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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/716

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ÉPIGRAPHIE

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la forme moins stéréotypée, apparaît plus souvent le caractère propre des populations et des rédacteurs. C’est ainsi qu’il n’y a pour ainsi dire point de contact entre les textes chrétiens phrygiens et ceux de Syrie ; dans cette dernière province, les districts du nord forment une région tout à fait à part ; que de variétés entre les différents centres chrétiens de l’Arabie ! En Palestine, un texte de Bersabéc se distingue, au premier coup d'œil, d’une inscription de Jérusalem ou de Jaffa. En Egypte, les citations scripturaires, les acclamations diilerent totalement de celles qui étaient en faveur, à la même époque, dans les montagnes d’Antioche (comparer les indices de Waddingtox et Prentice avec Lefebvre, Recueil, p. xxix-xxxi) ; dans cette même province, les procédés rédactionnels ont une telle saveur de terroir que la considération des formules, corroborée par l'étude des symboles et de l’ornementation des tituli, a permis à M. Lefebvre de localiser à coup sur près de 200 inscriptions dépaysées et conservées dans les collections égyptologiques sans indication de provenance (Lefebvre, Recueil, p. xxvi-xxviii).

Les divergences que nous avons signalées, plus rares dans les provinces occidentales, tout à fait communes en Orient, s’expliquent aisément par le milieu, les coutumes locales, les traditions d’ateliers. Il en va tout autrement de certaines concordances, même verbales, dont on ne pourra jamais donner une raison plausible, si l’on suppose la complète indépendance des graveurs. Comment aussi s’expliquer que chaque formule, chaque symbole ait eu successivement sa phase d’existence ; comment rendre compte du parallélisme signalé plus haut entre l'épigraphie deGauleet d’Afrique et celle de Rome, si on suppose des graveurs abandonnés à la fantaisie et à l’inspiration du moment ? Cf. Le Blaxt, Manuel, p. Sg-^^ L’existence de manuels professionnels à l’usage des graveurs est, pour l'époque classique, un fait bien établi (Mélanges de Rome, 1886, p. 588-594 ; Rev. de Philologie, 1889, p. 51-65). Que les graveurs chrétiens, les fossores des catacombes et les lapicides provinciaux aient eu enti-e les mains des collections de modèles spéciaux plus ou moins étendues, plus ou moins détaillées, c’est une hypothèse qui atteint la plus haute ATaisemblance. Dans certains cas même, on pense toucher à la certitude. L'épitaphe de saint Grégoire le Grand, simple usurpation, croit-on, de l’inscription funéraire d’un pape antérieur, a passé tout entière dans l'éloge funèbre d’un évéque de Nepi(/?ôHi. Quartalschrift, 1902, p. 61) ; des légendes de Trêves et de Reims reproduisent presque identiquement le même distique (Le Blant, Recueil, I, n°* 2^2 et 335) ; deux hexamètres inscrits dans la basilique Saint-Martin de Tours se lisent sur la porte de l'église de Mozat (Le Blant, Manuel, p. 65-66) ; quatre monuments de Briord sont des Aariantes inhabiles d’un A’ers iqie(ibid., p. 69) ; une inscription de Vaison est un vrai centon de formules qui se retrouvent à Arles, Clermont, Lyon et Vienne (iOid., p. 68), etc. Combien de textes métriques, où la présence de noms propres ou de pluriels qui faussent le mètre, trahit un réemploi ! (Le Blant, UEpigr. chrét, , p. 70-73). C’est justement le cas de la partie de l’inscription d’Abercius usurpée par son concitoyen Alexandros. Eniîn, argument décisif : une inscription de Crussol a gardé une trace encore plus révélatrice de son origine livresque. En faisant une expédition sur pierre du libellé type qu’il avait sous les yeux, le lapicide ignorant n’a pas su en combler tous les « blancs » et il a gravé : regni domni nostri Chdoedo régis tanto, oubliant de substituer à tant le chiffre précis (Le Blant. Recueil, n° 476 ; cf. un article du même, Sur les graveurs des inscriptions anti ques dans la Rey. de l’Art chrétien, 1859, p. 367-379). Ainsi, plus encore que l'évolution sjmétrique du formulaire latin dans toutl’Occident, ces coïncidences matérielles nombreuses, ces textes qui trahissent une adaptation maladroite, le dernier trait cité qui nous permet de prendre le lapicide sur le fait : tout cela ne peut guère scxpliquer sans que l’on soit amené à supposer l’existence de « manuels » professionnels — les Roret de l'époque — entre les mains des graveurs de métier. Ces manuels devaient contenir des modèles avec blancs à remplir ; des épigrammes d’un usage courant, de caractère assez vague pour pouvoir convenir à une infinité de gens, au « commun » des trépassés ; des types principaux d’inscriptions souvent demandées, enfin un florilège de citations scripturaires analogue à ceux que possèdent nos fabricants d’imagerie funéraire.

6. Premiers essais d’utilisation des inscriptions dans un but apologétique. — Ces notes, dont la Ijrièveté ne peut suppléer un manuel (voir Bibliographie), étaient nécessaires pour faire entrevoir quels arguments Tapologétique peut empi-unter aux inscriptions chrétiennes. Arguments assez difficiles à manier, car ils demandent avant tout d'être soumis à une critique prudente et avertie. C’est pom* avoir été l'œuvre d’hommes à qui manquait cette initiation préalable que les premiers essais de systématisation des données religieuses fournies par les inscriptions chrétiennes étaient condamnés à la stérilité et à un prompt discrédit.

Les découvertes de Bosio (7 1629) dans les Catacombes eurent un grand retentissement, et sa Roma sotterranea (1634) fonda une science nouvelle. Le succès de cet ouvrage fut prodigieux ; les circonstances y furent d’ailleurs pour une large part (cf. Dict. d’Arch. chrét., s.v. Bosio ; Leclercq, Manuel, l, p. 3-7). Comme le remai’que dom Leclercq (Manuel, I, p. 4) : '< le livre, sans paraître même y songer, répondait exactement aux exigences des polémiques religieuses engagées. Devant la prétention du protestantisme de ressusciter le christianisme primitif, dont il représentait l’Eglise catholique comme entièrement déchue, la Rome souterraine venait apprendre ce qu’avait été cette primitive Eglise, et combien elle se tenait près dans ses dogmes, sa discipline et ses symboles, de l’Eglise du xvi' siècle ». L’argument frappa vivement les esprits, et l’on cite plus d’une conversion opérée par la seule influence de faits si éloquents et si bien attestés (ibid.). Ce succès valut à l’archéologie et à l'épigraphie chrétienne une faveur particulière auprès des apologistes du xvii' et du xviii" siècle. Leur tort fut de demander aux faits une démonstration complète de la Religion et de l’Eglise, au lieu de se borner à recueillir les indices détachés fournis par les monuments et les inscriptions. Pour faire un tout cpii se tint, une Somme analogue à celles de la théologie, on fut amené à faire un mélange hétéroclite de documents de toutes les époques, à solliciter les textes pour les faire entrer dans les grandes lignes de la synthèse ambitionnée.

A. F. GoRius (7 1757) se proposait de compiler un recueil d’inscriptions chrétiennes, dans lequel les textes '( ita essent dispositi, ut per gradus omnes sacro-sancta mrsteria, ritus, dignitates et anti^jua hierarchia ecclesiastica et disciplina illustrarentur » (Rossi, Inscr. christ. U. />'., i, p. xxviii* ; Monum. Eccles. liturg., p. xcii). Le plan aboutit à une masse de flches explorées par de Rossi. Xous n’avons qu'à mentionner les projets ou les recueils de Mlratori, Maffei, Bacchinius, Bottarils, TERRmLiMus, BlanCHiNius, etc. (Monum. Eccles. liturg., p. xciii), poiu* arriver à A. F. Zacc.ajiia. Ce savant Jésuite (171 4-