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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/921

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EXEGESE

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très réelles de l’exégèse biblique ; mais surtout par la nécessité où ils se trouvaient de réagir contre un littéralisme outrancier, qui créait injustement à l’apologétique chrétienne et même à l’orthodoxie de multiples embarras. Les Juifs prétextaient, pour ne pas croire en Jésus de Nazareth, qu’il n’avait pas accompli toutes les prophéties ri la lettre ; les millénaristes et les anlhropomorphistes chrétiens partaient du même faux supposé pour enseigner un christianisme grossier et charnel. Le principal mérite de l’effort qui s’est égaré dans l’exégèse allégoriste est d’avoir mis en relief le caractère spirituel de la Bible, en inculquant cette idée fondamentale, que, dans le plan même de Dieu, l’Ecriture a été donnée, avant tout, pour être comprise et goûtée de l'àme religieuse, c’est-à-dire de l'àme qui a reçu l’onction de l’Esprit-Saint.

cT) L'école d’Antioche. — Le mouvement d études bibliques qui se produisit en Syrie, du iii'^ au iv' siècle, est comparable à celui d’Alexandrie. Avec la controverse entre origénistes et antiorigénistes, il devint, dans la seconde moitié du iv' siècle, une réaction contre l’allégorisme ; mais, en prenant cette position, l'école d Antioche restait bien dans sa tradition exégétique, qui était le littéralisme. Disciples d’Aristote en philosophie et, conséquemment, enclins aux méthodes empiriques, les Syriens se délient du mysticisme des néoplatoniciens. Ils ne rejettent pas le sens spirituel, mais ils entendent qu’il ne supplante jamais la réalité historique. Le caractère « figuratif » de l’A. T. leur suffît. Diodore dk Tarse l’appelait t/.icr/fiy.fiv.. Le même auteur admet trois sortes de prophéties : celle qui est purement messianique, et à la lettre ; celle qui est messianique, mais en figure ; celle enfin qui n’intéressait que l’histoire juive. Il avait

écrit un livre intitulé ti ? ôtaç-i/sà Qt’jtpiy.ç, zai yj)r : /opiy.i ;

sur la différence à mettre entre le sens spirituel et le sens allégorique, qui malheureusement est perdu. A ce qu’il semble, il y soutenait que l’interprétation allégorique, d’après la manière des Alexandrins, n'était de mise que dans les passages d’un style figuré, comme sont les livres Sapientiaux. La spéculation (îîwccy) ne doit être rien autre chose que la recherche du sens spirituel dans la lettre de l’histoire (iTTî^ia). Du reste, a raison de son objet, on peut l’appeler mystique (prophétique) ou simplement morale.

En défendant les droits de la « lettre », l'école d’Antioche avait raison contre les Alexandrins ; la postérité devait ratilier l’essentiel de leur système exégétique. Cependant, beaucoup d’entre ses partisans n’ont pas su éviter les excès du littéralisme. Dans leur commentaire, Ihistoire fait oublier, quand elle ne détruit pas, toute signification spirituelle. La Bible en reste singulièrement appauvrie et son texte risque fort de perdre sa transcendance. Le næssianisme de l’A. T. se trouve être extrêmement réduit, l’Evangile, ainsi interprété, ne donnerait plus guère à connaître que l’histoire extérieure de Jésus, celle qui révèle l’homme. Tels sont les déficits et les abus condamnés par d’anciens conciles, notamment le v « œcuménique, dans Diodore de Tarse et Tuéodork DE Moi’suESTE. S’il fallait juger l'école d’Antioche par les hérésiarques sortis de son sein (Paul dk SaMOSATE, Arius, Nestorius), OU encore par les hérétiques qui se réclament volontiers de sa méthode (les Pélagiens, sans parler des rationalistes modernes), on perdrait facilement confiance dans la valeur de ses procédés. Par bonheur, l’orthodoxie a compté aussi dans cette école des exégètes de première valeur : S. Curysostome, Thkodoret et S. Isidore DE PÉLUSE. L’attachement à la tradition les a préservés des écarts où d’autres sont tombés, sans rien enlever à la pénétration de leur exégèse.

A l'école d’Antioche se rattache celle dite des Ca/?^fl</oc/e7 ! s, exclusivement composée d’orthodoxes. Us ont essayé, mais sans y réussir complètement, de tenir une sorte de via média entre le littéralisme et l’allégorisme. Une commune admiration pour Origène avait fait concevoir à S. Basile et à S. Grégoire de Nysse le désir de retenir ce qui se pouvait de son œuvre exégétique ; mais, tandis que celui-ci en conservait le plus possible, l’autre y trouvait Ijeaucoup moins qui méritât son approbation. Voir le commentaire consacré par les deux frères à i’Hexaméron de Moïse. S. Grégoire de Xazianze marche entre les deux.

L’Ecole syriaque, — d’abord à Edesse, puis à Nisibe après l’apparition du Xestorianisme, — relève davantage encore de celle d’Antioche. S. Epiirem, son plus glorieux représentant, professe et pratique un grand attachement pour la lettre. Néanmoins, son àuie poétique se laisse gagner çà et là par le mysticisme des allégoristes.

H. KiHN, Die Bedeutitng der antiochen. Schule auf deni exeget. Gebiete, 1866 ; Tkeudor von Mopsuestia iind Jiinilius Afric. ah Exegeten, 1880 ; et un article dans Tlieolog. Quaitalschrift, TUbingen, 1880, p. 551. P. Hergexroether, Die antiochen. Schule und ihre Bedeutung auf exeget. Gebiete, 1866. Swkte, Theodori ep. Mops. in epist. Pauli comm., 1880- 1882. A.Harxack, Antiochen. Schule dans « Protest. Realencyclopâdie », 1896, I, p. 592. DoBscniiTz, dans Encycl. of Religion and Ethics, 190g, II, p. 697. C. von Lengerke, Comm. critica de Ephræmo syro S. S. interprète, 1828 ; De Ephræmi syri arte hermeneutica, 18'ii. Lamy, L’exégèse en Orient au quatrième siècle ou les commentaires de S. Ephrem, dans la « Revue biblique », 1898, p. 5, 161, 465.

e) L’exégèse des Latins aux LV^ et F* siècles. — C’est à l'école des Grecs qu’ils ont appris l’art de commenter l’Ecriture. Tout d’abord, l’influence d’Origène fut parmi eux prépondérante. La controverse origéniste n’ayant eu que peu d'écho en Occident, l’opinion publique n'était pas choquée des eniprunts faits au grand Alexandrin. S. IIilaire et S. Ambroise, ce dernier surtout, ne font souvent que le traduire. L'évêque de Milan se contente parfois de solutions franchement allégoristes. Cf. P. L., XV, 1790. (Conciliation de Luc, XVIII. 35 avec Mat., xx, 30.) Ce n’est pas sans raison qu’on l’a appelé le « Philon chrétien ». Ihm, Philon und Ambrosius dans « Neue lahrbiicher fur Phil. und Padag., 1890 ». Souvent aussi, il emprunte à S. Hippolyte et même à des exégètes plus récents, par exemple aux Cappadociens.

i' S. JÉRÔME est de tous les Latins celui que son éducation avait le mieux préparé à l’exégèse. La connaissance de l’hébreu et du grec, son séjour en Palestine lui donnaient une incontestable supériorité. Il a formulé la règle souveraine dont il en entend relever : « Régula Scripturarum est, ubi manifestissima prophelia de fuluris lexitur, per incerla allegoriæ non extenuare quæ scripta sunt. » In Malach., i. 10 ; P. L., XXV, 1551 ; cf. In epist. ad Gal., II, IV, 24, P. L., XXVI, 389. C’est un principe que nous avons déjà rencontré chez Tertullien. Voir cidessus, I, 2°, c. Le génie latin, qui a besoin de clarté, ne s’est jamais engoué pour l’allégorisme. Si la position de S. Jérôme au regard d’Origène et de son œuvre est écpiivoque, ce n’est pas à une indécision d’esprit qu’il convient de l’attribuer, mais aux vicissitudes des controverses dans lesquelles il se trouva engagé. D’habitude, son commentaire s’attache au sens littéral, sans détriment pour le sens typique et surtout pour les applications morales. Même, chose étrange ! il a cru pouvoir surmonter, du moins une fois, ce qu’il appelle la « turpitude de la lettre », en recourant à

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