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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/712

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EPIGRAPHIE

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! « siècle (J.-B. de Rossi, Inscr. christ. U. R., n° i)’.

Ce doyen des textes chrétiens, daté de l’an 71, ne nous apprend malheureusement aljsolument rien : la date et rien de plus. Des trois autres inscriptions qui ^ iennent immédiatement après lui dans la série des tititli romani, — n"" 2, 3 et 4, datés respectivement de 107, 1 1 1 et 204 J.-C, — deux sont également mutilés. Seule l’épitaphe de Servilia (n^ 3), trouvée dans le cimetière de Lucine, est intacte ; mais là encore notre curiosité ne trouve guère satisfaction : l’âge de la fillette, 13 ans, la date considaire, et c’est tout. Avec Constantin et ses successeurs, les textes deviennent plus abondants et plus explicites ; mais nous sommes déjà loin des origines. Dans les jîrovinces, même rareté de textes chrétiens de la toute première époque ; beaucoup de séries indubitablement chrétiennes ne commencent qu’auui* siècle, ou même avec la paix de l’Eglise.

A quelles causes attribuer cette éclosion si tardive de l’épigraphie chrétienne ? Goût du mystère, nécessité de ne pas se signaler aux pouvoirs publics soupçonneux ou hostiles ? L’influence de ces deux causes a dû, bien entendu, se faire sentir ; mais on a peine à croire que l’une ou l’autre, ou même toutes les deux réunies, aient pu condamner les chrétiens à un silence absolu, alors que les usages épigraphiques étaient entrés dans les mœurs au point que nous savons et que, par ailleurs, il était si facile de secaclier en employant des tours amljigus, en se créant un vocabulaire ouvert aux seuls initiés, ou même plus simiilement en continuant à parler le langage des inscriptions en usage dans le milieu particulier où se développaient les fraternités chrétiennes. Si cette dernière supposition était fondée, nous serions autorisés à rechei’cher dans la masse des inscriptions du II’et du III* siècle, d’allure sinon païenne, du moins indifférente, des textes émanés de chrétiens dont la foi se dissimulait sous les formules courantes que leur religion ne condamnait pas. Il n’y a là rien que de vraisemblable et il est infiniment probable que les recueils épigraphiques contiennent, mêlées aux textes païens, des centaines d’inscriptioiss crypto-chrétiennes.

En effet, comme de Rossi (Inscr. christ. U. / ?., i, p. ex sqq.) et, après lui, F. Cumoxt (Inscr. chrét. d’Asie Min., p. 2^9) l’ont fait remarquer, même si l’on lait abstraction d’une sorte de loi de larcane dictée par la seule prudence, le style épigraphique chrétien n’a pas été créé d’un seul coup et de toutes pièces. U s’est lentement développé, et les textes les plus anciens sont précisément, — même dans les provinces où la tolérance était la plus large, comme dans certaines parties de l’Asie Mineure, — ceux qui se distinguent le moins de leurs congénères païens. Est-ce à dire qu’il soit toujours impossible de faire le dépai-t entre les textes indubitablement païens et les inscriptions crypto-chrétiennes ? Non sans doute, car il y a des indices qui permettent de faire un premier triage auquel on devra l’identification de nombreux documents, certainement dus à des chrétiens des pi-emières générations. Dans le formulaire usité aux premiers siècles de notre ère parmi les adhérents de la religion olHcielle, il y avait certains détails nettement païens qu’un chrétien dcvait s’interdire sous peine de faire une compromission particulièrement fâcheuse.

1. Pour plus de commodité, les titres des ouvrages généraux qviH^nr&nXa& Bibliographie seront cités en abrégé au cours de cet article ; on emploiera aussi leâ sigles d’un usage courant, v. g. CIG et CIL pour désigner le Corpus grec et le Corpus latin ; Prentice, AAE ou PAE désigneront deux recueils d’inscriptions de Syrie, dont les titres sont trop longs pour être cités intégr’alemeat chaque fois et trop difficiles à abréger.

L’absence de ces formules, précisément là où on s’attendrait à les rencontrer, créera une première présomption ; elle ne sullirait pas : des indices plus positifs Aiendront discerner dans ce milieu neutre les inscriptions réellement crypto-chrétiennes. Voici quelques-uns de ces critères empruntés à l’épigraphie de l’Asie Mineure.

Si c’est à une époque relativement tardive (fin m* siècle) que la mention explicite de la foi chrétienne se rencontre sur quelques tombes (ypr.jTiy.JOi), dans des textes antérieurs elle se trahit ijai- des expressions plus vagues mais suffisamment claires l)Our les initiés. Sur la formule yryr.jnv.-jot ypr.zriyyci, voii" Studies… éd. by Ramsay, p. 197, 214-22’j. En Phrygie, — où se rencontre un assez bon nombre d’inscriptions chrétiennes du u* siècle (Ra.msay, Cities, p. 499) » — dès le milieu du m’siècle, sur des tombes dont quelques-unes sont évidemment chrétiennes et d’autres douteuses, on voit apparaître une menace à l’adresse des violatem-s de sépultures qui ne saurait émaner de païens : sVrat aùrfj r.pbi- : b-j dibv zov Çôvtz, é-rac aJri Tipii T5> 611-j xxl vûv zai iv xpiyiuu r, /j.épy.. Ce SOnt encore

d’autres fidèles qui Aoilent leur foi dans la mention plus ancienne et moins explicite sttki v.ùtÇi -pc :. riv ôsov^ Sû’i^ii di’Sj’j6-/o’j : ici nous sommes tout près de la formule païenne cju’un léger tour de main a transformée en un acte de foi, sans trop courir le risque de donner prise aux accusations des voisins idolâtres. Cf. Cu-MoxT, / « scr. chrét. d’Asie Min., p. 249 ; Ramsay, Cities…, p. 5 1 4-5 16 ; 3/o «  « m. Ecoles. liturg., i>.cx.viiicxx. Sur la formule riv ôsiv n’-j fj.r, àdty.r, 7-zti, voir Studies, p. 203 ; Bull, de corr. hellén., 1909, p. 292.

Ailleurs, une nuance dans les souhaits adressés par le mort à ceux qui passent près de sa tombe, suffit à déceler la religion du mort. Le païen souhaite le a bonjour », n la santé » au passant (y/Aps, ù/iv.iji) et bien des chrétiens s’en tinrent à cet usage inoffensif ; d’autres souhaitent x la paix », « la paix de Dieu ».

Pai’fois, l’emploi d’un mot sulfiraàattester le christianisme de toute une série d’inscriptions. Les chrétiens ne firent aucune dilficulté à donner aux monuments funéraires, au cercueil ou à ses annexes les dénominations courantes, telles que 71 ; ua, ix-j^yv., -jfj.Zoi, TT/ ; // ; , SîTt ; , raj-j ?, Br.y.r, , etc., et nène r.pit’yj dont un long usage avait effacé la signification primitive. Mais il est une appellation de la sépulture qui répond à une idée étrangère au paganisme : le mort païen « gît » (/<£(Ta(), le défunt chrétien <> dort » (z5t//ârKt) ; aussi remploi soit de y.o(tj.r, - : i.t soit de xoi[j.r, -rr, pio : ’, pour désigner la tombe, nous fournira-t-il un critère absolument certain. Cf. Ramsay, Cities, p. 530 et n°s 2>')b, 376, 379, 400, 445 ; CuMONT, loc. cit. ; Monum. Eccles. liturg., p. c, n. 2.

Même preuve indubitable de christianisme dans la mention de certaines dignités ecclésiastiques : prêtres, évêques, diacres, lecteurs ; mais là encore il faut se gai’der de précipiter un diagnostic : il y a des 7roî7, 5jT£^ct juifs et même païens et tous les iTii^y.o-Koi ne sont pas chrétiens.

On se tromperait aussi si l’on voulait faire du litre de i< frères » (àô- ; pî(), un signe décisif de christianisme. Il suffit de rappeler les inscriptions de la côte de Carie du type Ay.r, tîj ôîZvî ;  ; parmi les vainqueurs iigurent souvent des « frères » vZô-j.’ii. Letitre a trompé, on a voulu y voir des inscriptions chrétiennes, funéraires ou autres (Hirscufelo, Corsix, Diehl), alors cjuil s’agit de vœux pour des concurrents dans les, jeux (DucHESXE, ÏH. Reixach, Cimont). a défaut de tout autre indice, les noms propres fourniront parfois le principe de détermination qui manque par ailleurs. Si tout l’Olj’mpe, sous forme de noms théophores, se retrouve dans l’onomastique chrétienne des premiers siècles, il existe aussi toute une série