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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/738

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ESCLAVAGE

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que l’esclavage vient du péché (Oratio xiv, De paiiperuin amore, 25), et saint Jean Chrysostome exprime une idée analogue, mais plus précise, en lui attribuant pour cause l’avarice (In Ep. ad Ephes. vi, hoinil. xxii, 2). Cela revient, dans la pensée de l’un et de l’autre Père, à faire découler l’esclavage de l’abus coupable de la force : faibles asservis malgré eux par de plus puissants, hommes libres capturés par des brigands et vendus par eux comme esclaves.

L’histoire nous montre la guerre et la traite fournissant à la fois ou tour à tour les marchés d’esclaves, et une étymologie beaucoup plus sûre que celle qui a été critiquée plus haut leur rattache la véritable origine de l’esclavage : mancipiuin, esclave. A’ient de manu capttis (Digeste, 1, v, 4 ; Institutes, I, iii, 3) : c’est la main du vainqueur et du conquérant ou la main du brigand et du pirate qui a i’ait l’esclave.

Comme la population servile se composait d’iiommes et de femmes, elle se reproduisait naturellement dans la maison des maîtres. La guerre, la traite, la naissance, A’oilà donc, semble-t-il, et abstraction faite de quelques causes secondaires, les trois éléments originaires de l’esclavage.

IL L’esclavage avant le christianisme

1° L’esclavage chez les peuples païens de l Orient.

— On l’y rencontre partout et depuis les temps les plus reculés.

En Chine, dont l’histoire ancienne nous est si peu connue, sa mention n’api^ai-ait qu’au xii^ siècle av. J.-C. : il semble dans ce pays avoir été moins réj^andu et aussi moins dur cpi’ailleurs, parce que le pénible parait n’y avoir jamais perdu l’habitude du travail (voir dans Wallon, Hist. de lescL, 1. 1, p. 38-45, le résumé du mémoire d’E. Biot sur la condition des esclaves et des serviteurs gagés en Chine, Journal Asiatique, iSS^).

Sur son histoire dans les Indes, on n’a prescjue aucun renseignement. Les historiens latins et grecs semblent dire qu’il n’y existait pas, et considèrent ce fait comme extraordinaire. Dans l’île de Cej-lan, écrit Pline {.at. Hist., VI, 24), personne n’est possesseur d’esclave, servant neniini. Diodore de Sicile prétend même qu’une loi interdit l’esclavage dans toute la péninsule indienne (fi//^/., II, Sg). Strabon {Geogr., XV) dit à peu jirès la même chose, d’après un écrivain grec du ii « siècle avant notre ère, Mégas-THÈNEs ; mais il corrige cette assertion en ajoutant, d’après un autre Grec, Onésicrite, contemporain d’Alexandre, que la prohibition est restreinte à un seul district, dans lequel l’esclavage coi-porel est remplacé par un servage analogue à celui des aphamiotes en Crète et des ilotes en Laconie. L’existence de l’esclavage dans les Indes est démontrée, à défaut d’autre témoignage, par les Lois de Manou, appartenant au xi" ou x’siècle avant J.-C. Les esclaves se recrutaient dans la dernière classe, celle des Soudras et parmi les prisonniers de guerre (Lois de Manou, trad.Loiseleur-Deslonchamps, 1831-1833 ; cf. Wallon, t. I, p. 32-33).

Le plus ancien monument écrit de la civilisation antique, le Code d’Hammourabi (environ 2050 ans avant J.-C), montre l’esclavage établi dans le monde assyro-babylonien (§§ 15, 19, 117, 127, 140, 227, 252, etc.). Probablement les esclaves n’y sont pas encore très nombreux, car les vainqueurs suivaient alors la coutume barbare d’immoler les vaincus. C’est seulement à partir du xii’- siècle avant notre ère que l’on commence, dans l’Asie centrale, à les réduire en servitude. Une inscription de Téglatpha-LASAR le montre, après avoir décapité d’innombrables ennemis, consentant à faire prisonniers six

mille hommes qui lui avaient « pris les genoux », c’est-à-dire qui lui avaient demandé grâce (Maspero, Histoire des anciens peuples de l Orient, éd. 1886, p. 296). L’habitude de remplacer la mort par la captivité devient générale après le viii’siècle (Menant, Babytone et la Chaldée, 1875, p. 228). Les monuments de Ninive ont gardé limage des tristes cortèges formés par les captifs. Fréquentes sont les inscriptions d’Assyrie et de Chaldée qui font allusion soit aux prisonniers mis en Aente, soit à des populations transportées en masse. Pour nous en tenir aux seules guerres contre les Juifs, Sargon (721 avant J.-C.) envoie en Assyrie 27.280 prisonniers Israélites : deux siècles plus tard (098) Nabuchodonosor envoie en Chaldée 10.000 haljitants de Jérusalem : en 588, ce sont tous les Juifs de la ville sainte qui sont transférés à Babylone (Menant, ouvr. cité, p. 225, 228, 229). Les prisonniers ainsi transplantés n’étaient pas réduits tous à l’esclavage, mais tous vivaient en exil, tantôt dans une sécurité relative Ç/éréinie, xxix, 4-7). tantôt pressurés et maltraités {Tobie, I, 18-24 ; 11, 3-io), toujours soumis, quanta leurs biens et à leurs vies, à l’arbitraire du vainqueur. Le psaume cxxxvi, cette touchante élégie qui se termine en un cri de colère, permet de juger de leurs sentiments. Beaucoup, d’ailleurs, n’étaient pas seulement des exilés, mais des esclaves. Ce qui montre que ceux-ci étaient devenus fort nombreux en Chaldée, c’est leur prix ordinairement peu élevé. Leur condition juridique semlile avoir été assez large, car ils ont le droit d’acquérir, de contracter, de s’obliger, et quelques-uns parmi eux possèdent eux-mêmes des esclaves. Mais leur Aie n’est point protégée, puisque le meurtre d’un esclave est puni seulement, comme celui d’un animal domestique, par des dommages-intérêts envers le maître. Nombreux dans les palais des rois et des grands sont les eunuques. Quant à la pudeur de la femme esclave, elle deA^ait rester sans défense dans un pays où les femmes lil)res elles-mêmes (Hérodote, 1, 199 ; 5rt ; « c/j, A’/ 42, 4^) étaient obligées de se prostituer dans les temples (voir Wallon, t. I, p. 45-5 1 ; Menant, Babylone et la Chaldée, 1875 ; Offert et Menant, Documents juridiques de l.issyrie et de la Chaldée, 1877 ; communications d’OppERT à l’Acad. des Inscriptions, 6 mai 1887, 27 mai 1887, 6 avril 1888, 31 octobre 1890, 26 octobre 1894).,

La substitution de la domination des Perses à celle des Assyriens ne changea rien à la situation des esclaves. Les luttes Aictorieuses des nouveaux maîtres de l’Asie centrale contre les A’illes de l’Asie Mineure, de l’Archipel, de l’Egypte, même de la Libye, en augmentèrent encore le nombre : comme autrefois, des populations entières sont emmenées en captiAÎté : souA’ent les femmes et les enfants sont Aendus, et les hommes établis dans quelque canton qui a besoin d’être repeuplé ou dans quelque domaine royal (Hérodote, ! , 161 ; IV, 203 ; VI, 19-uo, ag-So, 62, 119). Si l’on en croit Hérodote, le désir dune des femmes de Darius de posséder « des servanles lacédémoniennes, argiennes, attiques, corinthiennes » fut parmi les motifs de la guerre entreprise par ce roi contre les Grecs (111, 134). Les palais des rois et des grands étaient remplis d’eunuques (//xW., IV, 43 ; VIII, io4, io5 ; comparer la mention fréquente qui en est faite dans Esther) : ces malheureux étaient soit des captifs, soit des esclavcs achetés sur les marchés spéciaux de Sardes et d’Ephèse (Hérodote, VI, 82 ; VIII, io5). Ils semblent avoir été encore plus en faveur qu’au temps de la domination assyrienne (XÉNOPHON, Cyropédie, vii, 5). On en fait A-olontiers des soldats, et ils serA-ent dans la garde royale (ibid.). L’armée, du reste, se recrute en grande jjartie d’es-