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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/933

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1849

EXPERIENCE RELIGIEUSE

1850

crises de conversion et les impulsions de l’Espi-it, sont très proches des conceptions protestantes primitives, mais Luther était un scolastique (nominaliste), W. James est positiviste, M. H. Bois kantiste (néo-idéaliste).

Sans donner le même rôle à ces saisies et à ces contraintes de la grâce, Schleiermacher, Sabatier, LoiSY, vont à un panthéisme, dont Tyrrell et les modernistes, en exagérant l’immanence divine, se défendent parfois fort mal.

Un panthéisme idéaliste imprègne aussi les spéculations de la « philosophie nouvelle «.

Par contre, il est aisé de comprendi’e à quel point diffèrent de ces théories : k) l’appel à l’expérience des siècles chrétiens, à la tradition vivante du Chi-istianisme, à la conscience obscure de l’Eglise, d’où affleurent, au cours des âges, dans sa conscience claire, les notions dogmatiques qu’elle définit, voir art. Dogme, col. 1154, 1169, et art. Tradition ; /3) l’appel aux faits internes, pour remonter à Dieu, leur cause, voir art. Dieu, col. 1069 ; ou aux expériences individuelles, soit pour amener le sujet à observer en lui l’action de Dieu et le disposer à croire, voir art. Immanence (méthode), soit pour étudier le développement normal de la vie de foi, voir col. 1857, 1858.

Rien de cela, à moins d’exagération regrettable, n’est atteint par les censures que nous allons rapporter.

III. Censures de l’Eglise. — A. — L’Eglise s’est opposée, dès le principe, aux thèses ûdéistes et pseudo-mystiques appuyées sur l’expérience religieuse, en condamnant les premières assertions de Luther sur la foi justifiante, soit par Léon X, proposit. 10-16, cf. Denzingkr, 10^ éd., n. ^So sq. (634 sq.), soit par le Concile de Trente, cf. PallaviciNi, Hist. du Conc. de Trente, in-/j", Montrouge, 1844, t. II, 1. VIII, c.iv sq. ; surtout c. ix sq., p.244sq. ; Theiner, Acta genuina, t. I, p. 216, 335, 358, 362 sq.

Le Concile proscrit deux principes également graves : a) la conception de la foi justifiante comme d’une certitude absolue que nos fautes nous sont remises ; , 3) la nécessité et la possibilité d’une telle certitude. Sess. vi, c. 9, 12, 13 ; can. 12-17 ; cf. Denzinger, n. 802 sq. (684 sq.), 822 sq. (704 sq.). De plus, il maintient la nécessité des œuvres, soit du repentir avant le pardon, soit de la pratique des commandements après ; Sess. vi, c. 6, 11, 16, can. g, 18 sq. ; Denzinger, n. 798 (680), 804, 809, 81g (701), 828 sq. (710 sq.). En rejetant cette prise de conscience, cette impression personnelle du salut, caractéristiques de la conversion et de la vie protestantes, cf. Moehler, La Symbolique, trad. F. Lâchât, 2’cdit., in-S", Paris, 1 852-53, §20, t. I, p. 235 sq., en déniant cette scission, aussi essentielle à la Réforme primitive, entre la religiosité et la moralité’, op. cit., S 25, p. 284 sq., il mettait un abîme entre la mentalité catholique et la mentalité protestante.

B. — Les querelles du quiétisme, cf. J. Pasquier, Revue du Clergé français, 1909, t. LIX, p. 267 sq., amenèrent la condamnation d’erreurs apparentées. MoLiNos faisait trop grande la passivité de la nature, exagérant l’action de Dieu dans les âmes, jusqu’à les

1. Le protestantisme a généralemont abandonne cette doctrine. Toutefois, [)ar le principe du lil)re examen, il a séparé lu foi au Christ de l’obéissance ù l’Eglise, Comme iJ. croit des dogmes j)0sitifs ce qu’il juge croyable, chacun accepte des préceptes ce « lu’il juge obligatoire. Au tei’ine de cette évolution, le point de vue de la morale est tout déplacé : elle vise uniquement à une mise en valeur de l’individu, dans un sens social et humanitaire.

rendre irresponsables des plus graves abus ; Denzinger, n. 1221 sq. (1088 sq.).

C. — Les progrès de fîdéisme allemand, après Schleiermacher et Ritschl, invitaient le Concile du Vatican à préciser la doctrine catholique. Il le fit en proclamant la possibilité pour la raison d’arriver à connaître Dieu avec certitude, Sess. iii, c. 2 et can. 1, Denzinger, n. 1785 (1634), 1806(1 653) ; en proscrivant la conception delà foi, comme d’un assentiment basé siu- l’expérience seule, et en maintenant, avec l’illumination intime du Saint-Esprit, le rôle des motifs objectifs et des critères externes, Sess. iii, c. 3 et can. 3, Denzinger, 1789 sq. (1638 sq.), 1812 (1609) ; voir 1^ schéma prosynodal, c. 7, Collect. Lacens., Acta, t. VII, p, 510 et les notes, p. 527 sq.

D. — Dernier aboutissement de ranti-intellectualisme, du sentimentalisme et de l’individualisme déA’eloppés par la Réforme, le modernisme a provoqué les déclarations plus détaillées de l’Encyclique Pascendi^. Nous citons :

a) Critère de l’exp. relig. — Si vous demandez sur quoi, en fin de compte, cette certitude [de l’existence de Dieu] repose, les modernistes répondent : « Sur l’expérience individuelle. » Ils se séparent ainsi des rationalistes, mais pour verser dans la doctrine des protestants et des pseudomystiques. Voici, au surplus, comme ils expliquent la chose. Si l’on pénètre le sentiment religieux, on y découvrira facilement une certaine intuition du cœur, grâce à laquelle, et sans nui intermédiaire, l’homme atteint la réalité même de Dieu : d’où une certitude de son existence, qui passe très fort toute certitude scientifique. Denzinger, n. 2081.

b) Possibilité de l’expérimentation. — C’est là une véritable expérience et supérieure à toutes les expériences rationnelles. Beaucoup, sans doute, la méconnaissent et la nient ; tels les rationalistes ; mais c’est tout simplement qu’ils refusent de se placer dans les conditions morales qu’elle requiert, ibid.

L’Encyclique signale ensuite le lien de cette doctrine avec le symbolo-fidéisme (chacun exprimant ses expériences personnelles par les formules ou symboles cpi’il préfère) avec l’indifférentisme religieux (les religions n’étant séparées que par leurs rites et par leurs dogmes, non par les expériences intimes de leurs fidèles) et avec l’athéisme, ibid., n. 2082. Elle ajoute, en indiquant les éléments d’une réfutation :

c) Présupposé agnostique. — Toute issue fermée vers Dieu du côté de l’intelligence, ils se font forts d’en ouvrir une autre du côté du sentiment et de l’action, n. 2106.

d) Psychologie fautive. — Tentative vaine. Car qu’est-ce, après tout, que le sentiment, sinon une réaction de l’âme à l’action de l’intelligence ou des sens ? ibid.

e) Danger moral. — Otez l’intelligence : l’homme, déjà si enclin à suivre les sens, en deviendra l’esclave, ibid.

f) Insuffisance logique. — Vaine tentative à un autre point de vue. Toutes ces fantaisies sur le sentiment religieux n’aboliront pas le sens commun. Or, ce que dit le sens commun, c’est que l’émotion et tout ce qui captive rame, loin de favoriser la découverte de la vérité, l’entrave. Nous parlons bien entendu de la vérité en soi : quant à cette autre vérité purement subjective… elle ne sert de rien à l’iiomme, à qui il importe surtout de savoir si, hors do lui, il existe un Dieu, entre les mains de qui il tombera un jour. — Pour donner quebjue a.-^sielle au sentiment, les niodernisles recourent à l’expérience. Mais l’expérience, qu’y ajoute-t-elle.’Absolument rien, sinon une certaine intensité qui entraîne une conviction proportionnée de la réalité de l’objet. Or, ces deux choses ne font pas que le sentiment ne soit sentiment ; ils ne lui ùtent pas son caractère qui est de décevoir, si l’intelligence ne le guide ; au contraire, ce caractère ils le confirment et

1. Traduction des Questions actuelles. 1907, t. XCIIl, p, 2Il sq., 2.Î3 sq. Nous introduisons, pour la commodité du lecteur, subdivisions a) b) c) et sous-litres.