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ELECTIONS EPISCOPALES

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de sa province, sera élu par le clergé et le peuple, et si l’élu est une personne iligne (c’est-à-dire agréée du prince), il sera, par précepte royal, procédé à sa consécration. »

L’édit de 614 fut appliqué par Clotaire II et son successeur immédiat, Dagobert I^’, avec une assez scrupuleuse fidélité ; l’élection par le clergé et le peuple se pratiqua assez normalement. Avec les derniers rois mérovingiens s’ouvre une ère déplorable dans l’histoire des élections. Au hasard des circonstances, au gré des intrigues, on pourvoit aux vacances. L’autorité, nulle aux mains des jeunes rois fainéants, est captée par les maires du palais qui en usent très mal. Charles Martel dispose des évêchés, comme il dispose des villas ; il les vend à des laïques, qui souvent ne songent même pas à recevoir les ordres, mais vont à la chasse ou à la guerre, cjuand ils ne se contentent pas de piller les couvents. Un passage d’une lettre de saint Boxitace dépeint la situation en termes réalistes : « Dans la plupart des cités de la Gaule, l’épiscopat est livré à des laïques avides ou à des clercs adultères et débauchés. »

SoLRCES. — Les textes ont été assemblés dans les grands recueils de Sirmond, Concilia antiqua Galliae, Paris, 1629 ; Labbe et Cossart, Sacrosancta concilia, Paris, 1671 ; Mansi, Sacroriim conciliorinn Jiova et amplissima collectio, Florence et Venise, 1709 ; Maassen, Concilia Aevi Mero'>-ingici, Berlin, 1893 (.Vonumenta Gennaniae) ; A. Boretius et V. Krause, Capitularia regiuu Francovum, Hannoverae, 1881ï 8()i (Moniiinenta Gei-maniae) ; E. de Rozière, Recueil général des formules usitées dans l’empire des Francs du v’au x’siècle, Paris, 1 85g- 1871 ; K. Zeumer, Formulæ Merovingici et Karolini Je^-i^ Berlin, 18821886 (Monumenta Gennaniae). — On trouvera dans A. Potthast, Bibliotheca historica Medii Aevi, l’indication des vies de saints méro^ ingiens qui en grand nombre fournissent des détails intéressants sur les élections épiscopales. — Voyez encore l’édition de Yllistoire des Francs de Grégoire de Tours par H. Omont et G. Collon, Paris, 1886-1898, et l’édition AesEpistolæ de saint Bonifacepar Diimmler dans les Monumenta Germaniae, Epistolae, III (1892), p. aS143 1.

BiBLiOGUApniE. — J. Doizé, Les Elections épiscopales en France avant les Concordats, dans les Etudes, t. CVII, 20 juin 1906, p. 72 1-737 ; A. Hauck, Die Bischofswahlon unter den Mero’ingern, Erlangen, 1883 ; Loening, Das Kirchenrecht im Reiche der Merovinger, Strassburg, 1878 ; Waitz, Die deutsche Verfassungsgescliichte, t. II et 111, Kiel, 1 880-1 883 ; L. Ducliesne, Les lùistes épiscopaux de l’Ancienne Gaule, Paris, 1894-1900 ; Boiuharlat, Zes- Elections épiscopales sous les Méro’.-ingiens, Paris, 1904 ; P. VioUet, IListoire des Lnslitutions politiques et administratives de la France, Paris, t. I ; Tliomassin. Ancienne et nouvelle discipline de l’Eglise, passim ; E. Vacandard, (ne Election épiscopale sous les Mérovingiens d’après Grégoire de l’ours, dans Revue du Clergé français, 15 juin 1906, p. 171-185.

— Le livre, quoiqiu ; récent, de L. Cantiniau, Les Nominations épiscopales en France des premiers siècles jusqu’à nos jours. Paris, igoS.est très superficiel et ne présente aucun fait nouveau.

III. Période carolingienne. — Le zèle apostolique et réformateur de saint Boniface, les efforts persévérants de la papauté, l’aiile prêtée jiar les fondateurs <le la dynastie carolingienne. Pépin et Gharlemagne, relevèrent l’Eglise franque de l’état de déchéance dans le<iucl elle était tombée. Les élections reparurent. Le mécanisme d’après lequel elles s’opèrent est

bien connu. En cas de vacance, le clergé de l’église en deuil, par l’intermédiaire du métropolitain ou directement s’il s’agit d’un archevêché, adresse une supplique au roi pour obtenir la faculté de procéder à une élection. Après l’obtention de la concession royale, sous la surveillance du visiteur délégué par le métropolitain et investi de sa charge au nom du roi, l’élection a lieu. Les électeurs sont le clergé et les laïques de marque ; quant à la foule, si elle est exclue du scrutin, son agrément, son acceptation, son consentement (consensus) lui sont demandés par acclamation. Le procès-verbal des opérations électorales, dressé par les soins du visiteur, est envoyé au métropolitain et par celui-ci transmis au roi. Le plus souvent, l’élu se présente lui-même au roi, auquel il prête serment de fidélité et dont il reçoit mainlevée de son temporel ainsi que la permission du sacre ; ai>rès quoi, il comparaît devant son métropolitain et les autres évêques de la province, qui examinent s’il n’a point encouru quelqu’une des nombreuses irrégularités accumulées par l’Eglise pour parer aux inconvénients du suffrage populaire. Si l’examen qu’il subissait lui était favorable, les évêques procédaient à une seconde élection ; dans le cas où cette élection lui était favorable et où son premier choix était ratifié, le candidat i^romettait obéissance au métropolitain qui lui octroyait la crosse et l’anneau ; son sacre avait lieu dans les trois mois qui suivaient. Ainsi qu’on a pu le remarquer, le mode d’élection pratiqué sous les Carolingiens laissait une part considérable auroi, voire prépondérante ; d’un côté, le privilège que se réservait le souverain d’autoriser l’ouverture et la tenue des collèges électoraux, de l’autre, la reconnaissance de l’élu mettaient entre les mains royales les deux bouts de l’élection. En pratique, on peut dire que nul n’était évêque sans la grâce du roi. Les ecclésiastiques qui venaient solliciter à la cour l’autorisation de procéder à une élection s’en retournaient fréquemment, emportant avec eux le nom de celui qui devait être évêque : le clergé et le peuple n’avaient plus d’autre ressource que de donner leur assentiment à la volonté du monarque régnant. Les textes, à vrai dire, contiennent toujours les termes d’élections ; ils ne doivent jias être pris à la lettre et acceptés sans contrôle ; en fait, sous Gharlemagne, on ne connaît guère d’exemples cjue de la nominalion directe et l’élection canonique consiste uniquement dans l’adhésion de la foule au choix impérial. Les fils et les petits-fils de Gharlemagne retiennent la méthode ; ils la développent même, puisqu’ils se dispensent le plus souvent de consulter la foule et de prendre l’avis du clergé. Si l’on parcourt les listes épiscopales du ix’siècle, on n’aura que l’embarras du choix pour y relever les noms des évêques désignés par la puissance séculière.

Quoique à l’époque carolingienne la dignité épiscopale ne soit presque plus qu’un gage de la faveur, du désir ou de la volonté du souverain, les abus sont beaucoup moins criants qu’à l’âge antérieur ; le recrutement s’opère au sein de l’Eglise, parmi les clercs palatins ; les évêchés cessent d’être la proie des laïques. D’ailleurs, les rois carolingiens exeicent avec discernement leurs pouvoirs ; ils ont une liaule idée de leur royauté, qui devient par l’onction du sacre un sacerdoce, une délégation de la puissance divine ; ils regardentleur intervention dans le choix des pasteurs comme la mise en action d’une prérogative imprescriptible ; en un mot, ils ne mésusent pas de leurs prétentions ([uoique altusives ; les éêqiies qui leur doi ent leur siège ne font pas tache dans les annales de riiistoire de l’Eglise, bien au contraire. Chose curieuse, l’épiscopat, tout choisi qu’il est au ix" siècle par le pouvoir laïque, n’en est pas la créature ; un

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