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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/781

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ÉTAT (CULTE D)

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organisateur : néanmoins il se serait montré plus grand encore s’il avait su laisser ce culte de côté : c’est ce culte, en elTel, qui provoqua contre l’empire le mépris des Germains, la haine des Juifs, et surtout

« l’incivisme » des chrétiens. Que ceux-ci aient été

condamnés en vertu d’une loi de Néron ou de Domitien ou en vertu de la juridiction sommaire (coerciti’j) des magistrats ; que leur délit ait été formellement leur foi, ou un crime de lèse-majesté, peu importe : c’était pour leur religion qu’ils souffraient, et la renier, c’était recouvrer leur lijjerté. On a prétendu que les martyrs se sont trompés, qu’ils n’ont pas compris le but de la loi, ni l’intention d’un gouvernement d’ailleurs tolérant. Ce ne sont pas eux qui se sont trompés, mais ])ien certains partisans du césarisme moderne. Ce qu’on leur demandait, c’était surtout l’adoration de la personne de l’empereur, donc l’idolâtrie la plus insupportable.

Ici encore, comme dans le culte hellénistique, c’est un despote qui veut tout dominer, qui se méfie des aspirations, même les plus hautes, de ses sujets, si en définitive elles ne se terminent pas à lui-même.

« Oui », répondit Caligula à la députation des Juifs

dont le philosophe Philon faisait partie, « vous ofïrez des sacrilices pour moi, mais non pas à moi ». C’était encore en vain que les clirétiens protestaient qu’ils priaient pour l’empereur et lui étaient parfaitement fidèles.

II. Byzantinisme. — On aurait cru peut-être qu’à lavènement d’un empereur qui se disait chrétien, tout ce qui se rapportait au culte des empereurs païens disparaîtrait imniétlialement. Il n’en fut rien. Aitrès la victoire du Pont Milvius(3 1 2 ap. J.-C.).le sénat, en grande partie païen, dédia à Constantin le temple désigné jîar Maxence pour son fils Romulus. Cependant la divinité ne lui est pas directement attribuée dans l’inscription de la dédicace, et peut-être les rites païens y étaient-ils défendus. En tout cas, il est certain que. en permettant à la ville d’Hispellum, sur la frontière’de l’Etrurie, de lui bâtir un temple à lui-même et à sa famille, Constantin défendit formellement de tels rites. Néanmoins on fait mention de son iiiiinen, terme qui implique assez directement la divinité. Ses actes, ses vertus, sa famille étaient divins, et lui-même éternel. On baisait encore la pourpre im{)é ; ’iale, et après leur mort plusieurs empereurs deviennent dii’i, ce qui était autrefois le résultat de la consécration par le sénat. Des chrétiens même Ijrùlaient des cierges autour de l’image de l’empereur ; et certes, ce n’était i)as diminuer le mal ipie de représenter le Christ avec les insignes impériaux. Cependant, malgré cette sorte d’assimilation, ce furent les images de Notre-Seigneur et des saints que cherchèrent les iconoclastes : ils avaient bien garde de briser celles de l’empereur. (Cf. Didioiinaire d’Archéologie chrétienne, art. Adoration, )iv Doin Lkclicrcq.)

Pour comi)ri’ndre tous ces usages, il faut se sou^enir qu’une gran(h’partie de l’empire resta longtemps païenne, et que beaucoup de choses qui en réalité se rattachaient au culte des empereurs, étaient alors simplement considérées comme pures questions d’étiquette ou parties nécessaires de la carrière oUieielle. LEglise ne pou’ait les supprimer que peu à peu. Ce qui était plus gra^e, c’est que les enq)ereurs ne se résignaient i)as facilement à abandonner cette domination sur les choses religieises, qui autrefois leur avait ap])artenu comme chefs de la religion de TEtat et vérita !)les dieux. Constantin, il est vrai, distinguait bien ce qui était du ressort des évc<iues et du sien (Ersi : m : , Vie de Constantin, iv, 24). et lévêque Ilosns écriait dans le même sens à son fils Constance (Athanase, Iiist, des Ariens, 44). <> Qmind donc un décret de l’Eglise a-t-il reçu son autorité de l’em pereur ? » demande saint Athaxase (ibid.. Sa).

« L’empereur », dit saint Ambroise (Ep., xxi, contre

Auxence), « est au dedans de l’Eglise, il n’est pas au-dessus d’elle ».

Mais en 330 ap. J.-C, Constantin fit de Byzance sa nouvelle capitale, la « nouvelle Rome ». Dans l’Orient, les relations des diocèses entre eux dans l’administration ecclésiasticjue suivaient d’assez près les relations des villes entre elles dans l’administration civile. D’un diocèse de très peu d’importance, Byzance devint le siège du second patriarche, malgré les protestations persistantes de Rome. Les empereurs s’efforçaient d’augmenter le pouvoir de l’évêque de leur capitale, mais ce n’était ciue pour mieux dominer l’Eglise. Cet état de choses aboutit, comme on sait, au schisme. Le dernier Constantin, tombé héroïquement devant les murs de Constantinople, était pourtant un empereur réconcilié à l’Eglise et véritable catholique. C’est le vainqueur païen Mahomet II quiadécidé la sé[)aration finale. Sous son nouveaumaître, le patriarche a même augmenté son autorité, puisqu’il est devenu le chef des « orthodoxes » dans l’administration civile. Mais son avilissement s’est augmenté encore davantage, puisqu’il reçoit les insignes de la juridiction spirituelle de ce souverain non baptisé, qui en retour exige une grosse somme d’argent, et qui, pour la recevoir plus souvent, change fréquemment les patriarches. Il y a pis encore. Le principe sur lequel les prétentions du patriarche étaient fondées, à savoir, que l’administration ecclésiastique devait s’organiser suivant l’organisation civile, a été tourné contre lui. Voilà que les églises orthodoxes nationales se détachent de sa juridiction ; l’administration civile al)sorl)e tout pouvoir spirituel, et un saint synode se forme d’après le modèle de celui de la Russie, synode, église nationale que le patriarche finit, bien qu’avec amertume, par reconnaître comme une nouvelle sœur dans le Seigneur. (En ce qui touche l’histoire ecclésiastique île Byzance, nous avons suivi d’assez près l’excellent livre, The Orthodo. r Eastern Church, l)y A. Foutescue, Ph. D., D. D.)

Constantinople offre donc un type très frappant et durégalisme et de l’érastianisme. Par le premier nous entendons un envahissement des droits de l’Eglise par le pouvoir civil, qui ne va pas jusqu’au schisme ; par le second, la soumission complète de l’Eglise à l’Etat.

lll.Régalisme et Erastianisnte modernes. — Athéisme d’Etat. — En Occident, l’histoire des mêmes tendances présente des ramifications plus nombreuses, dans le détail desquelles nous ne saurions entrer ici. La lutte du Sacerdoce et de l’Empire, au moyen âge, fut un long et tragique épisode dans l’assaut séculaire donné par les pouvoirs politiques à la liberté des âmes.

Nous nous bornerons à signaler ici une forme bizarre du régal isme, à laquelle le suffrage de quelques anglicans a donné de nos jours un refrain d’actualité. Elle se réclame du nom du grand canoniste anglais Lvndwood (7 1446). D’après les interprètes de cette doctrine, le roi est une persona mixta, partini ecclesiastica, partim laica. On fait remarquer la ressemblance que présentent les ornements royaux du couronnement avec les ornements ecclésiasthpies. Le R. P. Tiiuhstox, S. J., a fait justice de ces prétentions (The Coranation Cérémonial). Il suffira de remariiuer que ni l’Eglise en général ni Lyndwood ne considéraient les rois comme ayant un caractère le moins du monde ecclésiasti(]ue. Du reste, cette cérémonie du couronnement a perdu en.Vngleterre toute signification. puis([ue l’Eglise anglicane ne peut rien exiger du roi, représentant l’Etal, dont elle n’est plus qu’un simple département.