Aller au contenu

Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/780

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

1543

ÉTAT (CULTE D’)

154^

Bibliographie. — Ch. Antoine, Cours d’économie sociale, 1908. — Beudant, Le droit individuel de l’Etat, Paris, 1891. — Bluntschli (traduction Riednialten), Paris, 1881. — Gastelein, Droit naturel, Paris, 1908. — Cathrein, Die Aufgaben der Staatsgeivalt and ihre Grenzen, Fribourg-en-Br., 1892 ; Moralphilosophie, ¥vïhov§-en-^v., 1904. — Cepeda, Eléments de droit naturel (traduction Onciair), Paris, 1890. — Gosta-Rossetti, Philosophia moralis. Inspriick, 1886 ; Die Staatslehre der cliristliclien Philosophie, Fnida, 1890. — Funck-Brentano (Th.), La politique. Principes, critiques, réformes, Paris, 1898. — Janet (Paul), Histoire de la science politique dans ses rapports a^’ec la morale, Paris,

1887. — Lehmkuhl, Die sociale Frage und die staatliche Geivalt, Fribourg-en-Br., 1898. — Michel (Henri), L’idée de l’Etat, Paris, 1896. — Meyer, Institutiones juris naturalis, Fribourg--en-Br., 1885 et 1900. — De Pascal, Philosophie morale et sociale, Paris, 1896. — Pescli (Christian), Die christliche Staatslehre, Aix-la-Chapelle, 1887. — Rothe, Traité de droit naturel théorique et appliqué, Paris, 1885. — SchilBni, Disputntiones philosophiae moralis, Turin, 1891. — Sertillanges, La politique chrétienne, Fa.ris, igo^. — Spencer (Herbert) (traduction Gerschel), L’individu contre l’Etat, Paris,

1888. — Vareilles-Somniières (marquis de). Les principes fondamentaux du droit, Paris. 1889. — Weiss (Albert Maria, O. P.), Apologie du christianisme, tome VIII, Institutions de sociologie (traduction Lazare GoUin), Paris, s. d.

Ch. Antoine.


ÉTAT (CULTE D'). — On se i^ropose de jeter ici un coup d’oeil sur l’évolution d’une tendance qui se trouve partout dans l’histoire du genre humain : 1a tendance qu’a le pouvoir civil à vouloir l’emporter sur les choses de Dieu, à dominer tout ce qu’il y a déplus sacré dans la vie de l’homme, en un mot, à vouloir se substituer soit à Dieu lui-même soit à ses ministres légitimes. Les formes sur lesquelles cette tendance se produit sont multiples. Nous nous bornerons à en indiquer quelques-unes des plus frappantes, renvoyant le lecteur pour un traitement plus technique à d’autrcsarticles, tels que Gallicanisme, Investitures, Laïcisme, RÉVOLUTION. Nous ne chercherons pas non plus à délimiter exactement les sphères civile et ecclésiastique, puisque nous ne nous occupons que des envahissements civils, qui ne sont que ti-op manifestes.

I. Adoration des princes. —

Pour bien nous orienter, il sera très utile de commencer par le culte de l’Etat le plus formel qu’ait jamais vu l’Occident civilisé : le culte des monarques hellénistiques. Alexandre le Grand, en se faisant l’héritier des Pharaons, ne xîouvait pas s’empêcher de devenir dieu, et de recevoir l’adoration des Egyptiens (voir Maspero. Comment Alexandre devint dieu en Egypte, p. 6). Il est même prol)able qu’il croyait, d’ailleurs à tort, queles Achéménides vaincus avaient reçu, eux aussi, de la part de tous leurs sujets une véritable adoration. De plus, il pouvait penser que les Grecs n’y montreraient pas grande répugnance. Philippe, son père, et Lysandre avaient été l’objet d’un culte expressément divin, l)ien qu il ne fVit ni très exactement défini, ni très répandu. D’ailleurs le culte des héros, bien qu’il fût essentiellement un culte des morts, était déjà cependant, pour les esprits, une préparation direete au culte divin adressé à des monarques vivants.

C’est donc bien Alexandre qui introduisit ce culte dans le monde hellénistique, en demandant aux cités’grecques et à sa cour de reconnaître sa divinité. Mais il est mort trop tôt pour qu’on ose dire quelle eût pu être la forme délinitive de son culte. A sa mort, confusion complète. Sans doute, si ses descendants avaient pu entrer en possession de leur héritage, au lieu de payer de leur vie la royauté de leur naissance, son culte eût été très nettement accusé. Même ses généraux d’autrefois, qui finirent par se déclarer rois, ne parvinrent jamais à sedéfaii*e du culte d’Alexandre. On comprend que ce soient les Ptolémces en Egypte qui, sous lintluence de la tradition pharao^ nique, aient développé le plus rapidement leur culte personnel : compromis bizarre entre les idées grecques et égyptiennes. En 277 av. J.-C, Ptolénue II Philadelphe, suivant l’usage des Pharaons, épousa sa propre sœur Arsinoé ; et tous les Ptolémées tirent de même. Mais la mort d’Arsinoé donna lieu à des difficultés. Pour les Egyptiens, le monarque et sa sœur, vivants et morts, étaient toujours dieux ; mais les Grecs ne connaissaient guère jusqu’alors que la déification des morts. Pour tout harmoniser, Ptolémée II se lit dieu comme sa sœur. A partir de ce moment, tous les Ptolémées régnants, frères et sœurs, sont dieux. C’est probablement l’assemblée des prêtres égyptiens qui décernait la déilication, cérémonie inconnue aux Pharaons. Dans le culte des rois, comme partout ailleurs, ce sont les usages et les idées égyptiennes qui l’emportent de plus en plus sur l’élément grec.

En Syrie, les Séleucides, tout en se faisant dieux comme les Ptolémées, s’écartaient sensiblement des usages égj’pticns. En Macédoine, les rois n’ont jamais introduit le culte officiel de leur propre personne. C’est donc Rome qui a établi dans l’Europe civilisée le culte officiel des monar([ues. Les Attalides à Pergame étaient, eux aussi, très modérés sur ce point.

Il nous reste à faire quelques observations générales sur le culte hellénistique. Son lieu d’origine est l’Egypte ; mais on ne put l’imposer que là où une grande partie de la population était orientale. Aux Orientaux, en effet, cette servilité, cette soumission absolue de corps et d’âme envers leur maître et despote était habituelle ; de la pai-t des Grecs, au contraire, tant souverains que sujets, il s’j' mêlait beaucoup de scepticisme en matière religieuse. On prostituait facilement des formes auxquelles on ne croyait plus. Au point de vue politique, du reste, la diinité royale ne manquait pas d’utilité. Tous ces monarques prétendaient rendre libres les cités grecques ; mais être « libre », ce n’était que changer de maître. Pourtant la déification fournissait aux rois un moyen de laisser les constitutions des Ailles intactes, puisqu’elles n’avaient qu’à déifier et adorer leur nouveau maître. On ne pouvait, du moins quant au dehors, donner de plus grandes marques de fidélité.

Devant Auguste, le même problème se posa que devant Alexandre. Tout l’Orient s’était accoutumé à voir dans le soua erain un dieu : et cette divinisation s’étendit aux gouverneurs romains. Une loi romaine permettait expre.-^sément aux proconsids ronuiins d’avoir des temples. Pompée en avait beaucoup en Orient ; Cicéron se vante d’en avoir refusé. Donc, encore une fois, c’est en dégradant 1 Occident que l’on est arrivé à l’uniformité. Le culte de l’empereur pénétra entièrement l’armée, les municipes, et les provinces. Ce n’est que dans la capitale que l’on tint à ménager l’opinion, en attendant jusqu’après la mort des empereurs pour procéder par l’entremise du sénat à leur consécration officielle. Ailleurs, c’était bien l’empereur vivant que l’on adorait, quoique souvent d’une manière indirecte.

Ici, comme partout, Auguste s’est montré grand