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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/719

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EPIGRAPHIE

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testamenlaire. — La philologie néo-testamentaire -a plus encore gagné aux nouvelles découvertes que l’histoire du teste sacré. On a considéré longtemps le grec biblique comme une langue à part, ayant son Aocabulaireet sasyntaxe.Si l’on consulte, en elTet, les ilictionnairesdu Nouveau Testament, on constate que, sur environ 5.ooo noms communs qu’ils contiennent, il y en a environ 550 qui sont qualiliés de « grec biblique ». Cette proportion très élevée, 1 1 °/„. de vocables spéciaux sullisait à donner au grec du Nouveau Testament une couleur particulière. La syntaxe l’isolait encore davantage, croyait-on, du milieu grec contemporain ; les grammaires de Blttmanx, Winer, WixKR-MoLLTOx s’accordent à noter les lois particulières que suit le grec néo-testamentaire. En 18g4, Blass déclarait encore que le grec du Nouveau Testament était « als ein besonderes, seinen eigenen Gesetzen folgendes anzuerkennen » ; l’abbé Viteac précisait : c’est un grec profondément a sémitisé ».

Au cours de ces dernières années, un mouvement de réaction contre cette universelle persuasion s’est dessiné parmi les philologues, et aujourd’hui, grâce aux derniers travaux de Blass, de Moultox et surtout de Deissmanx. les anciennes théories ont rapidement perdu du terrain. Il n’est plus question de grec « biblique », tout émaillé de sémitismes. La langue des Evangiles et de Paul n’est pas le « dialecte » isolé, si l’on peut ainsi dire, qu’on avait imaginé ; mais elle reprend sa place dans l’évolution générale de la langue grecque.

Le christianisme s’est développé tout d’abord dans les couches populaires (cf. Deissmanx, Bas Urchtistentum u. die untereii Schichten, 1909). Qu’il ait eu, presque dès la première heure, ses recrues dans le

« grand monde)^ de Rome, c’est un fait qu’on ne conteste

pas ; il n’en est pas moins vrai qu’il a fait d’ai)ord des conquêtes surtout dans les classes inférieures, parnù les petites gens. Or, au moment de la prédication des apôtres, si le grec l’emportait sur la langue olhcielle de l’Empire et était parlé par plus de millions d’hommes que le latin, — dans tout le sud de l’Europe, l’Asie antéiieure, les Iles et l’Egypte, — il ne faut pas imaginer ce grec comme une langue uniforme. Au-dessous de la langue littéraire des écrivains de l’époijue inqiériale, il y avait un parler plus libre d’allure, la langue de la conversation. Cette langue usuelle elle-même était susceptil)le de bien des nuances : plus châtiée et voisinant davantage avec la langue littéraire, quand elle était parlée par des gens de bonne compagfnie ; plus primesautière, plus simplilLée et ])lus courante, dans la bouche du populaire. Or la question se posait : les évangélistes et les apôtres, issus du peuple et parlant au peuple, n’avaient-ils pas conservé leur langue tlorigiiie pour lui parler la sienne ? Malheureusement cette langue, dont l’atlicisiue des raiUnés raillait et prohibait les verdeurs savoureuses et les motsénergi(iues, semblait à jamais perdue, et la question [ii’écédente demeurait sans réponse.

Mais M)i(i que des fouilles heureuses font sortir le grec populaire de l’oubli où il semblait à jamais enseveli ; et les études néo-testamentaires ont singulièrement i)rolité de celle exhiunation ines[)érée.

Trois catégories de documents nous ont conservé quelque chose du parler [)ittortsque des petites gens dans tout le milieu méditerranéen : les inscri[ttions, les papyrus et les ostraca.

Les inscriptions ne sont ])as toutes œuvres de lettrés ; les marchands, les cultivateurs, les soldats et les esela^ es ont bien soun eut eonlié au maibre (ui à la pierre l’expression de leur gratitude envers les dieux, de leurs prières ou de leurs tieuils. Bien que l’exposition |>ubli(pi<’de [jareils m<)nunu’ntsaitinq)osé

plus de tenue et de réserve, la langue populaire ne perdait pas tous ses droits, et il existe des quantités de mots que les inscriptions seules nous ont conservés, probablement parce que la littérature les proscrivait ou les ignorait. De ce chef, les inscriptions sont une source très féconde pour l’histoire du vocabulaire néo-testamentaire (Dkiss.maxx, Licht, p. iS, n. 2).

Avec les papyrus et les ostraca, nous entrons en plein milieu plébéien. Sans sortir de notre sujet épigraphiqvie, il faut signaler d’un mot ces deux sources si importantes relatives à la langue parlée dans le milieu où se lit la propagande chrétienne. La moyenne et la haute Egypte — surtout le Fayoum — recèlent des trésors : c’est par milliers que les papyrus s’y découvrent. Le contenu de ces documents est aussi varié cpie la vie ; pièces officielles : arrêtés de magistrats, instructions à des fonctionnaires, requêtes ; archives familiales : pièces de procédure, contrats de mariage, de vente, de prêt ; documents relatifs à des adoptions, des tutelles ; comptes, créances, reçus ; correspondance de toute sorte, depuis la lettre de condoléances jusqu’à l’invitation à un mariage, depuis la lettre de « Pitou » à son père jusqu’au billet amoureux et à la- lettre d’un gamin volontaire à son papa. Tous ces documents ouvrent un jour sur la vie poinilaire et sont, à ce prix, d’un intérêt sans égal ; mais ils ont peut-être plus d’importance encore pour l’étude de la langue courante, car le peuple écrit comme il parle.

Les ostraca n’ont pas un moindre intérêt : d’un usage moins coûteux que le papyrus, ces tessons de rebut se prêtaient aux mêmes besoins, et nous arrivent tout chargés d’écritures. Comme les papyrus, ils se répartissent entre les premiers Ptolémées et l’occupation arabe, couvrant ainsi un millier d’années, et nous permettant de suivre, de génération en génération, les phases de l’évolution du langage pai-lé, non seulement dans le bassin du Nil. mais encore dans tout le milieu méditerranéen, dans toute l’aire de dilTusion du christianisme.

Deissmanx a été le premier à poser qu’en gros et dans son ensemble le Nouveau Testament est un monument de la langue grecque, telle qu’elle était parlée par les gens simples et de petite culture de l’époque romaine, et que c’est par conséquent à la lumière des textes populaires que doit être étudiée la philologie néo-testamentaire. Son initiative a été féconde : à la compai’aison, d’étroites affinités se sont révélées entre la langue du Nouveau Testament et celle des inscriptions, des papyrus et des ostraca, si bien que le Nouveau Testament, tiré de l’isolement auquel on l’avait condamné, est rentré dans le domaine commun de la philologie grecque.

Il suffira de renvoyer pour une étude détaillée à quelques travaux plus utiles, tels que F. Blass, ^/ramniatik desneutest. (iriecltiscli, ’^'^ éd., 1902 ; J.-H. Moul-TON, Grarnmar of the Hetc testament Greek, vol. L 2 éd., 1906 ; Th. Nægeli, DerUdrlscliatz des.Ipostels Paulus, 1900 ; G. Thieme, Die Inschriftcn von Magnesia ani Mdander u. das A. Test., 1906. Voir surtout A. DEiS’ : iyisy, m belsludien et eæ liiln’lstudien (trad. anglaise, notablement améliorée par l auteur, Bible Studies. 2"^ éd., i<^o’5) ; Licht-om Osten, 1908 ; The Philologyof Greek /iible…, arHcU-s parus dans VExpositor, octobre-décembre 1907. C’est en particulier à ces travaux que nous emprunterons ((uel((ues faits : ils suffiront à donner une idée des résultats acquis i^t des espérances que sans doute réaliseront les fouilles activement poursuivies.

c/.)Vocabuluire.—KEsyv : D(SourcesofyenTestanient Greek. 1895), d’après les listes de Tmayer, comptait environ 550 mots prétendus « bibliiques » dans le