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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/867

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EVANGILES CANONIQUES

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d’illumination pour laquelle il a été envoyé et qu’il doit réaliser avant que vienne la mort, qui mettra lin à sa carrière terrestre et amènera pour les Juifs la nuit, en les privant de leur lumière. Cf. xii, 35 ; xi, 9 ; vii, 33 ; viii, 21 ; iii, 19-21 ; v, 35. D’autre part, l’aveugle, devenu voyant, sert au Sauveur de thème de comparaison pour rejirésenter les Juifs fidèles, au cœur simple et droit, devenus croyants, par contraste avec ceux qui, se targuant de bien voir, de voir mieux que les autres, et ayant la prétention de les éclairer, en réalité sont des aveugles.

S58. La résurrection de Lazare (cï. n"244). — « Je suis la résurrection et la vie », dit Jésus à l’occasion de la résurrection de Lazare : cette parole signiliet-elle qu’il est principe de vie spirituelle pour l’humanité croyante, et cette vérité peut-elle être symbolisée par le miracle que raconte l'évangéliste ? Il ne semble pas. Le Sauveur explique ainsi sa pensée : « Celui qui croit en moi, quand même il mourrait, vivra. Et quiconque vit et croit en moi ne mourra pas pour toujours. » La mort dont il s’agit est incontestablement la mort corporelle ; il semble donc que la vie pareillement en question ne puisse être que la vie du corps. Le croyant a beau subir la mort, il ne lui reste pas soumis à jamais ; il en sera délivré un jour ; une fois trépassé, il reviendra à la vie. Or, on conçoit qu'à l’appui de cette allirmation de principe, et comme gage de ce qu’il accomplira plus tard à l'égard de tous les croyants, Jésus ressuscite actuellement un mort en particulier. La résurrection de Lazare n’apparaît plus, dans ce cas, comme le sj’mbole d’une vérité spirituelle, mais bien comme une preuve de la déclaration faite par le Christ, un exemple individuel et présent qui garantit le fait général et à venir.

De fait, Lazare n’a pu être conçu par l'évangéliste comme type représentatif de l’iiumanité. Sun nom. interprété « Dieu est secourable », n’offre qu’une signification vague et banale, en regard du symbolisme précis attribué au récit. Le personnage est, au contraire, bien individualisé par les renseignements fournis sur sa famille, et il est impossible de les réduire au symbolisme. — On veut que Marthe soit la figure de l’Eglise judéo-chrétienne, et Marie celle de l’Eglise de la gentilité : mais d’où vient que la magnifique profession de foi du v. 2^, qui convient si bien au christianisme spirituel et parfait, se trouve placée, non dans la bouche de Marie, mais dans celle de Marthe ? Et que peuvent signifier ces détails, que les Juifs de Jérusalem viennent offrir leurs condoléances aux deux sœurs, qu’ils sont reçus directement par Marie, demeurée à la maison, qu’ils s’en vont à sa suite, quand ellr sort, appelée par Marthe ? Enfin conçoit-on que le judéochristianisme et l’hellénochristianisme soient représentés comme les deux sœurs du genre hiiniain, que ces deux sœurs viennent, toutes deux ensemble, puis l’une après l’autre, demander au Clirist, d abord la guérison, ensuite la résurrection de ce frère qui, en réalité, ne se distinguerait pas d’elles-mêmes ? — Enfin, si les quatre jours écoulés depuis la mort de Lazare représentaient les quatre mille ans, censés écoulés depuis l’origine du monde, à quoi se référerait la maladie antérieure du défunt ? Elle ne répond sans doute pas à un état qui aurait |)récédé la naissance de l’humanité? — Le symbolisme de la résurrection spirituelle de l’humanité doit donc être mis complètement hors de cause.

Le trait concernant le sommeil de Lazare, d’autre part le rajjport prétendu entre la voix haute de Jésus et la tromj)ettedu jugement dernier, sont évidemment des raisons insudisantes pour penser (pu- la résurrection de Lazare soit, à proprement parler, figurative de la résurrection corporelle des justes à la fin des temps. Ce qui convainc du contraire, c’est que la

manière dont est présenté le personnage, son association à Marthe et à Marie, sa désignation comme étant de Béthanie, à quinze stades de Jérusalem, enfin les multiples détails fournis sur les démarches de Jésus, celles des deux sœurs, la présence des Juifs, et les incidents qui servent d'épilogue au miracle, sont sans relation possible avec l’idée que serait censé figurer notre auteur.

353. Conclusion. — Les récits johanniques de miracles ne sont donc pas des compositions symboliques. Cette constatation est très significative en ce qui concerne les miracles reliés par l'évangéliste luimême à des sentences qui pourraient offrir la clef de leur symbole : la résurrection de Lazare n’est pas la traduction sensible de cette vérité que le Christ est la résurrection et la vie ; la guérison de l’aveugle-né ne figure pas, à proprement parler, le Christ lumière du monde ; la multiplication des pains et la marche sur les eaux ne représentent pas allégoriquement comment le Christ est le pain de la vie spirituelle dans l’eucharistie. Ces deux derniers miracles prêtent, en particulier, à une vérification capable de donner une pleine certitude : ils sont communs au quatrième Evangile et aux Synoptiques ; or, dans notre document, ils ne sont pas plus expressifs de la vérité qui est en question, ils le sont même moins que dans les documents antérieurs, et leurs particularités propres ont A’isiblement une tout autre cause que la préoccupation de mettre cette vérité en évidence.

3° Les autres récits qui se trouvent communs aux Synoptiques. — Nous pourrions nous en tenir à ces premières constatations. Bornons-nous à les compléter par l’examen de trois récits, autres que des récits de miracles, et qui, se retrouvant dans les premiers Evangiles, permettent de contrôler plus sîirement leur symbolisme possible. Ce sont : l’expulsion des vendeurs du temple, l’onction de Béthanie, l’entrée à Jérusalem. Nous y ajouterons quelques remarques sur la date assignée à la mort de Jésus.

854. 1° L' expulsion des vendeurs du temple. — Interprétation symbolique. — L’expulsion des vendeurs du temple, 11, 1 3-22, d’après les critiques symbolistes, serait le même fait que les Synoptiques placent à la fin du ministère de Jésus -.Marc, xi, iS-ig : =^Maith., XXI, 12-i’j = Luc, XIX, ^5-/58. Le quatrième évangéliste compléterait le récit de ses devanciers à l’aide de données éparses dans leurs documents. — C’est ainsi que la déclaration du Sauveur : « Détruisez ce temple, et je le rebâtirai en trois jours », doit être empruntée à la déposition des faux témoins devant le sanhédrin : Marc, xiv, 58 = : Mattb., xxvi, 61. — La réponse prêtée aux Juifs : « Il a fallu quarante-six ans pour construire ce temple… » tloit viser le temple de Zorobabel : l'évangéliste paraît a^-oir entendu de ce temple les sept semaines que /V////e/, ix, 25, distingue d’abord dans la fameuse propliélie des soixante-dix semaines d’années ; dans cette prophétie, une demisemaine estmiseà part et pouvait s’entendre du temps de l'épreuve messianique, ce qui ramène le nond)re à six semaines et demie d’années, ou quarante-six ans api)roximativement. Du temple de Zorobabel. la pensée de l’auteur se serait portée au Christ, tlont il lui paraissait la figure : la vie terrestre du Sauveur est censée correspondre au nombre parfait de sept semaines d’années ; aussi bien Jésus scnible-t-il, d’après l'évangéliste, avoir près de cinquante ans à la fin de sa vie : viii, 5^ ; la durée de son ministère public, étant de ])lus de trois ans, doit elle-même répondre au chillrc messianique d’une demi-semaine d’années, ou de trois ans et demi. Rn cons(=(iuence, les quarantesix ans peuvenl s’entendre, à un point de vue symbolique, de l'âge du Christ : le Sauveur a, figurative-