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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/928

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1839

EXEGESE

1840

inême, il peut arriver qu’il n’y ait pas réellement accord sur un seul et même objet. Le P. Patrizi, in Act. Jpost., VIII, 33, a fait une enquête complète de la tradition exégétique au sujet d’Isaîe, lui, 8, Generationein ejus quis enarraliit ? A l’exception de trois auteurs seulement, avant le xvi « siècle, tous les autres ont interprété ce texte de la génération du Christ, mais 89 de la génération éternelle, 4 de la génération temporelle, 20 de l’une et de l’autre. Le P. Patrizi croit devoir, au nom de l’interprétation traditionnelle, luaintenir que, dans ce passage, il est question de la génération du Christ en un sens vague et transcendant ; mais le P. Knabexbauer, in Isaïam, II, p. 310 et la plupart des modernes (cf. CoxDAMiN, Le Livre d Isaïe, p. 821) délaissent cette explication, par la raison qu’il n’y a pas réellement ici d’exégèse traditionnelle. « Patres certe non consentiunt in una interpretatione cum très habeant », dit le P. Corluy, Spicil. dogni. bibl., 1884, II, p. 99 ; et le P. Chr. Pesch, Prælect. dogm., 1898", t. I, n. 587, ajoute : « Patet neutram explicationem tradi ut pertinentem ad tidem catholicam. » Trop souvcnt, le consentement des Pères est allégué à tort, faute d’avoir été vérifié et analysé consciencieusement. Du reste, c’est à celui qui l’allègue d’en faire la preuve. Jusque-là, on n’est pas tenu de le croire, et il est permis de réserver son jugement. C’est à une facilité indiscrète d’écrire : Omnes Patres consentiunt que nous devons le discrédit qui s’attache de nos jours à l’argument de tradition, tel qu’il a été pratiqué par beaucoup de théologiens et d’exégèles depuis le xa-i’= siècle.

Même quand le consentement existe, on doit se demander en outre si les Pères ont donné leur explication comme nécessaire à l’unité catholique. C’est la circonstance la plus difficile à déterminer, mais aussi celle qui, malheureusement, retient le moins l’attention des auteurs. C’est uniquement par l’histoire des opinions et des controverses que l’on arrivera à se faire une certitude à ce sujet. S. Augustin et ses contemporains s’insurgèrent contre S. Jérôme, quand celui-ci prétendit que les LXX n’avaient pas été inspirés, mais ils ne menacèrent pas de rompre avec lui comme avec un hérétique ; ils eussent été, sans doute, plus exigeants dans la question du canon de l’A. T., si Jérôme n’avait pas fait prévaloir, du moins en pratique, l’autorité de la tradition ecclésiastique sur ses conjectures de savant. Voir Canon catholique, col. 447-448. Parfois, on se demandera utilement ce que les anciens auraient pensé s’ils avaient eu nos connaissances historiques et géograpliiques. Si S. Augustin vivait de nos jours, maintiendrait-il que le paradis terrestre existe actuellement dans quelque partie du globe encore inexplorée ? Bellarmin, De gratia primi hominis, c. xiv ; édit. Vives, V, p. 201, a cité et aprouvé les passages du S. Docteur à ce sujet.

Le fait que le consentement des Pères n’a pas été durable est, à lui seul, une preuve théologique qu’il n’était pas nécessaire. J’entends nécessaire à l’établissement du dogme, car il peut se faire (l’histoire de l’exégèse nous apprend que le cas n’est pas chimérique ) qu’une interprétation perde pour un temps, même pour longtemps, le consentement unanime des commentateurs, encore qu’elle soit la véritable.

Pratiquement, le recours aux commentaires des Pères de l’Eglise fournit le plus souvent une direction plutôt qu’une règle de foi. Cette direction, l’exégète catholique ne s’en écartera que pour de graves raisons. C’est le sentiment du C. Corxely, LIist. et crit. Introd. in U. T. lib. sac. Compendium, iSgô, p. 146. « Non multos textus ab Ecclesia directe vel indirecte défini tos esse diximus ; in paucioribus forte consensus ille Patrum invenitur ; at in reliquis ideo

nondum licet indulgere ingenio. » Même dans le cas où le commentaire traditionnel des anciens se présente avec un caractère doguiatique bien défini, s’il s’agit de questions controversées aujoiu-d’hui entre catholiques, une intervention de l’Eglise sera le plus souvent nécessaire pour le faire accepter de tous. C’est dans ce sens que Bellarmin a écrit : « Non desunt loca Scripturae, ex quibus character (sacramentalis ) colligi possit, præsertim adjuncta explicatione Patrum et Ecclesiae, sine qua nulluni dogma ecclesiasticum omnino certo statui potest. » De Sacrum. , ch. xx ; édit. Vives, III, p. 4^2.

Dans l’article Critique biblique, col. 81 3-8 18, on a déjà dit que le magistère de l’Eglise étendu à l’Ecriture est compatible avec la juste liberté dont l’exégète a besoin pour ses recherches.

8. Valeur historique de la tradition ecclésiastique en matière d’exégèse. — La société chrétienne est antérieure au Nouveau Testament. Le livre n’est que l’expression écrite d’une doctrine dont l’Eglise vivait déjà, d’une histoire qu’elle racontait depuis près d’un demi-siècle. En recevant certains textes comme canoniques, elle s’est assurée qu’ils étaient conformes à sa foi, ou du moins qu’ils ne contenaient rien de contraire. C’est ce que l’histoire du Canon atteste. D’une façon générale, la foi de l’Eglise n’est pas née des textes ; au contraire, elle s’est formulée dans l’Evangile et les Epîtres. D’autre part, aucun de ces textes n’a la prétention de réfléchir l’enseignement ecclésiastique en son entier, ni de se passer, pour être compris, de la tradition vivante qui les a précédés et à la lumière de laquelle ils veulent être lus. Ecrits par des croj’ants et pour des croyants, ces livres resteront, dans une bonne mesure, lettre close, pour ceux du dehors. La dépendance de l’Ecriture vis-à-vis de l’Eglise ne s’affaiblira pas avec le temps, elle ira plutôt en grandissant à mesure que se multiplieront les controverses sur la lettre du texte.

Indépendamment de sa valeur dogmatique, envisagée du point de vue historique et dans sa valeur purement humaine, la tradition de l’Eglise sur les origines du Livre, sur la signification exacte de son contenu, s’impose à toute exégèse qui veut être réellement critique. C’est à cette attitude de l’Eglise au regard de l’Evangile que pensait sans doute S. Augustin quand il écrivait : Evangelio non crederem nisi me catliolicæ Ecclesiæ commoveret auctoritas.

Corluy, LJ interprétation de la S. Ecriture, dans « La Controverse et le Contemporain », 1885, p. 420-438. Graxderath, Constit. dogm. sacros. oecum. Concil. Vaticani, 1892, Collect. Lac. VII, ’^2, 80, 124, 144, 154, 226, 240, 251, 508, 628 et I)er Katholik. 1898, p. 289, 385. LoisY, La critique biblique, dans « Etudes bibliques 2 », p. 190 ; *Commentaire du décrets Lamentabili sane exilu », 1908. Vac.xt, Etudes théol. sur les const.du Conc. du Vatican, 189.5, p. 516-552. Kaulen, Grundscitzliches zur Kathol. Schriftauslegung, dans

« Litterarischer Handweiser », 1896, n. 4-5. Bruc-KER, 

Questions actuelles d Ecrit, sainte. 1895, p. 81. E. ScHŒPFER, Das Trid. Décret, iiber Kathol. Schriftauslegung, dans’( Bibel und Wissenschaft », 1896, p. 86. Egger, Streiflichter iiber die freiere Bibelforschung, 1899. Nisius, Zeitschrift fiir Kathol. Tlieol. (Innsbruck), 1899, p. 185, 282, 460 ; cf. 1897, V-’55-Lagrange, f.’interprét. de la S. Ecriture dans l’Eglise, dans la « Revue biblique », 1900, p. 185. Maxgexot, ILerméneutiqiie, dans le Dict. de la Bible (Vigouroux),

1901, p. 61y. G’ir. Pesch, Theologische Zeitfragen,

1902, p. 42. ViNATi, De magisterio Ecclesiæ e.regetico, dans « Divus Thomas », 1908. p. 259 ; cf. 1886, p.53.BoNACCORSi, L’interpret. délia Scrittura seconda