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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/69

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poiu- découvrir un écureuil. Or, ces divers actes n’indiquent-ils pas clairement que mes paroles ont éveillé dans son esprit l’idée générale ou la conception qu’il y a là, auprès de lui, un animal quelconque qu’il s’ajîit de découvrir et de poursuivre ? » (La descendance de l homme, p. 87, 88.)

On reconnaît bien ici l’esprit ingénieux de l’illustre écrivain ; mais il ne suffit pas d'être ingénieux, il faut prouver. Or, avec les deux faits qu’il rapporte, Darwin ne prouve absolument rien. Quand il raisonne sui' le premier, il confond évidemment perception vague et incomjilète avec perception abstraite. Car ce n’est nullement le chien abstrait que perçoit le chien de Darwin, mais un autre individu de l’espèce canine dont il ne distingue pas les dispositions, ni les intentions. Darwin, en identifiant comme il fait la notion abstraite et l’image confuse, identifie deux choses, entre lesquelles, comme le dit fort bien Taine, « il y a un abîme x. (De l’Intelligence, t. I, p, 37, 4* édit.)

Quant au second fait allégué, je réponds simplement que, par ces paroles : « Hé ! hé ! où est-il ? » Darwin éveillait dans son chien l’instinct de la quête, etquelquefois peut-être, par voie d’association, l’Image de quelque animal déterminé.

En se tenant, de la sorte, aux principes de psychologie et à la méthode d’interprétation que l’on m’a Ti suivre tout à l’heure, l’on expliquera sans aucune peine, toutes les actions les plus surprenantes des chiens, des singes, des éléphants ; pouru seulement : 1° que l’on n’accepte que des histoires parfaitement authentiques, et dont les détails aient été rigoureusement contrôlés ; 1" que les mœurs de l’animal dont il sera question, et celles de son espèce, aient pu être sérieusement étudiées et soient /Jrtr/a/^e/Hen< connues : y que l’on écarte du récit proprement dit les suppositions qu'3" introduisent souvent, à dessein ou non, les narrateurs.

Ces précautions prises, l’interprétation sera plus ou moins compliquée, selon les cas, mais elle aous amènera toujours à cette conclusion : que raison et raisonnement ne logent point en tête d’animal ; car il est un fait général, éclatant, qui domine tous les faits particuliers plus ou moins douteux qu’on allègue, ce fait, qu’a observé saint Thomas et que vous lui entendiez tout â l’heure exprimer en ces termes : « Tous les animaux de même espèce agissent de même façon » ; l’animal ne progresse pas.

L’on a dit que la religion des sauvages, des Fuégiens, des Boschimans par exemple, se réduisait à un sentiment de terreur causé par l’appréhension du mal que pourraient leur faire certains êtres hostiles et invisibles ; et qu’un tel sentiment ne diffère pas notablement de la crainte qu'éprouvent les animaux en présence de certains phénomènes extraordinaires.

Je réponds d’abord que cette assertion pourrait être à bon droit contestée. Je réponds, en second lieu, que les conceptions et le sentiment religieux chez les sauvages fussent-ils aussi nuls qu’on le prétend, il demeurerait toujours entre eux et l’aninuil une différence essentielle ; puisque le sauvage peut arriver, par l’enseignement et la réflexion, à l’idée vraie de Dieu et de la loi morale, et que la bête en est absolument incapable. Ce que j’affirme ici, je puis le prouver |)ar un témoignage <jui ne sera pas suspect. Chacun sait que les Fuégiens occupint un des derniers degrés de la famille humaine. Or, Darwin raconte que trois Fuégiens, ayant passé quehpies années eu Angleterre, [)arlaient la langue de ce pays et avaient atteint un niveau intellectuel et nu)ral qui n'était pas sensiblement inférieur à la moyenne tles matelots anglais, (/.a (/c.s(e//f/ « /ite de l homme, i>. G7.)

C’est que dans le dernier des sauvages, par cela

seul qu’il est l’homme, brille cette lumière exclusivement humaine, et vraiment transcendante, qui s’appelle la raison, et rend accessibles, à qui la porte, les sommets de la science, de l’art et de la vertu.

Voilà ce qui explique qu’on ait déjà pu Aoir un nègre, ou du moins un mulâtre, membre correspondant de l’Institut de France ; et ce qui permet d’espérer, qu’avant qu’il soit longtenqjs, nous verrons des lîls de Fuégiens ou de Boschimans suivre les cours de nos collèges, y disputer les premières places aux fils des Européens, entrer dans nos écoles supérieures, devenir professeurs de mathématiques transcendantales ou de philosophie, et, du haut de quelque chaire de la Sorbonne ou du Collège de France, rappeler les savants trop amis des bêtes au respect de la dignité et de la personne humaine ; preuves vivantes, qu’entre la raison et l’instinct, l’homme et la brute, la différence est irréductible.

Décidément, tous les raisonnements que l’on apporte pour prouver que les animaux pensent comme nous, font croire avec Bossuet que « c’est un jeu à l’homme de plaider contre lui-même la cause des bêtes. Pas un seul, en tout cas, ne répond à cet argument ni ne l'ébranlé :

Qui pense et raisonne progresse.

Or, l’homme progresse, et l’animal, même placé dans les conditions les plus favorables, ne progresse point.

Donc l’homme pense et raisonne, et l’animal ne pense ni ne raisonne.

7° Arrivés au point où nous en sommes, notre tâche est, on peut le dire, terminée ; car l’esprit découvre d’emblée la triple différence essentielle entre l'àme de l’homme et celle de la bête, qui suit, par nécessité, de ce fait que l’homme pense et que la bête ne pense point.

Quand on parle de la nature de l'àme humaine, on développe longuement ce principe, que l’opération des êtres est proportionnée à leur nature, et que l’on peut inférer celle-ci de celle-là. Du même droit et pour le même motif que le physiologiste dit : w Telle fonction, tel organe)', le philosophe dit, en généralisant la formule : « Telle opération, telle nature. » Or, ajoute-t-on, l'àme humaine a une opération, à savoir la pensée, où nul organe ne saurait atteindre, dont rien de matériel ne saurait être le sujet ni le princijie immédiat. Donc, l'àme humaine, dans son fonds, dans sa nature, n’est point totalement dépendante de la matière, n’est point entièrement plongée dans le corps, mais émerge, mais brille au-dessus, pour ainsi parler, comme la flamme sur son flambeau. Donc, elle est spirituelle, c’est-à-dire existe d’une existence qui lui est propre, qu’elle ne tient point du corps, ni du composé qu’elle forme avec le corps, ni d’aucun principe intrinsèque autre qu’elle-même.

Par une raison toute contraire, il est évident que l'àme de la bête n’est point une force émergente. Elle n’a, nous l’avons vu, que des opérations, de l’ordre empirique, des opérations qui toutes s’accomi)lissent dans un organe ; elle dépend du corps dans toute l'étendue de son activité, et ne manifeste rien par où elle le dépasse. Donc, elle en dépend dans toute sa nature et dans tout son être, et n’est point spirituelle.

Il n’est pas besoin d’insister, et je passe tout de suite à cette autre dilFérence fondamentale qui existe entre l'àme de l’homme et celle de la bêle, au point de vue de l’origine.

Le principe sur lequel on s’appuie en traitant de l’origine de l'àme humaine, est celui-ci : L’origine d’un être doit répondre à sa nature ; son mode d’arriver à l’existence doit être en rapp()rt avec son mode d’exister. La nature de l'être qui est produit à l’exis-