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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/927

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EXEGESE

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l)iblique des textes dogmatiques et des textes non dogmatiques (bien que cette distinction soit en elle-même recevable) ; mais que la distinction porte siu- le commentaire qu’on en fait, qui peut être doctrinal ou non doctrinal (philologique, archéologique, purement historique). Or, le décret ne viserait que le commentaire doctrinal. M. Vacant propose, lui-même, lexemple suivant : « Ainsi, nous lisons la généalogie de J.-C. dans les Evangiles. Si on commente cette généalogie en faisant ressortir que J.-C. est véritablement homme, puisqu’il descend d’Adam, et qu’il est le Messie puisqu’il descend d’Abraham, de Jacoli et de David, on en donnera une interprétation doctrinale… Si, au contraire, on cherche dans cette généalogie l’âge du monde, le nombre des ancêtres de J.-C, la date oùils ont vécu…, on donnera de cette généalogie une interprétation qui ne sera pas doctrinale ; car ces points de chronologie n’appartiennent pas à la doctrine chrétienne et ne rentrent pas dans les énoncés qui font partie de la révélation. » D’autres, par exemple le P. Granderath, Der Katliolik, 1898, p. 297, estiment qu’il s’agit des textes eux-mêmes intéressant directement le dogme ou la morale. L’opinion de M. Vacant rend compte d’un fait considérable, savoir que, de l’aveu de tous, l’obligation créée par le décret du concile ne s’étend pas, du moins directement, aux explications philologiques, scientiliques, purement historiques, sans connexion nécessaire avec la doctrine catholique, ni aux applications morales d’un caractère simplement édifiant ; alors même que, pour des raisons étrangères à la révélation, les Pères s’accorderaient à entendre, de ce point de vue, un texte dogmatique. Dans l’interprétation traditionnelle de Geit., 11, 19, il y a lieu de distinguer la doctrine concernant la domination donnée à l’honime sur les animaux et certaines conclusions que Ton a cru pouvoir tirer du même passage : la présence de tous les animaux au paradis terrestre, l’hébreu langue primitive, etc. L’encycl. Provid. Deus, 29, fait observer, en citant S. Thomas, II Sent., Dist. xiv, q. i, a. 2, que, dans les choses où ils n’avaient pas dans la révélation une lumière de foi, les commentateurs de l’Ecriture ont suivi les opinions de leur temps, ou les principes reçus dans l’école de philosophie à laquelle ils appartenaient.

Dans le commentaire ([ue les Pères nous ont laissé de l’Ecriture, S. Thomas distingue ce qui appartient à la substance de la foi et les explications ultérieures qu’ils y ont ajoutées. Le premier de ces commentaires est seul une règle inviolable pour l’exégète catholique. « Il faut savoir, écrit-il, qu’en ce qui concerne le commencement des choses, les saints, d’accord sur ce qui est de foi, à savoir que Dieu seul existe de toute éternité, se trouvent avoir parlé diversement, du moins à s’en tenir à la surface des mots, touchant les autres points, qui ne sont pas de l’essence de la foi ; sur ces points il leur a été permis d’avoir des opinions diirérentes, comme nous en avons encore le droit nous-nu>mes. » In II Sent., Dist. II, q. I, a. 3. Il est encore plus explicite dans la Dist. XII, q. I, a. 2, et Dist. xiv, <(. i, a. 2. Les anciens ont interprété Jos., x, 13, Stelit itaqiie sol in medio coeli d’après la cosmographie de Ptolémée ; mais leurs explications scientiliques restent distinctes du fait, reconnu par eux, de la prolongation miraculeuse du jour. Un des torts des théologiens qualKlcateurs du S. Office dans l’affaire de Galilée a été de méconnaître la distinction faite par S. Thomas, et déjà autorisée par certains passages de S. Augustin dans son De Gen. ad lit. II, ix, 20 ; VIII, vii, 13. Voir Galilée et Inerrance h115Lii)UE.

C’est un fait (dont il faut rendre compte) que, de nos jours, beaucoup d’excgètes ne font pas le même

accueil à l’opinion limitant le déluge biblique à une portion de la terre, et à l’opinion qui le restreint à une portion de l’humanité ; alors pourtant que les anciens n’ont pas distingué, du moins expressément, entre l’extension ethnographique du déluge et son extension géographique. Il est vrai que des apologistes croient pouvoir soutenir que les anciens n’ont pas été réellement unanimes à tenir l’universalité du déluge quant à la terre. Voir Déluge, col. 91 3.

2° Ad aedificationein doctrinæ cliristianæ pertinentium. Cette clause se rattache étroitement à la précédente, non pour la restreindre, ni pour l’étendre, comme a pensé le P. Granderath, Der Katholik, 1898, p. 385, mais pour la préciser d’après la distinction que nous venons de faire. Même dans les choses qui, prises en bloc, intéressent la foi et la morale, il est des circonstances qui n’ont pas de caractère dogmatiqvie. Il s’agit donc ici des « choses qui contribuent à l’établissement du dogme », c’est-à-dire du commentaire théologique.

3’^ Contra enm sensum qitem tenait et tenet sancta mater Ecclesia. — Le Card. Franzelin, De div. Trad. et Script., 1873, p. 223, entend ces paroles de la prédication quotidienne de l’Eglise, mais le contexte invite, semble-t-il, à les entendre, du moins principalement, de son magistère extraordinaire, définissant le sens d’un texte ou condamnant une interprétation qu’on en a proposée. S’il ene ?, 1311rs, i, que m te nuit concerne les décisions passées etquein tenet les décisions présentes. Les textes directement définis par l’Eglise sensu affirmante sont très peu nombreux, le sens d’un plus grand nombre a été déclaré sensu negante (dans quel sens il ne faut pas les exposer), soit directement, cf. Denz.** 224 (183), 1022 (902), io50(930), 1075 (966), 1076(906), 2047 ; ^^^^ indirectement par la condamnation de certaines erreurs qu’on prétendait fonder sur l’Ecriture. Le Card. Franzelin, /. c, p. 222, n. 2, a écrit : « Sensus multorum lextuum hoc modo (par définition solennelle et directe) declaratus est. » En réalité, il ne cite que neuf passages qui aient été définis de la sorte ; encore qu’il ajoute etc. De son côté, le P. Cornely, Introd. in U. T. libros, I, p. 589 (edit. ait., p. 610-611), n’en connaît que dix. On peut dire que le nombre des textes directement définis par l’Eglise ne dépasse pas la douzaine.

Pour qu’un texte soit censé défini de la sorte, il n’est pas nécessaire qu’il soit présenté comme tel par un canon de concile, l’exposition d’un chapitre dogmatique peut y sufiire. C’est ainsi, qu’au sentiment de la plupart, Matth., xvi, 16, Tu es Petrus…, se trouve défini dans laconst. « Pastor aeternus)^.Denz.^^’, 1833 (1678). D’autre part, un texte apporté comme argument, même dans un document ex cathedra, n’est pas censé, par ce fait seul, être authentiquement défini ; bien qu’il jouisse, de ce chef, d’une autorité particulière. Les textes développés dans la bulle dogmatique fnejfabilis Deus ne sont pas définis. Un argument d’Ecriture peut fig.rer dans un canon conciliaire, sans que la définition s’étende au texte lui-même, par exemple Prow, viii, 35, Præparatur voluntas a Domino, cité d’après les LXX dans le quatrième canon du second concile d’Orange. Denz.*’177.

4° Aut etiam contra unanimem consensuni Patrum.

— Le seul fait du consentement des Pères, surtout en matière d’exégèse, autorise à présumer qu’il n’a pas eu sa cause dans une opinion purement humaine, mais qu’il se fonde plutôt sur les données de la révélation. Cependant, ce n’est là qu’une présomption. Il faudra considérer encore l’objet précis sur lequel porte le consentement. En y regardant de près, on constatera que parfois cet objet est beaucoup plus restreint qu’on ne l’avait pensé de prime abord ;