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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/711

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EPIGRAPHIE

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de l’ôpigraphie chrétienne tient à l)ien des causes et en particulier à son caractère spécial. Nous constaterons cependant que, pour être moins riches que les textes d’époque païenne, les inscriptions émanées de chrétiens sont remplies de renseignements de toute première valeur. Un rapide inventaire donnera une idée de ces ressources généralement peu connues. Alin de faciliter l’appréciation des documents, on examinera d’abord quelques questions préliminaires ; puis, connaissance faite avec les documents, on groupera en faisceau quelques-uns des faits les plus saillants à la connaissance desquels les inscriptions chrétiennes ont contribué particulièrement. Ces indications rapides ne feront que signaler les principales séries de documents et l’avantage que l’historien peut en tirer.

I. Les inscriptions chrétiennes. — i. Inscriptions chrétiennes et inscriptions païennes ; a. ancienneté des inscriptions chrétiennes et textes crypto-chrétiens ; 3. diffusion des inscriptions chrétiennes : aire de dispersion et limites chronologiques ; 4- comment sont datées les inscriptions chrétiennes ; 5. le formulaire de l’épigraphie chrétienne : 6. premiers essais d’utilisation des inscriptions dans un but apologétique.

1. Inscriptions chrétiennes et inscriptions païennes- — Au total imposant de 300.ooo inscriptions païennes et profanes, c’est tout au plus si l’épigraphie chrétienne’peut opposer un chiffre global de 45-000 à ôo.ooo textes, dont environ So.ooo (chilfre communiqué par M. Marccchi) pour Rome seule ; les neuf dixièmes environ des textes sont rédigés en latin. Bien que ces chilTres soient très largement approximatifs, on n’est pas moins frappé de cette disproportion numérique énorme entre les inscriptions chrétiennes et les inscriptions païennes. Elle a toutefois son explication, d’abord dans la durée des deux

« régimes » : les textes païens couvrent au moins 8

ou 9 siècles, les inscriptions chrétiennes se répartissent à peu près exclusivement, si on laisse de côté l’épigraphie proprement byzantine, sur une durée de 400 ou 500 ans (ii^-vii* siècle) ; surtout il faut se rappeler combien fut restreint, parmi les chrétiens, le rôle de l’épigraphie, si développé à l’époque antérieure : là est l’explication vraie du contraste que nous remarquons entre l’immense diffusion du christianisme et la pauvreté relative de son épi graphie.

En Grèce et à Rome, pendant près d’un millier d’années, tous les organes de publicité ont dû être suppléés par l’inscription. Sur des tablettes de bois, recouvertes d’un enduit blanc, on traçait au minium ou l’on cliarbonnait les « atliches » ou les communications d’un intérêt momentané ; les documents qui devaient durer étaient inscrits sur la pierre, le marbre ou le bronze, et constituaient, dans l’intérieur de la cité, sur l’acropole, dans l’enceinte des temples ou sur les parois des monuments, des « archives »

1. « Jusqu’à la fin du iv° siècle, c’est-à-dire jusqu’à la mise hors la loi du paganisme, une inscription chrétienne est une inscription qui porte eri elle-niènie une preuve évidente de chiistianisme. De[)uis le début du v’siècle…, pn doit considérer comme chrétienne toute inscrij)lion qui ne contient pas un indice certain de paganisme. » (Monceaux, liei’. archéot., l’.)Û3, II, p. 61.) — Dans ces pages, nous ne nous occuperons que des inscriptions chrétiennes ayant, à un titre ou à un autre, un caractère religieux ; nous laisserons de côté les inscriptions profanes d’époque chrétienne qui ont leur intérêt, mais ne vont pas à notre but.

peu maniables, mais durables. Délibérations des différents conseils, Aotes du peuple, sénatus-consultes ou plébiscites, traités, monuments commémoratifs, inscriptions lionoriliques, comptes et inventaires des richesses sacrées données ou conliées aux temples, listes civiques, catalogues éphébiques, palmarès de concours, ex-voto, hommages aux dieux ou aux grands citoyens, dédicaces de monuments ; bornes limitant les territoires des cités, les domaines, marquant les droits hypothécaires ; milliaires jalonnant les voies de communication, etc. : autant de catégories d’inscriptions ollicielles qui renferment souvent des milliers et des milliers de textes. Acesdocuments publics vient s’ajouter la masse des titres privés dont l’immense majorité est constituée par les inscriptions funéraires.

A l’époque chrétienne, de cette infinie variété il ne subsiste que bien peu de chose. D’inscriptions monumentales, dédicaces d’églises ou d’édifices religieux, il ne pouvait être question avant la paix de l’Eglise ; pas de vie publique, — du moins avant les empereurs chrétiens, — donc, de ce chef, des séries innombrables feront défaut à l’épigraphie chrétienne ; plus d’inscriptions honorifiques dont s’accommoderait mal l’humilitédes lidèles ; plus derichesses à inventorier, au milieu de la pauvreté des premiers siècles ; plus de listes à dresser, dont la découverte fortuite aurait envoyé à l’amphithéâtre ou aux mines les « frères » : on s’aimait, on ne se comptait plus. Dégagé de tout le faste passé, l’hommage à Dieu se fait plus discret, on adore « en esprit et en vérité », mais cette foi ne saurait s’étaler en oiTrandes ou dédicaces pompeuses ; les riches secourent dans les pauvres les membres du Christ, mais ni la pierre ni le mai’bre ne conserA’ent le souvenir du bienfait qui ne doit être connu que de celui cjui en récompensera, quorum nomina JDeus scit.

Aussi ne doit-on pas s’étonner de constater que les inscriptions chrétiennes se répartissent en un tout petit nombre de catégories : des invocations pieuses, des acclamations religieuses, de brèves professions d’une foi ardente ; des proscynèmes près des tombes célèbres, analogues à ceux cjue les touristes païens s’amusaient à graver près des temples fameux et jus.que sur les curiosités qu’on allait visiter (grallites sur la cuisse ou le pied du colosse de Memnon) ; des sentences tirées de l’Ecriture ; un certain nombre de dédicaces d’églises consacrées à Dieu, aux saints, aux martyrs après la paix de l’Eglise ; des légendes inscrites sur divers objets du mobilier religieux ; des milliers d’inscriptions funéraires : voilà à quoi se limite l’épigrapliie chrétienne. Mais cette pauvreté n’est qu’appai-ente, et nous verrons quelles richesses le travail patient des érudits peut dégager des formules en apparence les plus stéréotypées et des plus pauvres gralliti.

2. Ancienneté des inscriptions chrétiennes et textes crypto-chrétiens. — De tous ces textes, ce sont sans doute les plus anciens qui seraient les plus importants, car ils nous rapprocheraient davantage des origines chrétiennes et nous fourniraient des documents j)récis. vivants, absolument sûrs et dégagés de toute élaboration littéraire.

Malheureusement il se trouve que les textes remontant aux débuts du christianisme sont excessivement rares : on n’en connaît pour ainsi dire point. Ainsi, à Rome, où la foi nouvelle gagna si vile de nombreux adeptes, où les inscriptions sont plus denses que nulle part ailleurs, sur 1.874 inscriptions datées antérieures au vii° siècle, de Rossi n’en conqite que 82 qui aient été gravées avant l’époque de Constantin. Sur ce nombre, il n’y en a qu’une qui appartienne au