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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/904

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ÉVOLUTION (DOCTRINE MORALE DE L'

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extrémités ne font qu’un, /yz/orw/n extrema sunt luium. Je forme ce concept, sans recourir au discontinu. Il est donc faux que l’intelligence ne comprenne le continu que par le discontinu. 3° Il n’est pas moins faux que cette faculté ne perçoive clairement que l’immobile. Ma lectrice intérieure sait me parler, d’une manière très précise, d’un sujet apte à recevoir l’action d’un agent, et, sous cette action, à passer d’un lieu à un lieu, d’un élat à un état. Qu’est-ce autre chose, si ce n’est, d’une manière distincte, former le concept du mouvement. 4° Quant à la vie, nous avons AU plus haut comment la raison trouve dans l’acte immanent le caractère qui sépare nettement de la matière brute le règne des êtres vivants.

B. — On reproche encore à l’intelligence sa iierté en face du monde et de l’ordre qu’elle y aperçoit, comme si elle pouvait perceA’oir autre chose que de l’ordre. Il n’j- a en réalité dans le flux de vie qui retombe qu'âne universelle interaction : la matièreobjet est la division intellectuelle introduite dans le flux pour rendre possibles nos actions. D’où l’accord constant entre la matière et lintelligence, et l’ordre que celle-ci ne cessera d’observer dans celle-là : cet ordre est œuvre d’intelligence.

Nous répondrons : i° Intelligence et matière ne peuvent jaillir d’une même virtualité, puisque l’acte propre de l’intelligence n’a pas de dépendance matérielle. 2" La genèse de la matière par la simple détente de l’esprit ou de la conscience universelle est un caprice d’imagination. L’attention, en se relâchant, et par là en se dispersant, remarque des détails jusque-là négligés ; mais on ne peut admettre que le relâchement de cette attention fasse exister ce qui n’existait pas. 3° Il est faux que l’intelligence ne puisse percevoir le désordre. Soit un groupe de plusieurs objets a, b, c… ; certains rapports les unissent. Modifiez la combinaison, vous engendrez de nouveaux rapports ; à un ordre succède un ordre et il y aura toujom’s un ordre. Soit. Mais ordre peut dire plus que cela : savoir, filiation à l'égard d’un principe, dépendance d’un but à poursuivre, obéissance à une idée. En face de la combinaison a, b, c…, l’intelligence apercevra — quelquefois — la présence ou l’absence de cette dépendance, filiation ou obéissance. Amoncellement de pierres : cela peut être une cathédrale ou ce qui reste d’une démolition : là ordre ; ici désordre, c’est-à-dire pierres qui n’ont pas reçu d ordre, pierres qui n’obéissent pas. Un portrait, ce sont des couleurs qui obéissent ; un poème, ce sont des mots qui obéissent. Renversez ou déplacez les mots, mélangez les couleurs, vous n’aurez pas un autre poème ou un autre tableau mais le désordre, sous les yeux de l’intelligence qui a de quoi saisir l’opposition entre le premier état et le second, constater qu’il y a moins ici que là, l’absence d’un effet par l’absence d’une action, celle de la cause finale.

C. — Dernière question : que penser de l’inluition de la vie, prônée par les réformateurs ? Autour du noyau condensé de l’intelligence a passé en contrebande une bordure, une frange, relique précieuse « du

« principe évoluant qui ne s’est pas rétrécie à la forme

<( spéciale de notre organisation » -.amener les philosophes à se ser^'ir de cette frange, pour dépasser par l’intuition les concepts prétendus immobiles de l’intelligence, et entrer dans le courant même de la vie, voilà le rêve caressé par l’auteur de l'évolution créatrice et l'àme de la réforme qu’il propose : « De la

« vie, écrit-il, l’intelligence nous apporte, et ne pré « tend, d’ailleurs, nous apporter qu’une traduction
« en termes d’inertie. Elle tourne tout autour, prea nant du dehors le plus grand nombre possible de
« vues svu* cet objet qu’elle attire chez elle, au lieu

<( d’entrer chez lui. Mais c’est à l’intérieur même de

« la vie que nous conduirait l’intuition, je veux dire
« l’instinct devenu désintéressé, conscient de lui « même… » (Z. f., p. igi sqq.)
« Si notre conscience va bien dans la même direc « tion que son pi-incipe (courant de vie), elle est sans
« cesse tirée en sens inverse, obligée, quoiqu’elle
« marche en avant, de regarder en arrière… Pour

'( que notre conscience coïncidât avec quelque chose

« de son jirincipe, il faudrait qu’elle se détachât du
« tout fait et s’attachât au se faisant. Il faudrait que, 
« se retournant et se tordant sur elle-même, la faculté

a de l’OiV ne fit plus qu’un avec l’acte de vouloir.

« Effort douloureux, que nous pouvons donner brusce quement en Aiolentant la nature, mais non pas
« soutenir au delà de quelques instants… L’intuition, 
« si elle ijouvait se prolonger au delà de quelques
« instants, n’assurerait pas seulement l’accord du

'( philosophe avec sa propre pensée, mais encore h celle de tous les philosophes entre eux. » (Z. c, p. 258 sqq.)

Belles espérances ! Malheureusement cette intuition, supérieure à l’intelligence, qui, dans un vol pareil en audace à celui de Prométhée, devait ravir à l’absolu le dernier secret de la Aie. n’existe pas. Il n’y a pour l’homme ici-bas que deux sources de connaissance : la sensibilité et l’intelligence. Pour l’intelligence, une seule manière de comprendre : lire son objet dans le livre que lui présente l’imagination. C’est ce que nous constatons facilement dans l’analyse d’une pensée, quelle qu’elle soit. Cependant l’artiste ne peut-il pas endosser, par sympathie, la personnalité de son modèle pour se mieux représenter les sentiments à traduire ? Oui.mais c’est l’imagination qui réalise le prodige ; il n’y a de même qu’imagination dans la tentative d’intuition rêvée par l’auteur de Vé^'ohition créatrice. « L’effort douloureux » que H. Bergson propose à ses disciples leur donnera la conscience d’une certaine raidem- ou tension imprimée aux muscles de l’organisme ; aous A’ous imaginerez aous serA’ir d’un bout de frange spirituelle, échappé par bonheur au travail de condensation, AOUS AOUS imaginerez aous tourner en arrière et tordre Aotre faculté de connaître ; mais en réalité tout se bornera à susciter une image et dans cette image à a-ous sentir vivant de Aotre propre vie.

L’intuition directe de la i/e en général, le rêA-e caressé tout le long de Y Es-olution créatrice, l'àme de la réforme bergsonienne, n’est donc qu’une chimère, qui ne méi’itait pas de captiver le talent de nos philosophes ou l’atttention de levu’s disciples.

Bibliographie. — i' Les œuA’res d’H, Bergson, Paris, Alcan : Essai sur les données immédiates de la conscience ; Matière et mémoire ; L’Es’olution créatrice. — 2* René Gillouin, Henri Bergson, Paris, Michaud. 3° William James, ^ pluralistic universe, London, Longmans. ! i' Toutes les reA’ues de philosophie ont commenté l’Evolution créatrice.

J. Griæt.

ÉVOLUTION IDÉALISTE. — Voir Idéalis.aie. ÉVOLUTION PANTHÉISTIQUE. — Voir Mo-MS.AIE.


ÉVOLUTION (DOCTRINE MORALE DE L'). — Tout le monde sait qu’un certain évolutionnisme, imprégné de monisme et de matérialisme, a été partout répandu depuis une trentaine d’années ; ses principaux auteurs sont H. Spencer et E. Hæckel ; quant à ses tenants, surtout parmi les instituteurs et les gens adonnés à la culture des sciences expérimentales, ils ne se comptent pas. Les métaphysiciens