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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/827

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EVANGILES CANONIQUES

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antérieure, ne serait-on pas allé jusqu’à saint Pierre lui-même ? Aussi bien conçoit-on dillicilcment un Evangile, publié à Rome fort peu de temps après la mort du chef des apôtres, sinon auparavant, et qui n’aurait pas été rédigé par un héritier immédiat et autorisé de sa tradition, mais aurait seulement été basé siu" le travail d’un de ses disciples.

76. M. Loisy se rend compte de l’invraisemblance de l’hypothèse, et il en vient à insinuer une explication toute dilférente. « Ce peut être, dit-il, … à sa qualité d’ancien évangile romain, plutôt qu’à l’origine d’une de ses sources, que le livre doit son attribution à un disciple du prince des apôtres. » Ibid., p. 119. Le criticjue laisse même entendre que l’on aurait imaginé tout exprès à cette intention le rapport de Marc avec saint Pierre. « Au livre se rattachait, dit-il, le nom de Marc, et ce Marc, qui était censé avoir été compagnon de Paul, on tenait surtout à ce qu’il fût regardé comme compagnon de Pierre. » Ibid.. p. 27. Et ainsi s’expliquerait la notice transmise par Papias (n" 10). De son côté, « la mention de Marc clans l’Epitre de Pierre n’est peut-être pas sans rapport avec l’attribution du second Evangile à un disciple du prince des apôtres : ce serait une mention intéressée, comme le dii’e de Jean l’Ancien ». Ibid., p. 113.

Mais ces suppositions ne sont pas plus soutenables que la précédente. On ne comprendrait vraiment pas qu’on eût songé, pour le patronage de l’Evangile romain, à un disciple de Paul qu’il aurait fallu prendre la peine de transformer en disciple de Pierre : est-ce que Pierre n’avait pas laissé des disciples très authentiques à qui on pût rapporter aisément cet écrit ? Et, si l’on agissait si librement à l’égard des faits, que n’a-t-on, encore une fois, publié l’ouvrage sous le couvert de l’apôtre lui-même ?

La tradition du 11’siècle, prise dans son ensemble, requiert donc une réelle participation d’un disciple de saint Pierre, nommé Marc, à la composition du II’Evangile, et cette participation n’a pu être que la rédaction proprement dite et définitive de notre Evangile actuel.

77. 1° Le témoignage de Papias. — C’est ce que nous garantit tout particulièrement le témoignage de Papias (n° 10).

Le renseignement de Papias lui a été fourni par

« le Presbytre ». — L"éêque d’Hiérapolis déclare tenir

son renseignement, touchant l’origine du 11’Evangile, d’un personnage qu’il appelle « le Presbytre » ou « l’Ancien ». Qu’élait-ce ce personnage ?

Le Presbytre de Papias est le presbytre Jean d’Ephèse. — A en juger par le titre même que Papias lui donne, de Presbjtre par excellence, ce devait être un homme considérable, un représentant très autorisé de l’antique tradition.

D’après Euskbe, qui a eu son ouvrage entre les mains, le personnage que Pai)ias qualiliait de la sorte dans son livre et dont il reproduisait fréquemment le témoignage, s’appelait Jean, a II se donne lui-même, dit-il, en parlant de l’évêque d’Hiérapolis, //. E., iii, XXXIX, pour auditeur d’Aristion et du Presbytre Jean ; du moins il insère leurs traditions dans ses commentaires, en les mentionnant souvent par leur nom. »

Or, ce presbytre Jean, s’il était une des principales

autorités de Papias, a dû vivre non loin d’Hiérapolis,

en Asie Mineure. Ce ne [teut être que le fameux Jean,

I fpii vécut à Ephèse à la (indu i" siècle et impressionna

I si fort toute la tradition asiatique du 11’(n°149s(j.). le Jean sous le patronage duquel se [)lace l’Apocalypse, ouvrage d’Asie Mineure, celui dont se réchinuiit Polycarpe, à l’époque où il avait pour auditeurs Irénéc et Florinus (n" ISO), celui enfin dont Polycrate

affirme qu’il a son tombeau à Ephèse et qu’il garantit l’usage particulier des Eglises d’Asie concernant le jour de la célébration de la Pàque (n" 149). Mais c|ui est ce Jean le Presbytre d’Ephèse ?

78. Le piesbytre Jean d’Ephèse est i apôtre saint Jean. — A la lin du 11’siècle, Tkrtulliex (n" 148) et Clément d’Alexandrie (ibid.) Aoient en lui l’apôtre Jean, iils de Zébédée. Polycrate (n° 149), évêque même d’Ephèse, vers igo, l’identifie au disciple qui reposa sur la poitrine de Jésus, c’est-à-dire à l’apôtre saint Jean. Saint Irémîe (n° ISO), dont les relations avec l’Asie Mineure sont connues, a la même attitude, et il croit que tel était le témoignage de son maître Polycarpe, disciple immédiat de ce Jean. A l’époque de saint Polycarpe, saint Justin (n" ISS), converti à Ephèse, identitie le même Jean d’Asie Mineure, auteur de l’Apocalypse, à « Jean, l’un des douze apôtres du Christ ». En résumé, un ensemble de témoignages on ne peut plus imposants nous amène à voir dans le fameux Jean d’Ephèse l’apôtre saint Jean (n° 147 sq.).

C’est donc l’apôtre saint Jean que devait viser Papias par « le Presbytre ». De fait, saint Irénée, qui avait son ouvrage entre les mains et était en mesure de le bien interpréter, appelle Papias u compagnon de Polycarpe » et « auditeur de Jean », savoir de Jean « le disciple du Seigneur », celui qui reposa sur la poitrine de Jésus à la dernière Cène. Contra Hæres., V, xxxiii, 3, 4 ; IH, i, I.

79. Témoignage contradictoire d’Eusèbe, et objection tirée d un passage de Papias. — Ensèbe, il est vrai, s’inscrit en faux contre cette assertion. Après avoir rapporté le témoignage de lévêque de Lyon, il ajoute, //. E., III. xxxix : « Voilà ce que dit Irénée. Mais Papias, dans le prologue de ses Logia, ne se présente pas comme ayant vu et entendu les saints apôtres ; il atteste simplement avoir reçu de leurs disciples les choses qui ont rapport à la foi. » En particulier, Ensèbe donne à entendre que le presbytre Jean, dont Papias se déclare l’auditeur direct et dont il se plaît à insérer les traditions dans ses commentaires, est un i)resbytre différent de l’apôtre de ce nom.

Pour l’établir, Eusèbe cite un morceau du prologue de Papias, dont voici le passage essentiel :

« S’il survenait quelqu’un qui eût fréquenté les

presbytres, je consultais les dires des presbytres (-5v ; Tôiv TzpesC-jriprjiv àvéxocjov)d-/oit :) : qu’ont dit (t<’… ùzi-j) André, Pierre, Philippe, Thomas, Jacques, Jean, Matthieu, ou quelque autre des disciples du Seigneur ? et ce que disent (â Ts…)éyoj17rj) Aristion et le presbytre Jean, disciples du Seigneur. » Dans ce j)assage, fait remarquer Eusèbe, on trouve cité à deux reprises le nom de Jean : une première fois avec Pierre, Jacqiies, Matthieu et les autres apôtres : c’est évidemment le Iils de Zébédée ; une seconde fois, en compagnie d’Aristion, et avec les simples titres de disciple du Seigneur et de presbytre : ce doit être un personnage différent. « Ainsi, ajoute-t-il, apparaît vraie la relation de ceux qui ont alTirmé que deux personnages du même nom ont vécu en Asie, et qu’à Ephèse se trouvent deux tombeaux qui, maintenant encore, sont ajjpelés l’un et l’autre : tomiteau de Jean. A quoi il est nécessaire de prêter attention, car il est vraisemblable que l’Apocalypse, inscrite sous le nom de Jean, a été révélée au second, si l’on ne veut pas du i)reniier. »

80. Critique de l’argumentation d’Eusèbe. — Maisil semble impossible que cette opinion tardive <l’Eusèbe puisse ]>révaloir contre l’affirmation primitive de saint Irénée. — Tout d’abord, il faut convenir qu’elle est ins[)irée par un préjugé. Eusèbe a quelque difficulté à reconnaître la pleine canonicité de l’Apoca-