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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/749

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ESCLAVAGE

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aucune mesure en faveur des esclaves est Julien. Il se montre imbu à lem- égard de tous les préjugés du paganisme, et parle d’eux dans ses écrits avec le mépris antique. Désireux de s’approprier la bibliothèque de l’évêque Georges, tué par les païens d’Alexandrie, il commande de « mettre sans se lasser à la torture » les esclaves de celui-ci qui seraient soupçonnés de détenir de ses livres (Ep. xxxvi).

Sous le règne de JrsTixiEX, le mouvement libéral de la législation est parvenu à son apogée. Le rapt des femmes esclaves puni au même titre que celui des femmes libres ; le sénatus-consulte Claudien abrogé « comme impie et indigne d’un temps où l’on a tant fait pour la liijerté « ; le droit accordé aux enfants nés pendant l’esclavage de parents affranchis plus tard de réclamer l’hérilage de ceux-ci de préférence au patron ; rabrogation des lois qui imposaient des limites ou des conditions d’âge aux affranchissements testamentaires ; l’ingénuité conférée à tous les affranchis ; l’autorisation donnée aux sénateurs d’épouser même d’anciennes esclaves ; le legs de la liberté favorisé de toutes les manières ; la faculté accordée au copropriétaire d’un esclave de l’atïranchir malgré la volonté de ses autres maîtres ; la liberté donnée aux enfants exposés, même s’ils sont d’origine servile ; la liberté accordée au malheureux qui a été fait eunuque ; la concubine esclave et ses enfants déclarés libres après la mort du maître ; l’entrée desesclaves dans le clergé et dans les monastères devenue possible sans le consentement formel du maître et quelc^nefois contrairement à sa volonté : tel est l’ensemble des lois rendues en faveur des esclaves par Justinien. Abrogeant la ser^-ilus puenae, sorte de mort civile qu’entraînaient certaines condamnations, il s’écrie : « Ce n’est pas nous qui voudrions réduire à l’esclavage une personne libre, nous qui depuis longtemps consacrons nos efforts à procurer lalfranchissement des esclaves » ; et il délinit l’esclavage « une institution barbare, et contraire au droit naturel » (Code Justinien, II, xx, 34 ; VII, ii, 1 5 : IV, 1 4 ; V ; vi ; xv, 3 ; xvii, i ; xxiv, i ; lii, 3, 4 ; VIII, iii, I ; XV, 2 ; Institutes, I, vr, 7 ; III, vii, i ; xiii, i ; Xovclles de Justinien, xxii, 8 ; lxxviii, 3 ; cxix, 2 ; cxxiii, 4> 17 ; cxLii, 2). — Sur la législation des empereurs chrétiens relativement à l’esclavage, voir Wallox, t. III, ch. X, et mon livre sur Les Escla-es chrétiens, p. 481-487.

Une loi promulguée au milieu du iv° siècle améliora dans une très grande mesure le sort des esclaves. Jusque là, il n’y avait pas de différence entre les esclaves consacrés au service domestique et les esclaveshabitant les domaines ruraux pourj- ciUtiver la terre. Les uns et les autres pouvaient être changés arl)itrairement d’occu|)ation, de lieu, vendus isolément, i)asser de la campagne à la ville ou île la ville à la canq)agne. Les enq)ereurs du iv^ siècle, sentant la nécessité de nuiintenir un sutlisant personnel de travailleurs agricoles dans les campagnes, dont nous avons déjà dit l’appauvrissement et la dépopulation, non seulement contraignirent. [)ar l’institution du colonat, à la résidence forcée les cultivateurs liljres. mais encore défendirent de séparer du sol les cultivateurs esclaves. Une loi dont nous n’avons pas la date précise, mais qui est postérieure à 867, interdit de vendre sans le domaine auipiel ils étaient attachés les esclaves ruraux inscrits sur les registres du cens(6’of/tf Just., XL, xlvii, ^). Il y eut dès lors deux classes d’esclaves : les esclaves url)ains, dont l’état légal ne fut pas changé, et qui continuèrent à se vendre comme des meubles ; les esclaves ruraux, qui ne purent désormais être aliénés sans la terre à laquelle ils se trouvèrent légalement incorporés, et qui devinrent ce qu’on appelle en langage juridique

des immeubles par destination. Cette loi, due aux circonstances économiques, fut un progrès immense dans la condition d’une catégorie d’esclaves formant, au iv<= siècle, la portion la plus nombreuse de la population servile : on y doit Aoir dans le monde latin l’origine du servage, qui devint peu à peu un état intermédiaire entre l’esclavage et la liberté, — et diffère sur tant de points de cet autre servage rural dont nous avons au les exemples en Orient et en Grèce.

L’énumération, encore fort incomplète, des lois favorables aux esclaves promulguées du iv’au vi* siècle, me paraît suffisamment réfuter cette assertion d’Ac-CARiAS (Précis de Brait romain, t. I, p. 9^ et suiv.), que les enq^ereurs chrétiens ajoutèrent peu aux dispositions protectrices des empereurs païens. Quant au jugement pessimiste de Boissier, ce qui a pu lui donner lieu, ce sont les condamnations de plus en plus sévères portées par les Pères de l’Eglise contre les maux et les vices inhérents à l’esclavage. Saint Jeax Chuvsostome surtout, qui s’est passionnément intéressé à toutes les questions sociales, flagelle la mollesse et la cruauté des maîtres, et la luxure qui régnait encore, du fait de l’esclavage, dans certaines maisons chrétiennes : je ne puis citer ici les innombrables passages de ses homélies, des discours et des écrits de saint Basile, de saint Grégoire de Nazianze, de saint Augustin, dans lesquels sont dévoilés sans ménagements ces plaies héritées de la société antique. Encore au v’^ et au vi’siècle, les mêmes tares apparaissent, toujours dénoncées par les représentants de l’Eglise : qu’on lise, à ce propos, certains sermons de saint Césaire d’Arles. Si l’on veut réfléchir, on ne s’étonnera pas qu’en un temps où le christianisme n’est plus professé seulement par une élite, quetenait en haleine lamenace continuelle des persécutions, mais où il comprend la niasse de la population, venue à lui maintenant plus par le hasard de la naissance que par un choix personnel et réfléchi, l’institution de l’esclavage ait continué à donner de mauvais fruits.

Aussi, plus hardiment qu’autrefois, cette institution est attaquée par ceux qui ont droit de parlerait nom de l’Eglise. Ils laissent décote les ménagements que celle-ci avait dû observer d’abord : ils déclarent maintenant le fond de leur pensée, de plus en plus hostile à l’immorale possession de l’homme par l’homme. Il y a cependant quelque différence à faire, à ce sujet, entre les Pères latins et grecs. Les premiers déclarent mauvaise l’origine de la servitude, qui ne fut pas voulue de Dieu, mais introduite dans le inonde par le péclié : cependant ils n’en contestent pas la légitimité de fait, rappelant aux esclaves que, serCs de cori)s. ceux-ci peuvent être libres |)ar l’àme, et souvent plus libres moralenu-nt ipie leurs maîtres asservis au péché (sixml Amiuioi^u, De Joseph patriar-cha, 4 ; ^p< xxxvii, Lxxvii ; Amhrosiaster. Comment, in Culoss., IV, I ; saint Augustin, De ciw Dei, XIX, 15 ; saint Isidore de Séville, Sent., III, 17). Les seconds semblent conlenir plus difficilement leur impatience de voir la servitude abolie. La distinction entre esclave et libre est une distinction mauvaise, iaj/ïj rofir, , dit saint Grégoire de Nazianze (Poemtitu moralia, xxiii, 133-140) ; c’est un vain mot, ajoute saint Jean Ciiuvsostomk (De Lazaro concto, vi, 8). Saint Ghég(Uhe de Xysse (fn Eccles., Ifom. iv) va plus loin, car il nie sans détour le droit du maître :

« Celui que le Créateur a fait s(nivorain de la terre, 

et qu’il a établi pourcommander, vous le soumettez au joug de l’esclavage, vous attacpianl ainsi au précepte divin ! Avez-vous donc oublié les limites de votre pouvoir ? Ce pouvoir est limité à un temps déterminé, et vous ne devez l’exercer que sur les ani-