Aller au contenu

Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/715

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

1413

EPIGRAPIIIE

1414

faut encore ici séparer la cause de ["Occident de celle de l’Orient. A ne considérer que les grands traits, l’épigrapLie chrétienne présente dans les dilïérentes parties de l’Occident une remarquable unité ; en Orient, au contraire, nous serons surtout frappés par la variété, les divergences.

A Rome, de Kossi (Inscr. christ. U. R., i, p. ex sqq. ; cf. Moniun. Eccles. Jitarg., -ç. xcviii-cxiii) a constaté l’existence d’un double style épigrapliique chrétien, autrement dit de deux classes d’inscriptions nettement séparées.

Le premier style est surtout caractérisé parla simplicité et la brièveté des légendes épigraphiques : la plupart du temps, les tituli ne renferment que le nom du défunt, souvent accompagné de sjiuboles mystérieux ; généralement l’âge et la date de la mort font défaut ; les textes grecs sont presque aussi nombreux que les latins. D’autres inscriptions de la même famille portent, de plus, des acclamations très simples, v. g. yi’as in Deo, in Cliristo, in pace, cum sanctis, in refrigerio, pete pru nohis, spirituni iuiun De IIS refrigeret (Monuni. Eccles. liturg., p. ci-cvi et cxxiv-cxxxi ; Kaufmaxn, Ilandlnich, p. 2Il sqq.). D’autres entin, constituant un troisième groupe dans la première famille, sont déjà d’une rédaction plus élaborée : l’âge du défunt, la date soit de la mort soit de la deposilio, la louange du mort y sont notés en formules sobres et élégantes.

Dans le second style, le type de l’inscription funéraire est beaucoup plus conq)let. Il est très rare que l’âge soit omis, qu’on ait négligé de noter le jour de la mort et surtout de la sépulture. L’éloge du défunt est d’un ton beaucoup plus accusé, poussé parfois juscju’à l’emphase : miræ sapientiae, miræ innocentiae, venernbilis ac rari exempli, miræ innocentiae ac sapientiæ (pour un enfant de 4 ans), etc. Les acclamations si simples du premier âge ont disparu pour faire place à une rhétorique un peu tendue ; les symboles se font rares, le monogramme constantinien ou la croix en tiennent lieu. L’épitaphe ne commence plus e.r abrupto, une introduction devient de rigueur : hic reqiiiescit in pace, hic jacei, hic positiis est…

La ligne de démarcation entre les deux séries d’inscriptions est formée par la paix de l’Eglise. Il y a donc, à Rome, un style épigrapliique antérieur à Constantin et un style postconstantinien : le premier, représenté parles plus anciens monumentsdes catacombes ; le second, au contraire, domiite dans les cimetières à air libre et n’apparaît que dans les parties les plus récentes des nécropoles souterraines. En Gaule, nous assistons à une évolution parallèle dont Lk Blaxt a nettement distingué et caractérisé les étapes (//ec « e/7, p. viii à xxxvn) ; on note cependant que la province est toujours un peu en retard sur la capitale : Rouie précède la Gaule dans l’adoption des sj’inboles et des formules et les abandonne avant elle (ihic/., p. xv et xix-xx).

Si la Gaule, malgré les rapports étroits des premières églises de la vallée du Rhône avec les chrétientés orientales, suivait de près les usages épigraphiques de Rome, à jdus forte raison devait-il en être de même de rvf’ri(nu’dont les connnunautés ont toujours été en lelations intimes avec celle de Rouu’(Monceaux, Ifist. littér., II, p. 120). Et de fait, comme a observé Le Blant, les formules des épilaphes cbréticnncsen Afrique sont « exactement calquées siu* celles des liturgies funéraires romaines » (Le Rlant, L’Epigr. chrét., j). 109, cf. b-ybS ; Monceaux, Ilisl. littér., II, p. 120). Ces formules idenlicpies et les symboles eux-mêmes se sont succédé là aussi dans le même ordre. De jilus, — et là l’avantage est jxuir l’Afrique sur la Gaule, — dans les provinces africai nes, les épitaphes du premier âge sont nombreuses.. Les unes sont datées ; d’autres trahissent leur ancienneté par des symboles caractéristiques, la brièveté de leurs formules, leiu" tour païen à la réserve du Dis Manihus rigoureusement exclu. Dans ce pi’emier groupe, une intéressante série de textes de Maui’étanie et de Xumidie, ainsi que quelques-uns des 6.000 fragments de <(< « // chrétiens recueillis à Carthage nous reportent en plein ni’siècle. Cf. Mo.nceaux, Hist. littér.. II, p. 121-125. L’âge suivant, le second style, est encore plus largement représenté (plus de 80 textes antérieurs à 400 J.-C.) et cette abondance, qui se prête à de multiples comparaisons, atteste une fois de plus la parenté foncière entre l’épigraphie africaine et l’épigraphie romaine : celle-ci plus tôt vidée du formulaire païen, celle-là conservant un résidu plus considérable de survivances antiques curieusement amalgamées avec des éléments tout à fait chrétiens. Cf. Monceaux, Hist. littér., Il, p. 169204.

L’homogénéité est donc un des traits les plus frappants de l’épigraphie chrétienne en Occident. Cette unité toutefois ne va pas sans variété. Voir Le Blant, Manuel, p. y.5 ; Becueil. ii, p. 152-167 ; I.’Epigr, chrét.. ^. 48-51. Pour n’emprunter nos exemples qu’à rvfric{ue, où le fait est peut-être plus sensible qu’en Gaule, les formulaires usités dans les Maurétanies différaient sur l)ien des points de ceux qui avaient cours soit à Carthage et en Proconsulaire, soit en Byzacène ou en Numidie. Il y a plus, on constate des divergences notables entre les deux Maurétanies : certains termes sont particuliers soit à la Sititîenne soit à la Césarienne. Les légendes mortuaires varient même d’une ville à l’autre, et l’on reconnaît à première vue une épitaphe chrétienne d’Altava, de Regiæ ou de Numerus Syrorum (Monceaux, Hist. littér., II, p. 202-203).

En Orient, par contre, ce qui fra]>pe le plus, ce n’est pas l’unité, mais bien l’inlinie variété du style des inscriptions chrétiennes. Cf. Monitni. Eccles. liturg., p. cxiii-cxxiv ; Kaufmann, Handbuch, ]}. iq-j209. A Rome, l’existence des catacombes se prêta naturellement à l’unilicalion de la rédaction des épitaphes. Nous avons indiqué comment ce formulaire se propagea dans le reste de l’Occident. En Orient, peu ou point d’arénaires, rien que des sépultures à découvert, infiniment dispersées : chacun fut donc davantage laissé à sa libre inspiration dans le libellé des inscriptions destinées à perpétuer le souvenir de ses morts. Le résultat pratique l’ut qu’en Orient il ne s’agit plus d’un style unique qui se soit différencié ; mais de styles nombreux, indépendants, ([ui se sont développés parallèlement sans beaucoup réagir sur leurs voisins. C’est ainsi que les inscriptions des différentes provinces d’Asie Mineure ont un caractère bien individuel, qui n’est pas celui des textes macédoniensou atlicpu’s, encore moins celui des inscrijitions de Syrie, de Palestine, d’Arabie ou d’Egyi)te. Il y a une distribution géographique des formules et l’on pourrait, de ce point de vue, di-esser une carte épigi’a]ihi(pie du monde gréco-oriental. Les mots eux-mêmes, emi)loy es par les chrétien s orient aux ])Ourdésignerla tombe, la mortou tel aulredélail, ont leur habitat. Ainsi, ij.nudpi’yj se trouve presfjue exclusivement dans l’épigrapliie chrétienne de Macédoine {Mélanges de Jinme, 1899, p. 545-5^6 ; igoô, p. 88) et spcn-adiqucment en Syrie ; y.-Ajjr.-ni ou y’jiiJ-i-.Tf.pio-j îw ? àvaTTKJiw ; ne se trouve qu’à Saloniquc (Mélanines de Rome, 1900, p. 282). De province à ju-ovince, de district à district, de ville à ville, de village à village le style éj)igrai)hi(pie se particularise et cette physionomie, infiniment nuancée, de l’épigraphie chrétienne gréco-orientale est pleine d’enseignements ; car, sous