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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/941

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EXTASE

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EXTASE. — I. Définition. — II. Espèces. — III. Effets. — IV. Erreurs concernant l’extase.

I. Définition. —

Les mytiques entendent par extase l'état qui, non seulement à son début, mais pendant toute sa durée, renferme deux éléments essentiels : le premier, intérieur et invisible, est un état très intense d’attention à Dieu ou à quelque autre objet religieux ; le second, corporel et visible, est l’aliénation des sens.

Cette dernière expression signifie, non seulement que les impressions des sens cessent d’arriver à l’àme, mais qu’on éprouverait une grande difficulté à provoquer des sensations, soit qu’on en ait soi-même la volonté, soit que d’autres personnes essaient d’agir sur les organes.

II. Espèces. — L’extase est appelée incomplète, si les sens donnent des connaissances confuses, ou si la personne garde le pouvoir de faire certains mouvements ou de prononcer des paroles.

L’extase s’appelle r^ extase simple, si elle se produit doucement, peu à peu, ou si elle n’est pas très forte ; 2" ravissement, lorsqu’elle est subite et violente ; S vol de l’esprit, lorsqu’elle semble séparer l’àme du corps.

La plupart des saints canonisés dans les temps modernes ont été gratifiés de l’extase. Quelques-uns, comme S. Josephde Cupertino, y étaient plongés tous les jours. Les extases durent souvent plusieurs heures, et on en a vu de plusieurs jours. (Pour plus de détails, voir mon livre Des Grâces d’oraison, ch. xviii, 6* édition ; Beauchesne, 1909.)

III. Effets. — D’après les témoignages unanimes des extatiques, leur intelligence s’agrandit pendant l’extase. Des vues très hautes, des idées profondes sur les attributs de Dieu les plus cachés occupent leur esprit. Toutefois ils sont impuissants à expliquer en détail ce qu’ils ont vu. Cela vient, non de ce que leurintelligencea été comme endormie, mais de ce qu’elle s’est élevée à des vérités qui dépassent la force naturelle de l’esprit humain et qu’ensuite leur mémoire ne peut d’ailleurs reproduire adéquatement. Demandez donc à un savant d’exprimer les profondeurs du calcul infinitésimal avec le vocabulaire des petits enfants et des bergers !

Comme l’a remarqué le P. de Bonniot, « ce n’est pas assez de dire qiie la langue adaptéeaux opérations ordinaires de l’esprit humain est forcément insutllsante ; les idées mêmes, ces idées par lesquelles nous comprenons tout, parce qu’elles sont la base de nos jugements, ne s’ai)pliquent plus aux intuitions de l’extase, qui sont d’un ordre infiniment supérieur » (ie miracle et ses contrefaçons, part. II, ch. vii, s. 2).

On ne saurait trop insister sur ce point : ce qui fait lavaleur des extases des saints, ce qui en établit l’origine divine et la transcendance, c’est l’extrême élévation des connaissances intellectuelles, avec les actes héroïques de vertu que pratiquent ces âmes.

IV. — Examinons maintenant les principales erreurs qui concernent l’extase.

Première erreur. — Beaucoup de nos adversaires (parmi les plus récents citons Mi’risier et Lkuha) ont essayé de déprécier l’extase, déclarant que l’intelligence n’y est pas inondée de vives lumières, mais que, tout au contraire, on y arrive à un monoidéisme très pauvre, puis à l’inconscience et à ral)rutissement.

1° Cette doctrine dénature audacieusement les faits et les renq)lace par des descriptions fantaisistes. C’est aux extatiques de nous renseigner sur ce qu’ils

éprouvent, et non aux médecins de leur expliquer ce qu’ils devraient éprouver,

Un savant, M. Darlu, a eu le courage de se plaindre de cette fausse méthode, dans une séance de la Société française de philosophie, qui réunissait vingt-cinq professeurs de la Sorbonne ou de l’Université.’( Un profane en ces matières, dit-il, peut donner son impression. L’histoire du mysticisme offre le plus grand intérêt : outre qu’elle est une partie notable de l’histoire des idées, elle nous fait réfléchir sur nos aspirations intimes, peut-être sur notre pauvreté spirituelle. Mais c’est à la condition d’être de l’histoire, de rapporter impartialement ce que pensent les mystiques, ce qu’ils éprouvent ou croient éprouver. Au contraire, la psychologie du mysticisme se substitue au mystique ; elle analyse, elle prétend modifier les états intérieurs qu’il atteste, les classer dans tel ou tel de ses coTupartiments. Elle est courte, elle est superficielle, elle est exposée, par les partis pris de sa méthode, à déformer, voire à rabaisser ce qu’elle prétend expliquer. >(fi « //e ; //i de la Société, janvier 1906, p.’(I.) Dans la même séance, M. Bloxdel présenta des critiques analogues.

2° Cette doctrine a un autre défaut. Elle n’explique pas pourquoi les sens sont suspendus. Parce qu’on ne pense à rien, ce n’est pas une raison de cesser de voir et d’entendre.

S"^ Autre réponse. Les mystiques admettent que généralement on n’arrive pas d’un bond à la période des extases. Celles-ci sont précédées d’une série d’états préparatoires dont le plus faible est appelé par Ste Thérèse oraison de quiétude. Si l’extase était un simple abrutissement, les états qui la précèdent seraient le commencement de cette situation lamentable, ce qui ne répond nullement aux descriptions classiques. Les mystiques et leurs directeurs se défieraient de cette misère psychologique et la repousseraient.

Certains auteurs ont essayé d’adoucir un peu la doctrine précédente ; ils ont donné l’explication émotionnelle. Celle-ci concède que l’extatique n’est pas plongé dans une sorte de sommeil épais. Il éprouve au contraire des émotions violentes qui lui font perdre l’usage des sens. Cependant son esprit ne s’applique qu’à une petite idée banale, si banale même que les auteurs ne songent pas à s’en occuper. — Mais ici encore on dénature les faits : on admet le contenu émotionnel de l’extase, et on rejette a priori le contenu intellectuel d’ordre supérieur. De plus, on afllrme l’existence d’une émotion absolument disproportionnée avec la connaissance qui la provoque. Enfin, si l’extase se réduit presque uniquement à une immense éruption d’amour, cette violence devrait commencer dès la quiétude. Tout ceci est contraire à l’expérience.

Seconde erreur. — On a voulu expliquer l’extase en disant que c’est un état maladif. Pour préciser davantage, on la confond avec l’évanouissement, ou avec la léthargie et la catalepsie.Mais dans ces états, l’àme est privée de connaissance ; tandis que dans l’extase elle est remplie de lumière et de joie ; l’aliénation des sens n’en est pas le seul élément, ni même le principal. La ressemblance est donc purement physique.

On a aussi voulu assimiler l’extase à l’hypnose. Mais les causes extérieures diffèrent totalement : les saints n’entrent pas dans leur état sous l’influence d’un opérateur, ainsi que cela arrive aux hypnotisés. D’autre part, au point de vue de l’àme, il y a une grande différence entre les deux états, soit pendant l’extase, soit en dehors. Car nous avons vu que, pendant l’extase vérital)le, la faculté intellectuelle grandit d’une manière surprenante. L’effet contraire est