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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/812

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EVANGILES CANONIQUES

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œuvre ». Cf. Zahn, Geschichte des neiitest. Kanons, t. II, p. goS sq. ; Drummond, An Inqain :.., p. 268 ; Vernle, Die Anfange unserer Religion, 2^ éd., 1904, p. 4ô5 ; Oxford Society of historical Theolog-y, The jVen’Testament in Apostolic Fathers, igoô, p. 83.

50. ! > Clément de Rome (9^*). — Enfin, vers 96, saint Clkment de Rome, dans son Epîlre aux Corinthiens, allègue des sentences du Seigneur qui sont en relation étroite avec nos Evangiles de saint Matthieu et de saint Luc. 1 Clem., xiii, i, 2, 7 ; xlvi, ’].

51. 2° Appréciation des témoignages. — Résumons la portée de ces témoignages. D’abord, en ce qui concerne le quatrième Evangile : nous pouvons suivre les traces de ce livre dans l’ancienne tradition jusqu’autour de l’an iio ; et l’emploi que, vers cette époque, saint Polycai-pe fait delà I" Epître johannique, à laquelle notre Evangile doit être antérieur, la familiarité que saint Ignace montre avec les idées caractéristiques de notre document, la dépendance qu’ont à son égard les dires des presbytres entendus par Papias vers le même temps, nous assurent que l’Evangile johannique, non seulement était en circulation en l’an iio, mais qu’il avait déjà alors un certain nombre d’années d’existence, et devait dater des dernières années du i" siècle.

Quant aux trois premiers Evangiles, nous en trouvons également des traces suffisamment reconnaissablés jusqu’au début du 11= siècle et même dés l’an g5 : nous pouvons en conclure qu’ils ont vu le jour avant la fin du 1" siècle. C’est ce que garantissait déjà l’état de la tradition constatée au dernier quart du n" siècle. Et c’est aussi ce que force à admettre l’ancienneté assignée à l’Evangile de saint Jean. De l’aveu de tous les critiques, en effet, les trois premiers Evangiles sont antérieurs au quatrième : celui-ci suppose la tradition synoptique l)ien connue de ses lecteurs ; il y fait même allusion à plusieurs reprises : Jean, iii, 24 ; xviii, 13 ; xx, 2. Si donc le quatrième Evangile appartient aux dernières années du 1" siècle, les Sjnoptiques eux-mêmes ne peuvent être (] d’antérieurs à l’an 90.

2. — D’après la critique interne

La vérité du témoignage ainsi fourni par l’histoire jteut se contrôler à l’aide du témoignage de nos écrits eux-mêmes. Que l’on examine, en effet, soit la langue, soit le contenu, doctrinal et historique, des Evangiles, par comparaison avec ce que nous savons de l’époque à laquelle le témoignage de l’histoire les fait remonter, et l’on trouvera un accord parfait avec ce témoignage.

28. 1° La langue des Evangiles. — Rien de plus caractéristique que la langue de nos Evangiles. Les philologues en ont fait l’objet d’études approfondies ; ils en ont analysé toutes les phrases, déterminé toutes les constructions, classé tous les mots ; et l’on a rédigé lexiques et grammaires des Evangiles, par comparaison avec les lexiques et les grammaires des autres documents de l’antiquité chrétienne. Or, de tous ces travaux me conclusion se dégage, irrécusable : c’est que le lexique et la grammaire des Evangiles ont, sous la forme giecque, un caractère essentiellement sémitique. On n’y trouve jias seulement çà et là quelques mots conservés de la langue araméenne, parlée au temps du Christ, tels que Corhan, Raca, Ephpheta, Thalitha cumi. Eloi Eloï lamnia sahactani. Nombre de locutions ne sont intelligibles qu’en faisant appel à l’hébreu ou à l’araméen. La tournure des phrases, la liaison des propositions, la construction des mots, portent habituellement la marque de l’esprit sémitique.

C’est donc un fait que nos Evangiles sont l’œuvre de chrétiens familiarisés avec la langue juive. Bien plus, nous le verrons, leurs auteurs, à l’exception peut-être de l’auteur du troisième Evangile, et y compris celui du quatrième, sont eux-mêmes des Juifs d’origine.

Or, cela nous reporte au premier âge de la foi chrétienne, à cette époque primitive où l’Eglise sortait à peine de la synagogue et comptait parmi ses membres principaux des Juifs convertis.

53. 2° Le contenu doctrinal des Evangiles. — Le contenu des Evangiles accuse la même ancienneté. Si l’on se place au point de vue de la doctrine, nos écrits peuvent se comparer aux écrits chrétiens du II’siècle et de la tin du 1". Or, de cette comparaison il ressort qu’ils n’offrent aucune trace de dépendance à l’égard des mouvements d’idées les plus saillants qui s’accusent dans ces ouvrages.

Cela est vrai du quatrième Evangile lui-même, le plus récent d’entre eux. Baur prétendait y voir une sorte de compromis entre le gnosticisme dans tout son développement et la tradition chrétienne primitive. Aujourd’hui l’on s’accorde à reconnaître que notice Evangile est complètement étranger au mouvement gnostique ; la sobriété remarcpiable de sa spéculation, sa simplicité hardie et puissante, tranchent sur la fantaisie extravagante et échevelée qui caractérise la gnose ; il ne montre même pas la moindre intention de la réfuter, ni de la concilier avec la tradition, mais lui paraît entièrement indifférent. Or, cette absence de tendance antignostique, cette parfaite sécurité à l’égard de la gnose hétérodoxe, semblent une preuve positive que l’ouvrage a été écrit avant que ce mouvement eût commencé d’être un danger pour l’Eglise. Juelicher, Etnleitutig in das N. T., p. 324 ; J. RÉVILLE, Le quatrième Evangile, son origine et sa valeur historique, 2= éd., 1902, p. 3a632" ; LoisY, Le quatr. Evung., p. 40, 95.

54. 3" L3 contenu historique des Evangiles.

— Au point de vue du contenu historique, nos Evangiles n’ont également rien qui trahisse une époque postérieure au i^r siècle.

1° En ce qui regarde le quatrième Evangile. — Jadis l’Ecole de Tubingue trouvait des allusions à l’insurrection juive de Barkochba (132), dans ces passages de l’Evangile de saint Jean, v, 43 : « Si un autre vient en son propre nom, vous l’accepterez » ; vii, 34 :

«. Vous me chercherez et vous ne me trouverez plus x ; 

XVI, 2 : « Le temps vient où quiconque vous fera mourir croira rendre hommage à Dieu. » Aujourd’hui, c’est à peine si ces prétendues allusions sont encore signalées comme possii)les par quelques critiques. Elles sont déclai-ées par la plupart dépourvues de probabilité. Von Soden, Urchristliche JAternturgeschichte (die Schriften des A T.), 1906, p. 225 ; Loisy, Le quatr. Evang., p. 4’6, 518.

D’autre part, les critiques mêmes, pour qui notre Evangile serait une composition théologique représentant la foi et les institutions de l’Eglise à l’époque de l’auteur, estiment présentement que la a ie ainsi réfléchie dans notre document est tout au plus celle de l’Eglise à la fin du 1" siècle. « Jean, dit M. Loisy, est déjà un témoignage ecclésiastique, et qui représente la foi de l’Eglise, le mouvement religieux chrétien, vers la fin du premier siècle. » Le quatr. Evang., p. 56, cf. 74, 4 » 9 S3.’2'^ En ce qui concerne les Synoptiques. — Si nous en venons aux Synoptiques, on a cru trouver certains rapports entre les données du troisième Evangile et celles de l’historien Josèphe, et l’on a supposé que notre évangéliste avait lu l’écrivain juif (vers 95).