Aller au contenu

Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/903

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

1789

ÉVOLUTION CREATKICE

1790

tellifjence humaine, dont l’acte propre — et par suite l’existence — ne dépend pas de la jnatière ! ' Mais aussi comment serait-il spirituel, devant être la vie de l’amibe, du mollusque, du cliampig^non, etc., unanimement reconnus comme dépourvus d’esprit ?

C’est donc au point de départ de l'évolution créatrice que nous arrêtons le courant-vie, comme on arrête un voyageur qui n’a pas de quoi voyager. Nous sommes en face d’une chimère.

B. — Cette critique dispenserait de touteautre. Qu’on nous permette cependant de signaler encore un défaut grave. Dans l'élude de la vie, au lieu de remonter à ce qui est primitif et proprement caractéristique, l'école nouvelle se contente de vues superiicielles ou manifestations secondaires : « Le rôle de la vie est d’insérer de l’indétermination dans la matière… La vie est avant tout une tendance à agir sur la matière brute… un certain effort pour obtenir certaines choses de la matière brute… » (Cf./. c., 13^, io5, 148, 130,

125.)

Hé bien non ! La vie est avant tout une tendance du vivant à agir sur soi, c’est-à-dire à être à la fois et l’agent et le patient. C’est à cette activité « immanente » que recourt le bon sens pour établir la séparation entre les deux règnes. Penchés sur un être dont nous ignorons la nature, pour le classer parmi les vivants, nous chercherons à le surprendre principe de son propre viou<,-ement : « est-ce qu’il se remue ? » L’herbe se nourrit, pour se grandir. La vision reste dans l’animal, perfection de l’animal, tandis que le corpsbrut exerce son action sur un autre.

Mais ces considérations, qui mettent en lumière l’individualité du A’ivant, seront obscurcies dans la nouvelle philosophie pour sauver l’unité du courant de vie ; l’individu sera présenté comme un lieu de passage où la vie prend son élan pour monter plus haut. Vaine prétention. Par sa manière d’agir, telle que la révèle l’observation, le vivant s’allirme comme l’ens indivisumiii seetdivisuin a quolibet alio, qui détaché de l’ancêtre agit pour soi. lutte pour se maintenir à son degré d'être et y être mieux, et non pour cesser d'être en s'évanouissant dans un être supérieur. Le Struggle for life tend à conserver l’espèce.

Dans la génération, nous ne voyons pas moins une tendance qui s’oppose à la mutation de l’espèce. On ne donne pas ce que l’on n’a pas. Le générant donne ce qu’il a, communique son degré d'être, amène un autre à vibrer dans sa note, mais n’a pas de quoi le faire monter plus haut.

C. — S’agit-il du monde minéral, la chimie nous montre un champ librement ouvert aux combinaisons, donnant le jour à des compoiiés spécifiquement différents des éléments fqui les composent. Le monde vivant exclut-il absolument toute combinaison analogue, ou union entre générateurs d’espèces différentes, pour engendrer un produit d’un degré nouveau ? La philosophie n’a pas d’argument pour ou contre ces alliances. L’expérience nous montre qu’aujourd’hui les choses ne se passent pas ainsi. Qu’en fut-il à l’origine ? Question d’histoire ou de préhistoire, non de philosophie.

Trois points sont certains : i" Une espèce n’a pas de quoi par elle-même être l’origine d’une espèce supérieure ; il faut qu’elle soit complétée par une cause qui comble le dclicit entre le point de départ et le point d’arrivée. Dans le moins il n’y a pas le plus. 2° Le passage de la matière brute à la vie, d’un degré de vie au degré supérieur n’est j)ossible iuc f/ « ns l’activité delacausepremière.3'^ L'ànie humaine qui pense sans organe, n'étant pas une virtualité de la matière, son devenir ne peut être le terme d’un perfectionnement quelconque de la matière ; esprit, elle est tirée du néant.

Le reste est abandonné aux disputes des savants. Les espèces inférieures, sorties les premières des mains de Dieu, sont-elles enstiite montées, sous son action transformatrice, par degrés, d’une manière continue, comme sur la grève monte le flot ; d’où la série plus ou moins continue des fossiles ? L'élément brut, au contraire, la poussière, fut-elle toujours à l’origine des nouvelles espèces le point de départ de l’action divine ? L’un et l’autre peuvent se défendre. Cependant, s’agit-il de l’homme, la deuxième opinion est la seule qui i)araisse s’accorder avec le récit divinement authentiqué de la Bible. Pour les autres vivants, liberté du choix.

D. — Qu’il suffise d’ajouter que cette unité, cette similitude de structure que les biologistes admirent dans les êtres vivants sur des lignes très divergentes, sans dépendre de la solution api)ortée à la question précise du mode d’organisation des espèces, est suflisamment expliquée, dans l’unité des forces de la nature et des éléments matériels, par l’unité de la cause première, l’unité tle lacause finale et l’unité du modèle. Toutes les vies sont sorties d’une même Vie dont elles sont l’image et comme le rayonnement. Par leur ressemblance, elles forcent l’homme à lever la tête, pour trouver au-dessus de lui et adorer cette Vie transcendante, premier principe et dernière raison de toute chose.

IIL Matière et intelligence dans leur connexion avec la vie et l’esprit. — La solution du problème de la vie, telle quelle nous est fournie par la philosophie nouvelle, paraît insullisante. « Ce n’est pas étonnant, répondront les maîtres, vous raisonnez avec votre intelligence. » On se défie de l’intelligence dans cette école, et voici pourquoi.

L'évolution l’a déposée en cours de route comme

« une annexe de la faculté d’agir », pour aider les

êtres vivants à s’adapter à leur milieu. (Cf. /.c., Introd.) M Agir et se savoir agir, entrer en contact avec la réalité et même la vivre, mais dans la mesure seulement où elle intéresse l'œuvre qui s’accomplit et le sillon qui se creuse, voilà la fonction de l’intelligence. » (P. 209.) L’intelligence est donc essentiellement ^rotique, « coulée dans le moule de l’action ». Notre tort est de l’oublier, quand nous demandons à nos concepts de nous livrer l’absolu. Au sage il appartiendra de dépasser le point de vue de l intelligence, en s’introduisunt par l’intuition — sorte de sympathie — dans le courant même de vie d’où est sortie l’intelligence, courant qui est esprit, conscience pure, progrès, création.

La vie dans sa tension — c’est l’esprit qui est aussi le vouloir.

La détente de la vie ou de l’esprit — c’est l’intelligence qui se disperse en concepts ; c’est la matière, qui, sous le regard de l’intelligence, « en vue des exigences de la vie pratique », se fractionne en objets.

A. — Conuucnçons par reviser brièvement le procès de l’iulelligcnce. On lui reproche son impuissance à spéculer, à j)crcevoir le continu, le mouvement, la vie. Nous réi)ondons à ces griefs : 1* Une diversité dans le but de l’acte n’entraîne pas semblable diversité dans la faculté qui exerce l’acte. Le vrai, guide de l’action, peut être perçu par l’intelligence qui contenq)lele vrai dans la spéculation. Connaissance pratique et connaissance spéculative procèdent de la même faculté. D’ailleurs la j>liilosophie iu)uvelle ne sait même pas distinguer clairement l’intelligence de sa sœur ou servante l’inuigination ; on la Aoit confondre la faculté <]ui dessine le singulier, et celle qui ne dessine pas, mais lit en dedans et parle, se rend conqjtc du dessin, et dans le singulier atteint l’universel. 2° Les choses continues sont celles dont les