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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/844

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EVANGILES CANONIQUES

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lypse à l’apôtre Jean. « Chez nous, écrit-il, l’un des apôtres du Christ, nommé Jean, a prophétisé, dans la Révélation (1" Apocalypse) qui lui a été faite, que les fidèles de notre Christ passeraient mille ans à Jérusalem, et qu’après cela auraient lieu la résurrection simultanée, générale et définitive, de tous les hommes, et le jugement. » Dialog. cuin TnpJwrie, lxxxi. — Les Montanistes devaient partager la même opinion, car ils s’autorisaient de l’Apocalypse comme d’un écrit apostolique et inspiré.

Or, le Jean qui, dans l’Apocalypse, s’avoue auteur de l’ouvrage, i, i, 4> 9 ! xxii, 8, se présente nettement aux chrétiens d’Asie comme un compagnon de souffrances et un frère, i, 4) 9^ i’j il connaît intimement leurs Eglises et peut en parler avec une autorité incontestée, ii, m. Ni saint Justin, ni les Montanistes n’ont pu s’y méprendre : ils ont sûrement vu dans ce personnage un Asiate. Si donc ils l’identifient à l’apôtre Jean, c’est qu’ils admettent le séjour de cet apôtre en Asie.

On ne saurait trop insister sur l’importance de ce témoignage. Il confirme péremptoirement celui de Polycrate et de saint Irénée, auquel il est antérieur. Une valeur toute spéciale lui vient de ce que saint Justin, originaire de Xaplouse, a été converti au christianisme à Ephèse même, vers l’an 130, et doit reproduire la croyance qu’il a puisée dans cette ville au temps de sa conversion.

156. III. TÉMOIGXAGES DE LA FIN DU I^r SIÈCLE.

L’Apocalypse. — Indépendamment du témoignage de saint Justin, l’Apocalypse (de l’an 96, au plus tard) semble, par ses seules données, attester le séjour de saint Jean en Asie Mineure. Elle se donne, avons-nous dit, pour l’œuvre d’un chrétien, nommé Jean, lequel apparaît manifestement comme un Asiate. Or, ce Jean d’Asie Mineure, auteur avoué de l’Apocalypse, ne peut être vraisemblablement que l’apôtre. Il se suppose bien connu de ses lecteurs, à qui il se désigne simplement par son nom de Jean ; il sait à merveille les secrets des Eglises d’Asie ; il leur parle avec une autorité absolue, à la façon d’un chef éminent et incontesté. Il s’agit évidemment du fameux Jean d’Ephèse ; et la manière simple dont il se désigne, comme l’autorité exceptionnelle qu’il s’attribue, s’accorde bien avec toute la tradition subséquente qui identifie ce Jean d’Ephèse à l’apôtre saint Jean.

157. Le chapitre xxi de l’Evangile. — C’est un témoignage plus précis et décisif que nous ofi’re enfin le dernier chapitre du quatrième Evangile. — L’auteur de ce chapitre, nous l’avons vu (n^ 145), présente à ses lecteurs asiates le personnage bien connu, regardé comme le dernier survivant de l’âge apostolique, qui est le fameux Jean d’Ephèse, et il l’identifie expressément avec le disciple, c’est-à-dire l’apôtre, qui a reposé, à la dernière Gène, sur la poitrine de Jésus. Qu’est-ce à dire ? Sinon que l’auteur de ce chapitre identifie Jean d’Ephèse à Jean l’apôtre, et par conséquent admet le séjour de l’apôtre Jean à Ephèse.

Dans l’hypothèse même où ce chapitre aurait été ajouté à l’Evangile, au moment de sa publication, c’est donc dès la fin du 1" siècle, et en Asie Mineure, que nous trouvons attesté le séjour de saint Jean en cette contrée. Or, il est impossible de soupçonner avec M. Loisy, Le qiiatr. Evang, , p. 182, un faux commis par les éditeurs, dans l’intention de donner crédit à leur livre. Comprendrait-on qu’à Ephèse même, immédiatement après la mort du personnage bien connu de cette ville, sinon auparavant, on ait eu l’audace de le faire passer pour l’apôtre Jean, alors que tout le monde aurait bien su qu’il ne l’était pas ? Et comprendrait-on que, dans ce milieu, à cette

époque, la fraude grossière eîit si bien réussi que toute la tradition asiate en aurait subil’influence, sans que l’on trouvât trace de la moindre contradiction ? La chose est simplement incroyable.

158. Conclusion. — En résumé, le séjour de saint Jean à Ephèse est un fait attesté aussi sérieusement qu’il est possible. L’historien doit l’admettre avec une confiance absolue. Rexan, E Antéchrist, 1878, p. 558 sq. ; Wei/sahcivEr, Das Apostolische Zeitalter der christlichen Kirche, ’à' éd., iyo2, p. 477-482 ; Jueli-CHER, Einleitung in das. T., 6’éd., igo6, p. 323 sq., 339-340 ; CoRssEX, W’aruni ist das yierte Ei’angeliiini fur ein Werk des Aposlels Johannes erklàrt worden ? dans la Zeitschrift ftir die neiit. IVissenschaft, 1901, p. 207, 21 1 ; Harnack, Chronologie, 1897, t. i, p. G78, n. 3 ; Drummond, An Inquiry into the Character and Autkorship of the Fourth Gospel, 1903, p. 21 3-235. Cf. Lepin, L’origine du quatrième Es’angile, 1907, p. 73-177.

Or, nous l’avons dit, c’est une garantie de premier ordre en faveur de la tradition qui attribue à Jean l’apôtre notre Evangile d’Asie Mineure.

2. D’après la critique interne

L’argument de témoignage traditionnel, si probant par lui-même, trouve dans l’examen interne du quatrième Evangile une confirmation très significative et péremptoire. De l’examen attentif du livre, en effet, il ressort que cet Evangile, composé en grec et publié en Asie Mineure, a néanmoins pour auteur un Juif d’origine, connaissant intimement la Palestine contemporaine du Sauveur, et qui s’identifie lui-même au disciple que Jésus aimait, c’est-à-dire à l’apôtre saint Jean, dans des conditions qui ne permettent pas de suspecter le bien-fondé de cette identification.

159. I. L’auteur du ive Evangile est ux Juif d’origine. — Il a pour langue maternelle l’hébreu ou Varaméen. — Sa langue, en effet, offre, sous le vêtement grec, la manière caractéristique du parler sémitique : pas de liaisons savantes entre ses membres de phrase, mais des suites de propositions très simples, presque constamment reliées par la conjonction et, et souvent accouplées d’une façon sj métrique, qui donne à la phrase quelque chose de cadencé. — L’auteur connaît d’ailleurs très bien l’hébreu et l’araméen : il en cite de nombreux termes qu’il interprète très correctement à ses lecteurs : i, 38, 4’» 4’-^ ; V, 2 ; IX, 7 ; XIX, 13, 17 ; XX, 16.

// connaît bien les usages juifs. — Avec la langue, il connaît les usages des Juifs : les fêtes, de la Pàque, II, 13 ; vi, 4 ; xi, 55 ; xii, 12 ; xiii, 1, des Tabernacles, VIII, 2, de la Dédicace, x, 22 ; la loi du sabbat, V, 9, 10 ; XIX, 31, 42 ; celle de la circoncision, VII, 22, 23 ; la coutume des ablutions aux repas, 11, 6 ; les usages concernant la fréquentation des édifices païens, xviii, 28, et les relations avec les Samaritains,

IV, g ; VIII, 48.

// est familiarisé ai’ec les idées juives. — Il n’est pas moins familiarisé avec les idées juives, surtout celles qui regardent le Messie, son origine et sa destinée : I, 20, 21, 45, 49 ; VI, 14, 15, 27, 42, 52 ; VII, 31 ; XII, 34 ; xviii, 33 sq. Il est au courant de la Loi, de son rapport avec Moïse, de ses diverses prescriptions : I, 17, 4Ô ; V, 46 ; VII, 51 ; viii, 17 ; XIX, 7. Surtout l’Ecriture est pour lui l’autorité par excellence :

V, 39 ; X, 35 ; il lui emprunte la figure du serpent d’airain et la comparaison de la manne : iii, 1 4 ; vi, 31 sq. ; il la cite pour justifier les prétentions de Jésus, l’idée de sa naissance à Bethléem, l’attitude des croyants et des incroyants à son égard : vi, 4^ ; vii,