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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/826

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ÉVANGILES CANONIQUES

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S. Irénée. — A Lyon, saint Irknke attribue, lui aussi, notre Évangile à Marc, interprète et compagnon dePierre. Contra Ilæres., 111, x, 6 ; V, vni. C’est ce qu’il déclare, en particulier, nous l’avons vu (ci-dessus, n"* 5 et 31), dans la notice qu’il consacre aux quatre A^vangiles.

Canon de Muratori, Taiien. — Il est tout à fait à croire qu'à la même époque, le Canon de Muratori (a° 6), qui reconnaissait seulement quatre Evangiles, dontceux desaintLuc etde saint Jean, pour la lecture publique des Eglises, et le Diatessaron de Tatien (n° S), composé à l’aide de nos quatre nvangiles canoniques, tenaient également le second Evangile iiour l'œuvre de saint Marc.

Papias. — Enfin, la tradition, ainsi constatée à la (in du 11° siècle, se trouve attestée jusque dans la première moitié de ce u' siècle, chez Papias, héritier de la tradition des anciens (n" 10).

II. Valeur de ce témoignage. — Les principaux témoins du ii' siècle attribuent donc formellement notre second Evangile à saint Marc, disciple de saint Pierre, sans que l’on trouve aucune contradiction à leur témoignage. Quelle est la valeur d’une telle tradition ?


78. 1° On ne peut faire valoir contre la tradition aucune difficulté qui s’impose a priori. — On objecte sans doute que notre Evangile est une œuvre de seconde main, basée sur des documents antérieurs ; d’autre part, que les souvenirs historiques s’y trouvent transformés, parfois reuîplacés par des interprétations, des corrections, des compléments, dus au travail de la pensée cluétienne, et en particulier à l’influence des spéculations théologiques de saint Paul. LoisY, Les Evang. syn., t. I, p. 82, 84, 112. — Mais ces objections n’ont pas la portée qu’on leur suppose.

Bien que les anciens témoins se contentenle de dire notre Evangile composé d’après la prédication de saint Pierre, leur témoignage s’accommode sans peine de l’hypothèse d’après laquelle l'évangéliste aurait néanmoins utilisé des documents antérieurs. On peut parfaitement concevoir, en effet, que saint Marc ait exploité pour son travail des sources écrites, déjà consacrées en quelque sorte par l’usage ecclésiastique, et les ait complétées, arrangées, adaptées à son but, d’après les enseignements recueillis de la bouche du prince des apôtres. Peut-être même la source principale exploitée par lui et par les deux autres Synoptiques (n° 69) était-elle déjà la catéchèse de saint Pierre, circulant dans l’Eglise en diverses recensions : il a pu l’avoir sous une forme plus développée, ou la compléter et préciser lui-même à l’aide de la prédication orale de son maître.

73. Le paulinisnie de notre Evangile, si paulinisme il y a, s’expliquerait, de son côté, fort bien, dans l’hypothèse hautement probable que saint Marc, disciple de saint Pierre, I Petr., v, 13, a été également disciple et compagnon de saint Paul, n'étant autre que ce Jean Marc, qui fig.re, au livre des Actes, comme cousin de Barnabe, associé à celui-ci et à l’Apôtre dans leur voyage à Chj’pre, Act., xii, 12, 26 ; XIII, 13 ; XV, 3^-89, identique enfin à ce Marc que saint Paul lui-même pésente comme son auxiliaire au moment où il écrit plusieurs de ses Epîtres, Col., IV, 10 ; Pliilem., 24 ; II Tim., iv, 11. — Ces traces de théologie paulinienne sont d’ailleurs très douteuses, ce que l’on appelle de ce nom étant le plus souvent, en réalité, une tendance commune aux prédicateurs chrétiens de la génération apostolique, et se rattachant à l’enseignement authentique du Sauveur Jésus lui-même.

Quant au départ que l’on prétend établir entre les souvenirs historiques et les transformations apportées par le travail progressif de la foi, il dépend à peu près entièrement de l’idée qu’on se fait, à l’avance, de l’histoire évangélique, et, en particulier, du préjugé que l’on a à l'égard de son contenu surnaturel (n" S18). On ne peut l’opposer en principe à la thèse de la composition de l’Evangile par un disciple direct de saint Pierre.

2° Examinée en elle-même, et sans idée préconçue, l’attribution duII’EvangileâsaintMarc par la tradition du II" siècle, présente, au contraire, une valeur de premier ordre.

74. i*" La qualité du personnage choisi. — La qualité du personnage choisi est, à elle seule, une garantie de vérité,

J.^ attribution à saint Marc suppose un rapport réel entre ce personnage et la composition de l’Evangile. — La tradition, en effet, regarde l’Evangile comme ayant été rédigé à l’intention des fidèles de Rome, et contenant les souvenirs du chef des apôtres. Pourquoi l’a-t-on attribué à un personnage aussi obscur que Mai’c, un simple disciple, et qui ne figure même comme tel que dans une brève mention de lai" Epître de saint Pierre, v, 13 ? Pourquoi n’en avoir pas fait honneur à Pierre lui-même ? On devait s’y sentir fortement incliné, si l’on en juge par la tendance des apocryphes les plus anciens, du pseudo-Evangile de Pierre, en particulier. Voir art. Apocryphes (Evangiles) ci-dessus, col. 179-180. Seule, semble-t-il, la vérité de l’histoire a pu motiver l’attribution au disciple obscur plutôt qu’au maître glorieux. La parole de Renan, Les Evangiles, 2° éd., p. II 4, n. I, demeure tout à fait juste : « Marc n’eut pas assez d’importance pour qu’on ait cru relever un écrit en le lui attribuant. »

La mise du 11* Evangile au nom de Marc paraît donc supposer de toute nécessité un rapport réel entre ce disciple de saint Pierre et la composition de notre document.

75. Ce rapport doit être celui d’une composition intégrale de l’Evangile par saint Marc. — A en croire A. LoiSY, ce rapport ne serait pas celui d’une composition intégrale et définitive ; Marc aurait seulement rédigé vin premier document, qui plus tard aurait servi de source au rédacteur final (n° 68). « Si un disciple de Pierre, dit-il, a eu part à la composition du second Evangile, ce ne peut être le dernier rédacteur, c’est-à-dire le véritable auteur de ce livre, mais l’auteur de la notice concernant la prédication et la mort de Jésus, c’est-à-dire l’auteur du document exploité par l'évangéliste, et où l’on peut reconnaître un écho du témoignage apostolique, spécialement des souvenirs de Pierre. » Les Evang. syn., t. I, p. 1 13. « S’il y a au fond du second Evangile une relation qui représente la tradition de Pierre, et si cette relation a été écrite par un disciple de l’apôtre, qui avait nom Marc, ce sont deux hypothèses qui pourraient aider à concevoir le travail légendaire d’où est sortie la notice qu’Eusèbe a trouvée dans Papias. » Itnd., p. 27. Cf. VON SoDEN, L’rchristliche Literaturgeschichte, 1906. p. 71 sq., 77 sq.

Cette conjecture ne peut guère se soutenir. On ne voit pas bien, en effet, que, dans l’Eglise même de Rome, où l’Evangile a été publié, la tradition ait pu laisser immédiatement dans l’ombre le rédacteur proprement dit de l’Evangile, pour mettre en évidence l’auteur d’un simple document partiel ayant servi à sa composition. N’est-ce pas à l’auteur définitif qu’on devait surtout s’intéresser ? Et n’est ce pas ce rédacteur final qu’il était leplusfacile d’identiQer ? Si l’on avait songé àl’auteur responsable d’une som-ce