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Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/965

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1913

FIN DU MONDE

1914

II. La fin du monde dans les écrits apostoliques. — La question étant posée par la critique indépendante, de savoir ce qui, dans les évangiles synoptiques, représente strictement la pensée personnelle de Jésus et ce qui appartient soit à la tradition primitive, soit aux rédacteurs, il est indiqué de commencer notre enquête par les propres écrits des disciples du Maître, et d’essayer de déterminer tout d’abord avec précision l’état d’esprit des premières générations chrétiennes touchant la proximité de la parousie et de la fin du monde.

A. Ecrits johanniques. — Le dernier chapitre de l’Apocalypse alfirme à plusieurs reprises la venue prochaine de Jésus (xxii, G-7, 10, 12, ao). S’il était établi que cette venue n’est autre que la parousie, le sens précis que l’auteur attachait aux formules relatives et, comme nous le verrons, passablement décevantes,

« sous peu », « bientôt », resterait à préciser, 

d’autant qu’à n’en pouvoir douter il ignore la date exacte de cet événement. Mais ces déclarations doivent-elles s’entendre de la parousie ? C’est ce qui me parait très contestable, pour ne pas dire plus. Le contexte immédiat, même les vv. 12 ss. qui pourraient viser la grande crise aboutissant au règne millénaire, ne permet pas de rien atUrmer. Il faut donc, pour obtenir un supplément de lumière, se reporter à l’ensemble des prophéties de l’Apocalypse, dans lesquelles il est dillicile de ne point distinguer plusieurs plans ou perspectives et plusieurs venues du Christ (cf. l’article : Apocalypse, I, col. 158 ss.). Il y a la venue proprement eschatologique, la parousie, inaugurant le règne définitif et transcendant dans un monde nouveau (xx, 7 ; xxii, 5). Il y a la venue qu’on peut quaiitîer tout ensemble d’historique et de spirituelle, inaugurant sur notre terre actuelle le règne millénaire, c’est-à-dire l’épanouissement et le triomphe de ce règne messianique ouvert par la première venue du Christ (cf. peut-être I Cor., xv, 24 ss.). Toute une période, une ère ( 1.000 ans), la sépare, au sentiment de l’auteur, de la venue eschatologique (iv, I ; XX, 6). Enfin il y a des venues particulières ou locales et spirituelles, non pas visibles (11, 5, iG ; 111, 3, 20) (cf. R. H. Charles : Eschatology, dans VEncyclopædia Biblica, vol. I, 1902, col. i’à'](î). he verset 1 1 du chapitre m se réfère peut-être à la venue préparatoire au règne millénaire, comme c’est le cas pour vi, 11. A laquelle de ces venues pensait l’auteur de l’Apocalypse en rédigeant la conclusion de son livre ? Si l’exégèse proposée est exacte, ce ne peut être qu’à la Aenue inaugurant le règne millénaire et non point à la parousie proprement dite. L’on n’est donc pas fondé à dire que l’Apocalypse prévoit et annonce catégoriquement le dernier avènement et la fin du monde pour une date imminente ou tout à fait prochaine.

Le Quatrième Evangile témoigne de l’élasticité que possèdent, dans le langage johannique, les termes de « venue » ou de « retour », comme d’ailleurs ceux de’< résurrection » et de « jugement ». En plus de leur signification eschatologique, ils y revêtent un sens tantôt historique et tantôt spirituel et mystique. Le fait, qui est à peu près incontesté, vaut qu’on y prête attention et peut être regardé comme confirmant dans une certaine mesure l’interprétation de l’Apocalypse proposée plus haut. Au ch. v de l’évangile selon S.Jean, le v. 25 s’ententl d’une mort et d’une résurrection spirituelles. Les vv. 28-29 visent bien la résurrection finale, mais cet événement appartient à un autre plan que celui de la résurrection spirituelle et, quoique sommai rement marquée comme toujours, la difiérence de perspective se laisse apercevoir. Le retour du Christ dont il est i)arlé au

ch, XIV, 2-3 (cf. xiii, 33-38), ne doit pas être la parousie.

« Il n’est pas question ici, écrit le P. Calmes, 

de la réappai-ition du Christ au jugement dernier, pas plus que de sa résurrection glorieuse. Il est plus probable qu’il s’agit du jugement particulier qui suit immédiatement la mort de chacun, et que le Seigneur fait allusion au passage de la vie terrestre à la vie glorieuse. Jésus se sépare momentanément de ses disciples pour être leur précurseur dans la maison du Père céleste (Ilébr., vj, 20) ; il reviendra les chercher et ils seront réunis pour toujours dans la demeure bienheureuse. » (Evangile selon S. Jean, 190/), p. 387.) Les vv. 18 ss. du même chapitre s’entendent d’une venue intérieure, mystique, du Christ glorieux dans l’àme de ses disciples (cf. xiv, 23), tandis que xvi, 16 se réfère aux apparitions de Jésus ressuscité (E. von Dobschuetz, The Eschatology of’tlie Gospels, dans The Expository Times, mai 19 10, p. 409 ss.).

Le passage bien connu, xxi, 22-23, est souvent allégué connue constituant une annonce formelle, et placée dans la bouche même de Jésus, de la parousie imminente. C’est bien ainsi, en effet, que dans l’entourage du « disciple bien-aimé » l’on interprétait la parole « jusqu’à ce que je vienne » et c’est un indice que l’attente de la parousie imminente était vivante dans ce milieu. Maisl’auteur déclare implicitement que cette interprétation n’est pas fondée. Il s’abstient d’ailleurs de donner le vrai sens de cette parole obscure du Maître, N’aurait-elle pas simplement en vue d’opposer à la mort violente, au marlj^re de Pierre la mort naturelle du « disciple bien-aimé », et « jusqu’à ce que je vienne » ne serait-il pas à entendre dans le sens de xiv, 2-3 ? En fin de compte, le Quatrième Evangile, pas plus que l’Apocalypse, ne contiendrait rien touchant la proximité de la parousie, à part l’annonce tout à fait indéterminée du chapitre v, 28 s. Il en est autrement des épîtres johanniques. Encore que peu explicite, l’eschatologie s’j' trouve placée en évidence. Il y est question d’une « manifestation » future du Christ (I Jean, 11, 28). Cette manifestation est proche (I Jean, ii, 18, 28). L’auteur semble induire sa proximité de la présence dans le montle de l’Antéchrist ou des Antéchrists (I Jean, 11, 18 ; iv, 3 ; II Jean, 7). « Enfants, écrit-il, c’est l’heure suprême I Vous avez entendu annoncer la venue de l’Antéchrist ; eh bien ! il y a maintenant beaucoup d’Antéchrists. Par là nous connaissons que c’est l’heure dernière » (I Jean, 11, 18). Ces Antéchrists sont des chrétiens hérétiques (I Jean, ii, 19, 22-23), de faux prophètes que l’esprit de l’Antéchrist inspire (I Jean, iv, i-3 ; cf. peut-être I Cor., xii, 3), La mention de l’Antéchrist, le caractère et le rôle qui lui sont attribués, trahissent la parenté de cette eschatologie avec celle de S. Paul et suggèrent que la manifestation du Christ à laquelle pense S. Jean, est bien la parousie. Il n’est pas aisé de déterminer ce que représente exactement pour l’auteur de nos épîtres cette proximité de la parousie ni de décider si sa pensée, I Jean, 11, 28, est vraiment que ses correspondants sont destinés à voir, avant de mourir, cet événement tant désiré. II est manifeste en toute hypothèse qu’il ne sait rien de sa date exacte.

S. Jean ne dit pas où il a puisé les idées et les sentiments que nous venons de rapporter. Les évangiles ne contiennent aucune parole de Jésus où l’on puisse reconnaître clairement la conception paulinicnne ou johannique de l’Antéchrist. Tout au plus pourrait-on en voir les linéaments indistincts dans.1/c/^///.. xxiv, 4-5 et parallèles, interprétés eschatologiquement. Ce paraît être une notion d’origine juive, reprise et précisée à la période apostolique, plutôt que développée par Jésus lui-même. Ce que S. Jean dit de la présence