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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/855

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EVANGILES CANONIQUES

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salaire dû à l’ouvrierde l’Evangile, Rom., xii, 14 ; xiii, 8-10 ; VIII, 15-17 ; Gal., IV, i-j ; 1 Cor., ix, 14, suppose des discours de Jésus pareils à ceux qui sont consignés dans nos documents. Cf. R.-J. Kxoavling, The Testimony of St. Paul to Christ ^newed in some of iis aspects, 1906 ; P. Batiffol, Orpheus et l’Es-angile.

P- 87-99 Mais c’est surtout, si l’on peut dire, par contraste que les Epîtres de saint Paul font ressortir l’authenticité des discours que les Synoptiques mettent dans la bouche du Sauveur. — Que l’on compare, en effet, ces discours du Christ synoptique avec ceux de l’Apôtre, au point de vue du fond, et l’on constatera une profonde différence. Les discours de saint Paul contiennent déjà une théologie développée ; la christologie y est beaucoup plus explicite ; les préceptes de morale, plus détaillés, adaptés aux conditions nouvelles de l’Eglise. Comparés aux enseignements de Jésus, ils en font ressortir, d’une manière très sensible, la primitivité, et partant l’authenticité. — Plus net encore est le contraste au point de vue de la forme. Les discours de Jésus demeurent uniques par leur simplicité, leur usage constant de la comparaison et de l’image, le tour exquis qui y est donné aux paraboles, la façon énergique et saisissante dont proverbes et sentences y sont frappés. C’est ici, évidemment, la forme originale, en quelque sorte archaïque, fidèlement conservée.

206. fi° Comparaison avec les Actes des apôtres, au point de vue des discours. — La comparaison des discours tenus par les apôtres dans le livre des Actes conduit à une constatation semblable ; et une remarque contribue à donner à cette constatation une signification particulière. C’est que le rédacteur du livre des Actes est en même temps l’auteur du troisième Evangile. D’où A^ient l’accord exact des discours qu’il attribue à Jésus avec ceux des autres Synoptiques ? D’où vient leur cachet primitif si bien accentué, leur différence absolue d’avec les discours mis dans la bouche des apôtres, sinon de la fidélité de l’évangéliste à reproduire ses sources et de la conformité générale de sa relation avec la réalité de l’histoire ?

5° Comparaison avec les Evangiles apocryphes. — Enfin, c’est le contraste même des Evangiles apocryphes qui tend à faire ressortir l’historicité de nos Evangiles canoniques, comme la comparaison du faux met en évidence les caractères de la vérité. Cf. Evangiles apocryphes et Evangiles canoniques (collection Science et Religion), et dans ce Dictionnaire, art. Apocryphes (Evangiles).

S07. Conclusion. — L’historicité substantielle des Synoptiques est donc un fait qui s’impose de la manière la plus scientifique et la plus certaine.

Cette vérité n’est niée que par certains écrivains qui, tout en se réclamant de la rigueur scientifique, sacrifient inconsciemment le témoignage des faits à l’esprit de système et jugent de la valeur de nos écrits d’après le préjugé ({ue leur inspire a priori leur contenu surnaturel. A entendre, par exemple, M. S. Reinach, « les Evangiles, abstraction faite de l’autorité de l’Eglise, sont des documents inutilisables pour l’histoire de la vie réelle de Jésus », Orpheus, 1909, p. 828 ; « le Jésus historique est proprement insaisissable ». Ihid., p. 332. M. C. Gi’igne-BERT n’est guère moins excessif : à son sens, « il n’est point exagéré de dire qu’en l’état actuel de nos sources, il nous est impossible de nous représenter la vie de Jésus avec une probabilité suffisante d’exactitude )), Manuel d’histoire ancienne du christianisme, 1906, p. 156 ; « l’inévitable conclusion où nous conduise l’examen des documents, c’est… que la vie de

Jésus est pour nous impossible à saisir ». Ibid., p. 198. De telles appréciations, étroitement apparentées aux conclusions de la vieille école de Tubingue (cf. Strauss, n° S09), sont formulées à l’encontre du sentiment général des critiques actuels les plus indépendants.

Ces critiques sont si impressionnés par les garanties de vérités propres aux Evangiles synoptiques que, pratiquement, ils admettent comme historique tout ce qui, dans nos documents, ne heurte pas d’une façon trop directe le préjugé rationaliste.

Renan résumait son oi)inion, à leur sujet, en déclarant les admettre « comme des documents sérieux », auxquels on ne peut songer à comparer les apocryphes. Vie de Jésus, p. lxxxi-lxxxviii ; /.’Eglise chrétienne, 1879, P’^o^’M. Harnack a formulé ainsi ses conclusions : « Les Evangiles ne sont pas des écrits départi, et ils ne sont pas non plus, d’une façon appréciable, l’œuvre de l’esprit grec. Dans leur contenu essentiel, ils appartiennent à la période primitive du christianisme, à sa période judaïque, à cette courte époque que nous pouvons regarder comme l’époque paléontologique… La langue grecque est posée légèrement sur ces écrits, dont le contenu peut être traduit en hébreu ou en araméen sans beaucoup de peine. Il est incontestable que nous avons affaire là à une tradition originelle. » Bas U’esen des Christentums, 1900, p. i^.

C’est dans le même sens que M. Juelicher écrit :

« Les Evangiles synoptiques sont d’une valeur inappréciable, 

non seulement comme livres d’édification religieuse, mais encore comme documents autorisés pour l’histoire de Jésus. » Einleitung in das N. T., 1906, p. 828.

Telle est également l’opinion de critiques comme A.-B. Bruce, art. Jésus dans VEncycl. bibl., t. II, 1901, col. 2437 ; O. HoLTZMANN, Leheu Jesu, 1901, p. 6-60 ; W. BoussET, M’as wissen wir von Jésus ? igo/i, p. 27-62 ; VON SoDEN, Urchristliche J.iternturgeschichte, 1906, p. 76 ; P. "VVernle, Die Quellen des Lebens Jesu, 1906, p. 69-70, 81-87 ; ^*^*^ II. Valeur historique des Synoptiques pour le contenu surnaturel

Autant les critiques indépendants reconnaissent volontiers l’historicité des Evangiles synoi)tiques pour l’ensemble des données, autant ils sont unanimes à nier que cette historicité s’étende au contenu intégral de nos documents. Ce qui fait difficulté à leurs yeux, ce sont les éléments surnaturels de ces écrits. Beaucoup de données évangéliques sont inexplicables par les seules lois de la nature, et requièrent nécessairement un principe d’ordre surnaturel : or le surnaturel est déclaré inadmissible par la critique rationaliste ; il doit donc être exclu impitoyablement de l’histoire.

Cependant ce discernement même et cette élimination du surnaturel évangélicjue ne sont pas opérés d’une manière uniforme. A ce point de vue, l’on peut distinguer plusieurs méthodes ou plusieurs systèmes, que nous allons exposer aussi exactement que possible. Nous comiuencerons par le système de Strauss, qui a exercé une si grande influence sur les critiques rationalistes vcnusai)rès lui et qui se retrouve encore en nuiintes de leurs théories.

I. — Exposé général des systèmes employés,

à partir de Strauss,

pour l’élimination du surnaturel évangélique

SOS 1 " Système de Strauss. — Subordination I de la question de valeur documentaire à celle de non-