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ÉVANGILES CANONIQUES

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comme le moyen de la puriQcation spirituelle et véritable.

En réalité, l’antithèse, qui est au fond du récit, et qui est exprimée par le Sauveur lui-même, au v. lo, se trouve entre le vin nouveau du miracle et le vin qui a servi à la première i)artie du repas. Cette antithèse même ne peut signifier l’Evangile nouveau remplaçant la loi ancienne : ce sont, en efTet, les mêmes convives qui boivent du premier vin et du second ; le même repas a pour ainsi dire deux parties : le Sauveur et ses disciples ont assisté à l’une et à l’autre ; il n’y a donc pas l’opposition nécessaire entre le régime nouveau du christianisme et celui du judaïsme ancien. Concevrait-on d’ailleurs que le régime de lEvangile fût représenté i)ar un festin nuptial dont le Christ n’est pas l’Epoux, mais un simple convive ?

Il est bien évident que la mère de Jésus ne peut représenter la synagogue : elle est si bien sa mère selon la chair, si peu la Aieille communauté d’Israël, qu’on nomme auprès d’elle les frères du Sauveur, que plus loin on parlera de son éi)oux, et on mentionnera même à ses côtés sa sœur ou belle-sœur : II, 12^ VI, 42", XIX, 20. Et puis l’auteur aurait-il donc Aoulu montrer la synagogue demandant au Christ (le promulguer son Evangile, ou d’instituer son Eucharistie, en faveur des chrétiens ?

S47. La guérison du fils de Voflicier royal (cf. no 239). — Pour que le fils de l’olficier royal de Capharnaiim pîit représenter le paganisme, il faudrait qu’à tout le moins il apparût en quelque détail du récit comme un païen lui-même. Or, toute indication en ce sens fait défaut. An contraire, son père, qualifié de /BaTt/tzo ; , ne peut, semble-t-il, être qu’un parent ou un ollicier du tétrarque de Galilée, Hérode Antipas : c’est donc apparemment un Galiléen ; il réside d’ailleurs à Capharnaiim, et rien n’insinue qu’il ne soit pas un Juif comme les autres habitants de cette contrée.

La parole : « Ton lils vit » — tout le contexte le montre : cf. iv, 47. 49- 52 ; et aussi l’analogie de l’Ancien Testament : Is., xxxviii, 1, 19 ; Ps. cxvii, i-j ; cxviii, 77. 116, 144 ; Prov., IV, 4 ; ^"i 2 ; Eccli., XVII, 27 ; Estlter, IV, 1 1 ; xvi, 13, etc. — signifie simplement que l’enfant, après avoir été moribond, est désormais hors de danger, pleinement rendu à la vie : elle ne convient point à la résurrection proprement dite du paganisme, plongé dans la mort du péché.

La mention de l’heure ne peut, non plus, avoir la Iiorlée symbolique qu’on suppose. La formule approximative : <i vers la septième heure » n’est pas d’un écrivain symboliste. L)ire que l’auteur a choisi un nombre parfait, j)our marquer la perfection de l’œuvre du Christ, est arbitraire, car, s’il avait employé un nombre différent, on aurait prétendu tout aussi l)ien qu’il avait voulu accentuer l’étal malheureux du monde païen au moment de sa conversion

Enfin, il est clair que si le moribond est guéri à distance, il l’est par Jésus lui-même, et instantané luent, si bien que l’on insiste sur la simultanéité de l’intervention du Sauveur et do la guérison cflïctuéc, le retard apparaissant seulement dans la constatation de cette coïncidence. Comment cela pourrait-il signifier que le paganisme n’a été converti que par les disciples du Christ ?

248. le paralytique de liéihesda (cf. n » 240). — Le paralytique de Béthesda figure en compagnie d’autres malades : « Sous ces portiques, dit lévangéliste, étaient couches quantité d’infirmes, aveugles, paralyfifpies, estro[)iés », v, 3 : cela rend l>ien invraisemblal )le qu’il soit un type figuratif. Ce qui rend la chose encore plus improbable, c’est que Jésus attribue son infirmité à ses péchés, v, 14 : or, au point de

vue symbolique, l’infirmité du malade signifie son état de péché lui-même.

Au fait, l’âge donné au paralytique ne peut s’interpréter raisonnablement d’un symbole du peuple juif. Les trente-huit ans dont il est question dans le Deutéronome, ii, i 4, ne se réfèrent qu’à une partie du séjour d’Israël dans le désert, savoir au trajet de Cadès-Barnéa au torrent de Zéred. Partout ailleurs, la durée ofiicielle du fameux séjour est exactement de quarante ans : yomb., xiv, 33-34 ; xxxiii, 13 ; Deut., Il, ’j ; VIII, 2 ; XXIX, 5 ; Amos, 11, 10 ; v, 25 ; Ps. xcv, 10 ; Néliém., i-s., 21 ; Judith, v, 15 ; Act., vii, 23, 30, 36, ! ’i ; XIII, (8 ; Ilébr., iii, 10, 17. Or, c’est d’une façon absolument fantaisiste que l’on prétend trouver ici le chiffre de quarante, en ajoutant aux trente-huit ans mentionnés les deux années qui restent jusqu’à la mort du Christ.

La mention des cinq portiques ne su (Tirait sans doute pas à montrer dans la piscine prol)atique la figure de la Loi de Moïse. Une circonstance va d’ailleurs formellement contre un tel symbolisme : c’est que l’eau de la fontaine, étant la figure du régime légal, devrait être représentée comme inefficace et sans vertu, jusqu’à l’intervention du Christ ; or, au contraire, le fond même du récit — quoi qu’il en soit de l’authenticité des vv. 3’, 4 (cf. no 47) — suppose que l’eau avait efficacité pour guérir, et qu’elle avait guéri déjà, puisqu’on y venait.

249. La multiplication des pains (cf. n" 241). — La liaison entre le miracle de la multiplication des pains et le discours sur le pain de vie est indéniable ; mais elle se comprend parfaitement, au point de vue de l’histoire, et de la part de Jésus, Le Sauveur a pu partir du fait de la multiplication des pains et du voyage de la foule à sa recherche, pour en tirer une leçon sur l’empressement qu’il faut avoir pour le pain de vie qu’il est lui-même ; il a même pu, lors de l’accomplissement du miracle, se proposera l’avance cette instruction ; mais il paraît certain que Févangéliste n’a pas créé son récit sous l’influence de cette idée, et qu’il n’a pas modifié le récit parallèle de ses devanciers pour faire valoir cette signification symbolique.

Si nous considérons, en effet, la partie principale du récit, 1 allusion à l’eucharistie n’y apparaît pas plus accentuée que dans les Evangiles antérieurs ; elle l’est même moins. L’expression i^yy.piz-iij n’a pas dû être choisie par l’évangéliste comme étant le terme sacramentel apte à désigner l’eucharistie : dans les écrits du Nouveau Testament, les deux termes vjyy.pmiï-j et iii.iv/uj sont employés à peu près indifféremment l’un pour l’autre, dans la description du repas religieux : cf. Marc, xiv, 22 : = Matth., xxvi, 26 = Luc, xxii, 19 ; I Cor., XI, 24. Notre auteur lui-même fait rendre grâces à Jésus, en employant le terme t’jy’/.pnr-rj, dans une circonstance qui n’a pas le moindre rapport avec l’eucharistie, savoir la résurrection de Lazare. Ici le verbe actif l’Ay/iï-j serait même j)articuliérement bien Acnupour marcjuer comment la bénédiction du Christ affecte les pains matériels et les ]>énètre d’une vertu divine qui les rend aptes à se multiplier.

Les Synoptiques, dans leur double récit de multiplication de i)ains, Marc, vi, 4’= Matth., xiv, ig =z Luc, IX, iG ; Marc, viii, 6 = Matth., xv, 30, insèrent ce détail que Jésus, après avoir I)éni les j)ains, les « rompit ». Ce trait figure également dans tous les récits de la dernière Cène : Marc, xiv, 22 = : Matth., XXVI, 26 = Laic, xxii, 19 = I Cor., xt, 24. Comment se fait-il que le quatrième évangéliste, s’il était préoccupé du symbolisme eucharistiijue, soit justement seul à l’omeltre ? Un tel trait aurait heureusement comi » lété le rapport entre les deux actes.