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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/946

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FAMILLE

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foyer est faite de l’abnégation de chacun. Formés au foyer domestique, centre des forces économiques et morales essentielles, les enfants auront appris à travailler, obéir, aimer et respecter, et ils se retrouveront tels dans la Aie publique. La patrie est la terre des pères, et l’amoiu- qu’on a pour elle est le déAeloppenient naturel des affections familiales, c’est la famille qui y rattache l’homme par ses souvenirs et ses traditions comme par son fojer et ses espérances d’avenir. Sans famille et sans tradition, l’individu est bien près d'être un sans-patrie ; il dcvient un danger pour son pays, ne fût-ce que par sa tendance à mépriser son milieu, son désir orgueilleux et injustifié de sortir de sa sphère. La nation ne saurait prospérer sans famille solidement unie, faute de déA ouement et d’amour.

D’après certains philosophes, il est A-rai, un jour A’iendrait où, l’intérêt particulier se confondant aux yeux de tous avec l’intérêt général, la famille ne serait plus utile pour assurer l'éducation morale des individus. Par l’efïet de l'éA’olution, l’intérêt altruiste remplacerait l'égoïsme indiA’iduel et la moralité universelle s'établirait naturellement, conséquence fatale du progrès social. Hélas ! les faits, autant que le raisonnement, démontrent que la moralité tant sociale qu’indiA’iduelle ne se maintient pas sans un effort continu, dépassant les simples forces humaines. Ils démontrent aussi qu’aux progrès matériels et scientifiques correspond trop souA-ent en pratique une dégression morale : l’humanité orgueilleuse de son saA’oir retombe dans la sensualité grossière et l'égoïsme brutal ; nombre d’actes instinctifs, même socialement bienfaisants, tendent à disparaître dès qu’ils deviennent conscients et réfléchis. C’est une utopie dangereuse d’attendre de l'évolution naturelle la moralisation des hommes. Demain comme aujourd’hui, briser les liens domestiques, ce sera laisser le champ libre à l’intérêt personnel et ébranler la société jusque dans ses fondements.

Mais, dit-on par ailleurs, les affections familiales ne seraient-elles pas avanlageusement remplacées par Vamoiir du pays ou, pour employer une formule aujourd’hui à la mode, de l’humanité tout entière ? Cette thèse, qui peut se recommander de Platon, est soutenue par des modernes fondant le dcvoir social sur le principe de la solidarité. Mais, à moins d espérer, avec Auguste Comtk, le triomphe dans le monde d’un A'éritable culte de l’iiumanité, il faut reconnaître que la doctrine solidariste se heurte à une résistance opiniâtre de la raison et des instincts les plus profonds chez l’homme : l’individu ne se sent pas naturellement tenu de AÏAre, de mourir au besoin, pour d’autres qu’il ne connaît même pas. Certes la solidarité est un fait d’importance au sein d’une race, d’une nation ; mais l’amour de la patrie et surtout de l’humanité n’est inné chez aucun de nous ; pour dcvcnir fort, il doit prendre racine dans l’amour de la famille. Ce dernier au contraire est chez chacun spontané, naturel, irrésistible ; le temps et l'éducation l'élargiront pour en faire le patriotisme, l’amour des concitoyens ayant même langue et mêmes mœurs, même^ droits et mêmes dcvoirs, mêmes espérances et mêmes craintes, l’amour du sol qui porte les tombes, les foyers et les berceaux. La famille enchaîne l’homme à la patrie. Sans elle la patrie, et bien plus encore l’humanité, deA’iennent de froides abstractions, peu faites pour inspirer le déA’ouement. Aussi bien, pratiquement, les indÎAidualistes convaincus, après avoir nié la famille, en A’iennent A-ite à nier la patrie, exploitation organisée, osent-ils dire, des faibles qui sont le grand nombre au profit de quelques puissants. La famille est nécessaire à l’existence et à l’unité morales de la patrie ; qui cesse de l’aimer est

en danger de perdre l’amour de la patrie, c’est-à-dire la plus grande force sociale.

§ 2. Conditions essentielles d’existence de la famille. — Bienfaisante aux personnes et à la société, la famille ne peut produire ses heureux effets que si rien ne Aient contrarier sa constitution providentielle, entraA’er son déAeloppement. Pour la maintenir en son intégrité, les mœurs sont singulièrement efficaces et, suÎAant le mot de Portalis, les lois doÎAent être adaptées au caractère et aux habitudes des peuples pour qui elles sont faites. Mais les pouvoirs sociaux doÎA’ent non seulement constater l’existence, mais apprécier le mérite des dÎA-ers éléments qu’ils rencontrent pour favoriser les bons et écarter les pernicieux. Comme tout principe faux dans la réglementation de la famille a des répercussions graves et lointaines, le Gouvernement peut beaucoup en la matière. Il doit aA-oir confiance dans la famille et consacrer sa liberté d’action. Il doit faire davantage, protéger la famille contre ses pires ennemis, l'égoïste orgueil et l’esprit d’indépendance, garantir son unité et sa perpétuité, le respect de la hiérarchie aussi bien que la dignité des faibles.

Pour conserA-er son unité et durer, la famille a besoin d’un fondement solide : elle le trouvcra dans le mariage un et indissoluble. Tout acte, toute loi, énerA-ant le lien conjugal, atteint la famille dans ses œuvres aIacs, compromet son honneur et sa stabilité. Le mariage doit reposer plus sur l’union des âmes que sur les besoins des sens ou le rapprochement des intérêts ; il faut qu’entre époux, ayant des devoirs égaux, il crée une absolue communauté d’existence, une parfaite égalité de dignité et de droits. Pas plus donc que la poljandrie, la polygamie ne saurait être admise : elle éloigne le mainage de son but moral qui est le perfectionnement réciproque des époux, et elle jette lafemmedans l’abjection matérielle et morale, la réduit à une contrainte servile ; du coup le rôle si important de la mère dans la famille ne sera plus rempli. Et la sérénité, la paix de la famille, la dignité de l'épouse, l'éducation et l’existence même des enfants seront en égal péril avec cette sorte de polygamie successive qu’est le dÎAorce ou la répudiation. Sans doute, il A" a de graA’es inconA'énients à déclarer indissolubles des unions mal assorties ; et le divorce, là surtout où il est rare, ne détruit pas irrémédiablement l’institution familiale. Mais comme, suivant la formule profonde d’Aug. Comte, « la seule possibilité du changement y provoque », le dÎAorce tend toujours à se généraliser. Dès lors, l’honneur de la société conjugale et la pureté des mœurs, tant particulières que générales, sont en baisse, la femme, menacée de répudiation quand elle cessera de plaire, perd sa dignité, et rien n’assure plus la formation des enfants, éternelles AÎctimes des dissentiments entre parents. Le mariage, tel qu’il doit être compris, comporte surtout des dcvoirs ; le législateur le déclarera donc perpétuel. Le dÎA^orce, triomphe de l'égoïsme poursuivant le bonheur personnel de l’individu, transforme l’union conjugale en une association fragile où l’enfant est oublié et trop souA^ent sacrifié ; il sera donc proscrit.

Solidement fondée sur le mariage indissoluble, la famille ne saurait AÎAre sans autorité dévouée d’une pai’t, sans respectueuse déférence de l’autre. Cette société de trois personnes, le père, la mère et l’enfant, a besoin d’une autorité unique et indiscutée aux mains d’un chef responsable. La loi doit donc consacrer Vautorifé maritale et la puissance paternelle. (Chargé de protéger la femme, l’homme a le droit et le dcvoir de lui commander, sauf d’ailleurs à dcA’oir s’inspirer de l’amour plus que de la justice. Vis-à-A-is des enfants qu’il a engendrés et doit élcA-er, le père