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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/754

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ESCLAVAGE

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C’est ce que l’on a prétendu. « La condition de l’esclave d’Église, dit Rexan, fut empirée par une circonstance, savoir l’impossibilité d’aliéner le bien de l’Eglise. Qui était son propriétaire ? qui pouvait latTranchir ? La difficulté de résoudre cette question éternisa l’esclavage ecclésiastique. » (Mcwc Aiirèle, p. 609.) Avant d’éclaircir cette dilliculté, disons un mot de la situation faite aux serfs travaillant dans les domaines des évéchés ou des monastères, ou, d’une façon générale, dans les domaines ecclésiastiques. L’Eglise avait posé ce principe, qu’ils devaient être plus doucement traités que les autres. « Au sujet <les serviteurs de l Eglise, dit le 6"^ canon du concile d’Eause (55 1), il convient, dans un sentiment de piété et de justice, de leur imposer des tâches plus légères que celles des esclaves des particuliers, afin que, grâce à la remise du quart de leur tribut, ou de quelque chose de leur travail, ils aient lieu de bénir Dieu des bienfaits reçus des prêtres. » Le troisième concile de Tolède (589) interdit, sous peine d’excommunication, aux agents du pouvoir civil d’imposer des corvées publiques ou privées aux esclaves de l’Eglise. Le concile de Reims de ôaS dit, dans son 13* canon, que, pas plus que les terres de l’Eglise, ils ne doivent jamais être donnés ou Aendus. Ils forment donc une classe à part et jouissent d’une situation privilégiée.

Mais peuvent-ils aspirer à une situation meilleure encore, et obtenir la li])erté ? Le 8^ canon du concile d’Epone (Si’j) a fait supposer le contraire. « L’abbé, y est-il dit, ne doit pas alfranchir les esclaves qui ont été donnés aux moines ; car il ne conviendrait pas que les moines travaillassent la terre tous les jours, tandis que leurs esclaves jouiraient en oisifs de la liberté

« ; injustum eiiim putamits ut, monachis qnotidianum

rurale opus facientibus, servi eorum libertatis otio potiantur. Pour apprécier équitablement ce canon, il faut se rappeler : r^ qu’il fut édicté probablement pour modérer le zèle qui poussait les abbés à affranchir en grand nombre les esclaves des monastères ; 2" que la raison donnée par le concile traduit la crainte que les moines, voués à la culture de la terre, au défrichement du sol, œuvre si importante à cette époque, demeurassent sans auxiliaires ; 3" que le canon du concile d’Epone paraît représenter une discipline temporaire et locale, et concerner les affranchissements en niasse, non les affranchissements individuels. Ce qui le démontre, c’est que tous les canons des conciles postérieurs, où il est question des serfs ecclésiastiques, disent formellement qu’ils peuvent être affranchis.

Ils le seront d’abord par le sacerdoce et la vie monastique. Le concile tenu à Rome en 595 par saint Grégoire le Grand dit, dans un canon déjà cité, que nombreux sont les esclaves, appartenant à l’Eglise ou aux particuliers, qui veulent entrer dans les monastères : si on le leur permet sans examen, l’Eglise perdra bientôt tous ses esclaves ; si on le leur refuse, on courra risque de priver Dieu d’une offrande à laquelle il a droit : il faudra donc, lorsqu’un d’eux demandera à se faire moine, examiner sa conduite antérieure et, si elle a été bonne, lui accorder sa demande. Le canon 1 1 du neuvième concile de Tolède (655) autorise l’évêque à affranchir les esclaves de l’Eglise qui se sentiront appelés à l’état sacerdotal. Le concile de Mcrida (666) dit, dans son 18’canon, que les prêtres des églises de campagne doivent, dans la mesure où les ressources de leurs biens ecclésiastiques le leur permettront, choisir parmi les esclaA’cs de l’Eglise des hommes intelligents pour en faire des clercs et leurs coopérateurs : on peut supposer, bien que le concile ne le dise pas clairement, que l’entrée de ceux-ci dans les rangs inférieurs du

clergé entraînait leur affranchissement : au moins étaient-ils soustraits par elle aux occupations ser-A’iles.

Mais les esclaves de l’Eglise peuvent aussi être affranchis sans obligation pour eux d’embrasser la vie monastique ou cléricale. De nombreux canons (concile de Tolède, 633, 6- ; -70 ; concile de Tolède, 638, 9-10 ; concile de Tolède, 655, 12-16 ; concile de Mérida, 666, 20) règlent les devoirs des affranchis de l’Eglise. Les conciles indiquent aux évéques désireux de donner la liberté aux serfs ecclésiastiques le moyen de concilier les droits de la charité avec leurs obligations d’administrateurs du patrimoine religieux. Le 9’canon du concile tenu à Agde en 506 permet aux évéques d’affranchir les esclaves appartenant à leur église et de leur donner certaines propriétés en dépendant, à condition qu’ils l’aient mérité, hene meritos sihi. Le quatrième concile de Tolède (633) autorise les évêques à affranchir des eschives de l’Eglise, s’ils laissent à celle-ci en compensation quelque chose de leur fortune personnelle.

Cette nécessité d’une compensation comme prix de l’affranchissement des serfs ecclésiastiques est particulière aux conciles espagnols. Mais elle ne se rencontre ni en France ni à Rome. Là, le pouvoir d’affranchir est sans exception ni limites. Les évêques et les abbés n’ont pas le droit d’aliéner les immeubles ou les serfs de l’évèché ou du monastère, mais ils ont le droit de donner à ceux-ci la liberté, et même un pécule. Le concile d’Agde (544) le dit expressément dans son’j' canon : « Que l’évêque conserve les tenures, ou les esclaves, ou les vases sacrés, selon la règle canonique, comme des biens confiés à sa garde et appartenant à l’Eglise, et qui, par conséquent, ne peuvent être vendus, comme étant des biens destinés à assurer la subsistance des pauvres. Mais si l’évêque a accordé la liberté à quelqu’un des esclaves, qui l’a méritée, que la liberté ainsi accordée soit respectée par ses successeurs, en même temps que ce que leur émancipateur leur aura donné en les affranchissant, don qui doit être limité à AÙngt sous en monnaie, avec une portion de terre et une habitation. Ce cjui aurait été donné au delà reviendrait à l’Eglise après la mort de l’émancipateur. »

Une belle lettre de saint Grégoiue le Grand confirme ce que nous disons : « Puiscjue le Créateur et Rédempteur du monde, écrit le pape, a voulu s’incarner dans l’humanité, afin de rompre par la grâce de la liberté la chaîne de notre servitude, et de nous restituer à notre liberté primitive, c’est bien et sainement agir que de rendre le bienfait de la liberté originelle aux houmies que la nature a faits libres et que le droit des gens a courbés sous le joug de la servitude. C’est pourquoi a^ous, Montan et Thomas, ser-A’iteurs de la sainte Eglise romaine, que nous servons aussi aA-ec l’aide de Dieu, nous a’ous faisons libres à partir de ce jour et citoyens romains et Jious vous abandonnons tout votre pécule. ^> (Ep., VI, xii.)

« De nombreux textes, écrit M. Marcel Fournier, 

montrent que l’Eglise, comme les particuliers, affranchissait souA’ent un serf en lui remettant son pécule ou une terre pour la cultiver, à charge de redevance. » {Revue historique, t. XXI, p. 34-) Mais, ajoute le même érudit, il était absolument défendu à ceux qui avaient été ainsi affranchis de A-endre ou d’aliéner leur pécule, sous peine d’amende ou de réA’ocation de l’acte d’aliénation. M. Fournier généralise ici à tort, car il cite à l’appui de son assertion un seul concile, le neuvième de Tolède (655). Et encore celui-ci ne dit pas ce qu’on lui fait dire, mais, par son canon 16, il laisse à l’affranchi qui A’oudrait aliéner le bien qu’il tient de l’Eglise le choix ou de l’offrir en A-ente à l’éA-èque, sacerdoti ejusdem ecclesiae, ou de le A’endre

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