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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/947

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FAMILLE

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exerce une puissance légitime, indispensable pour raccomplissenient de ses devoirs, sans laquelle l’anarchie, régnant dans le groupe familial, le détruirait rapidement. Dans le gouvernement et l'éducation des enfants, la femme est le ministre et l’auxiliaire de l’homme, représentant spécialement le plus pur dévouement, l’amour le plus désintéressé. Si entre les parents il y a une différence hiérarchique, ils ne doivent faire qu’un au regard de leur descendance : ils sont deux en une même autorité tout naturellement respectée, car l’amour rend facile à l’enfant l’obéissance, comme au père l’exercice de l’autorité. D’instinct, l’enfant aime ceux de qui il a reçu la vie et dont, aux premiers jours de son existence, il ne saurait se passer. Les liens créés par les nécessités physiques se relâcheront sans doute peu à peu, mais ils ne seront jamais brisés si le fils, formé aux sentiments élevés et généreux, conserve un respect reconnaissant pour l’autorité paternelle dont il ressent mieux désormais les heureux effets. Le jour où l’enfant fondera à son tour une famille, ce sera un rameau sorti du tronc principal, non ébranlé mais développé au contraire. Entre les parents et les enfants la société primitive subsiste, le foyer paternel demeure le centre des solides et fécondes affections, des forces économiques et sociales. L’organisation familiale est faite de respect et de stabilité.

Sera donc funeste à cette organisation et aux intérêts multiples qui en dépendent, tout ce qui, dans la loi ou les mœurs, encouragera le déplacement, l’instabilité, développera le goût du brusque changement de fortune, de rang, de condition, voire même de lieu. L’esprit individualiste sera plus nuisible encore, supprimant dans ce groupement naturel le respect qui postule l’ambiance d’une hiérarchie sociale, le dé^ ouement et l’amour qui unissent, pour laisser aux prises des amours propres et des intérêts opposés. Si le législateur n’y met bon ordre, ou bien l’autorité paternelle, devenue despotique vis-à-vis d’enfants asservis ou révoltés, obtiendra par la force ce qu’elle ne saurait plus demander à une soumission affectueuse, ou bien elle abdiquera, et l'œuvre de l'éducation des jeunes générations sera manquée. Dans tous les cas, c’en sera fait de l’unité harmonieuse et progressive de la famille ; à vraiment parler même, il n’y aura plus de famille, le foyer domestique sera définitivement détruit.

Aussi bien l’unité, la cohésion de la famille doit persister au delà des générations présentes. Dès lors, la tradition est nécessaire, et aussi le principe (l’hérédité par lequel vertus et richesses morales se transmettent, le respect, la Gerté, l’amour des ancêtres et de la race. Tandis que les générations se succèdent, chacune préoccupée surtout de celle qui la suivra, vivant pour elle et disposant à son profit des legs de générations passées, la famille demeure, qui leur donne à toutes une force singulière de continuité et de perpétuité. Sans tradition, il n’y a plus à vraiment parler de famille. Pour que celle-ci dure, les institutions sociales doivent respecter les traditions et maintenir le i)atrimoine familial.

Malheur donc aux peuples qui, sous couleur de progrès, affectent un dédain superbe pour la tradition et les ancêtres, dont la législation bouleverse brutalement les anciennes croyances et les coutumes séculaires. Ils préparent ainsi une race de déclassés, de déracinés, d'éternels méconlents, cl consacrent la ruine de la famille. Tel sera aussi l’effet de la suppression du foyer familial, si l’on bal en bièche l’hérédité du patrimoine. C’est seulement dans les jtays de propriété personnelle et d’héritage que la famille s’est maintenue fortement organisée : là seulement elle se rencontre sous la forme monogame, avec un élat

ciA’il régulier et la transmission du nom patronymique. Sans doute la propriété et la transmission héréditaire des biens sont un élément simplement matériel de la tradition ; mais cet élément est en quelque sorte le support des autres, il fortifie la famille en même temps qu’il émancipe l’individu vis-à-vis des autorités publiques : sans foyer ni patrimoine, le groupe est voué à une prochaine et fatale dispersion. Unité et perpétuité, organisation hiérarchique et cependant protectrice de la dignité des faibles, telles sont les conditions essentielles pour rendre possible et facile à la famille son rôle nécessaire. Mais elles ne se réaliseront jamais qu’avec le secours de la religion : la famille type est la famille chrétienne et les vraies vertus familiales sont des vertus chrétiennes, même si la pensée religieuse ne vient pas s’y ajouter.

§ 3. La famille et la religion. — Société naturelle, faisant partie de l’ordre naturel, la famille ne remplira cependant sa tin propre qu’avec le secours surnaturel ; a fortiori échouera-t-elle si, connaissant ce secours, elle le méprise et le repousse. C’est en effet une loi générale, une loi sociale, que la nature, livrée à ses seules forces, est impuissante à se conserver, que sans l’ordre surnaturel les vertus et la morale, même naturelles, ne peuvent subsister intactes. Historiquement parlant, la famille a toujours eu la religion pour fondement et support ; et seule la religion vraie, le christianisme, lui a permis de prendre son complet développement. La religion pénètre la famille de toutes ses influences pour l'élever dans les plus hautes sphères et en faire une liberté féconde. Le christianisme sacre la famille dès son origine. Il en assure la durée et la dignité. Il lui assigne sa vraie fin et le seul moyen eflicace d’atteindre cette fin : le dévouement inspiré, soutenu par la foi.

1° La vie domestique est une œuvre de gratid dessein qui doit être commencée avec respect et poursuivie avec amour. Le christianisme sacre la famille des l’origine en faisant du mariage entre Iiaptisés un sacrement. Ce n’est pas qu'à un contrat naturel préexistant s’ajoute un caractère surnaturel : le contrat luimême est élevé à la dignité de sacrement. Les époux en sont les ministres, sauf à devoir remplir les conditions posées par l’Eglise pour sa validité. Le sacrement et le contrat ne font qu’un et l’un n’existe pas sans l’autre. Sans contrat il n’y a pas de sacrement, par exemple en cas de nullité du contrat d’après le droit naturel. Mais sans sacrement, pas de contrat créant des droits et des obligations de conscience. Qui donc refuse le sacrement, refuse la condition prescrite par l’Eglise pour qu’il y ait mariage et, du coup, annule son propre contrat. Ainsi, déjà grand en soi, le mariage est surnaturalisé par le christianisme qui en fait, non pas partiellement mais totalement, une chose spirituelle, surnatiu-elle, et y voit la tigure de l’alliance mystérieuse, mais très réelle, de.lésus-Christ avec l’Eglise représentant l’humanité régénérée. La famille se trouve, quant à son principe au moins, placée au-dessus de l’Etat, hors de l’atteinte des pouvoirs humains.

2° Le mariage chrétien sera un et indissoluble : la polygamie et le divorce, que la loi ancienne tolérait en rigueur de droit, sont proscrits pour la première fois par le christianisme et « pour un grand nombre d’esprits, le grand principe social de l’indissolubilité / du mariage n’a, au fond, d’autre tort essentiel que d’avoir été dignement consacré jiar le catholicisme » ] (Aug. CoMTii). Par là, la durée de la famille est garantie, en même temps que sa dignité et celle de ses membres. En ce qui concerne spécialement la femme élevée de l'état de servante ou d’objet de brutale jouissance pour l’homme à la condition de personne, la